le zircon

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Sur sa peau brillait des fards opalescents. Sur ses jambes se balançaient une jupe filée d'halite informe. Et sur ses lèvres peintes avec la pâleur de l'écume, des froufroutements nacrés embaumaient la pièce de leur parfum iodé.

Pour un marin déserteur comme Eliés, cette créature burlesque on la trouvait dans une chanson d'où suintait le rhum ou le genre de conte murmuré les soirs où la Lune était trop pleine et les abysses bleus trop argentés.

Ses camarades voyaient des torses engoncés d'écailles. Lui, n'entendais que le chant houleux des vagues délicates et le froissement des reflets pâles distordus comme une étoffe ouateuse.

Mais Eliés avait besoin d'une sirène.
Et une sirène ostracisée ne faisait pas de vagues mais elle ne pouvait s'empêcher de chanter. Sa voix prenait tous les timbres, toutes les langues, tous les sons – elle bruissait, papillonnait, bondissait, tonnait et fendait la foule stupéfiée.

Mais le langage du poisson ne dit rien à celui qui ne peut y répondre.

Il brossa machinalement la cicatrice gonflée sur sa gorge.

Eliés s'était réfugié dans la marine.
Ses mains séchées par la boue et la laine, les souliers déchirés de ses mollets émaciés et son corps dolent.

Puis il avait tout perdu.

Il repensa à la dague, aux chants, aux coups d'ailes et à sa respiration étranglée.

Et il devait retourner sur l'île d'Anténos, l'île de toutes ces cantatrices qui avaient attaqués Ulysse pour la même raison qu'elle lui avait pris sa mort.

L'éternité.


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