Séquence 1.
Une boule de chiffons tremble dans le sein de ruines romanes. Les geignements de deux enfants se mêlent à un silence animal. Le vent chevauche les lianes et nouent les hautes herbes. Puis, un soupir.
Une ombre qui s'approche. Une ombre qui se penche. Une ombre qui découvre deux nourrissons de leur étoffe boueuse.
Séquence 2.
Des bruits de griffes résonnent. Une fourrure bleue. Un regard vert flavescent. Un loup. Un loup énorme marche à l'intérieur d'une caverne étroite, rocailleuse et piquetée de vers luisants. Le vent s'engouffre et racle les parois, en un son funèbre.
Séquence 3.
Des crocs affûtés par les proies qui gisent et craquent sous les pattes du loup. Le silence est percé par une musique tordue, cordes pincées et soufflements étirés. Le loup grogne et lâche le baluchon maintenant en haillon. Deux bébés joufflus en tombent. Leurs yeux sombres percent la nuit comme deux paires d'étoiles, directement dans celle du loup.
Séquence 1.
Des sandales au cuir havane. Des talons brossés par le sable tapissant les rues. Une jupe rose. Une femme. Des murs ocres. Des balcons qui se penchent vers les passants. Des passants engoncés dans des taffetas burlesques. Une chevelure rousse. Des lèvres pâles. Un regard viride.
Une voix : « Nous ne savions pas que la louve était une pute. »
Séquence 2.
La femme entre dans une taverne au clair-obscur foudroyant. Des pièces passent de la main des joueurs de cartes à celles des filles de joie, mordorées sous l'éclat d'une bougie tendre. Des rires. Des tintements. Une musique grasse.
La même voix : « La louve était notre mère. Elle était celle qui cajolait nos pieds meurtris par le travail et qui remplissait nos assiettes. »
Séquence 3.
La femme monte un escalier lugubre. Sa chevelure rousse et bouclée forme une cape rougeoyante derrière elle. Le tissu diaphane de sa robe se plisse dans sa montée. Le silence est percé par une musique tordue, cordes pincées et soufflements étirés.
La voix poursuit : « Une pute vend la seule marchandise qui appartient vraiment aux femmes d'ici. Le rêve. »
Séquence 4.
Les sandales claquent sur le parquet défraîchi, la musique continue, de la lumière ocre et des grognements chevrotants s'échappent de sous les portes.
La voix inspire et reprend : « Les rêves sont souvent tarifaires, ici. Ils vous achètent le pouvoir, la culture ou le plaisir. »
Un hurlement érotique fait s'arrêter la femme devant une porte close.
La voix termine : « La louve avait les trois. La louve était forte, féroce et ferme. Souvent, je l'entends tonner dans la voix de mon frère. Un éclair dans son souffle et je me crispe. Un éclat dans son silence et je me rappelle l'électricité qui chargeait l'air ce jour-là. Le jour où Romulus me tua et la louve triompha. »
Séquence 5.
Un garçon glabre. Des boucles méchées par le soleil. Un nez droit. Un regard bleu. Il a quatorze ans et un sourire édenté. Une cicatrice enflée barre le coin de son rictus. C'est sa première fois dans l'une de ses chambres. Les rideaux sont noircis par la nuit. La fenêtre est ombragée par des volets. Le bois grince. Le garçon allume plusieurs rangées de bougies, auréolant une Madonna engoncé dans un tissu rouge, entouré par deux putti.
Séquence 6.
On toque à la porte. Le garçon s'empresse de se mettre sur le lit, d'adopter le contraposto le plus naturel, et d'ébouriffer ses cheveux lumineux. Une femme bourgeoise, richement vêtue, entre. Ourlée de dentelle et cachée dans du velours pourpre. Des bijoux obscènes, lourds et palpitants. La femme tend sa main au jeune homme et laisse ses dents découvrir ses doigts veloutés. Le jeune homme baise son poignet. Une larme coule le long de sa joue, incisive sous la lumière de la bougie. Une expression amère sculpte ses traits.
La même voix que tout à l'heure : « La louve fit de nous des loups. La pute fit de nous des putes. Le pouvoir engendra le pouvoir. Et je n'ai jamais su lui dire que ce qui m'était le plus précieux c'était la maison. »
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DOSSIER
Randomje suis en licence d'écriture et voici un dossier de mes travaux d'écriture (scolaires et pas toujours très bons, sue me)