Les boîtes à souvenirs ne sont pas toujours des boîtes.
Elles sont des maisons hantées : des traces de crayons sur un montant écaillé, des tâches de vernis sur une commode, des rayures sur un parquet. Des souvenirs qui grouille dans les murs et qui donnent le cafard.
Elles sont des cimetières : des initials noyés sous les vagues, des gravures sur des arbres abattus, des échos éthérés patinant sur des fenêtres ouvertes en fracas. Des souvenirs qu'on se doit d'oublier pour ne pas avoir à s'en rappeler et penser aux gens avec qui on ne peut plus s'en rappeler.
Elles sont des chambres.
Et elles s'ouvrent d'un coup de regard.
Le tourniquet craquant de vernis : les vernis d'Halloween, verts ou jaunes et irisés, pour quand notre quartier pavillonnaire tranquille tapisse leur gazon de jack-o-lantern et de fausses tombes. Les vernis de Thanksgiving, oranges ou violets et mat, pour quand on est chez notre Nana et qu'elle tisse nos cheveux de perles et de plumes dans son salon minuscule et chaleureux. Les vernis de Noël, bleus ou rouges et pailletés, si on est chez papa ou maman, dans un appartement new-yorkais avec les klaxons, les parfums d'épice et de glace quand on tourne sur la patinoire et les illuminations ou alors en californie, dans une petite bicoque qui pue le sable et l'iode et où on dort pas à cause de la résonance des vagues qui s'engouffre par les interstices.
Le vernis de Pâques. Le vernis d'anniversaire. Le vernis du 4 juillet. Le vernis des vacances d'été, jaune et brillant.
Les polaroïds. Les tiroirs grands ouverts sur lesquels on a dessiné en revenant de notre premier cours de natation, le chlore encore dans nos cheveux et nos lèvres retroussées, imaginant le bleu qu'a pris la piscine une fois qu'ils ont allumé les spots et le trouble dans l'eau du système de nettoyage. Les bijoux jetés hasardeusement. Le scrunchie que je lui ai prêté sur un banc, dans un jardin, lorsqu'on mangeait des fraises, cachées par des herbes fougueuses et des fleurs lourdes, couronnées par le chant des mésanges et des canopées carillonnant. Les jupes d'uniforme raccourcies et effilées. Les vinyles. Le rouge à lèvres qu'elle a volé car maman ne voulait pas l'acheter, la couleur n'était pas de son âge et de toute façon, le Sephora était immense, les rangées de produits hautes et l'air étouffant.
Chaque texture, couleur, reflet est dans sa boîte, bien à sa place. Pourtant, les souvenirs n'ont pas le même goût.
Il n'y pas la bille de la mélancolie, le pincement de la nostalgie, l'attente de la langueur - mais un fourmillement.
Une chaleur gourde qui coupe la respiration et pique les yeux et tord l'estomac, une sorte de... culpabilité.
Parce que les boîtes à souvenirs ne sont pas toujours des boîtes.
Parfois, elles sont des ponts.
Et les gens ferment les yeux, leurs bras et piquent car c'est douloureux, les souvenirs. Surtout quand on est sœurs et qu'on a pas les mêmes.
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DOSSIER
De Todoje suis en licence d'écriture et voici un dossier de mes travaux d'écriture (scolaires et pas toujours très bons, sue me)