Pas pour très longtemps, cependant. Debout au centre d'un grand espace, je titubai en prenant conscience de l'air lourd et vicié qui imprégnait chaque parcelle de cette pièce. Les murs fabriqués dans une pierre flamboyante émettaient une lueur faible et dérangeante. Des ombres déformées dansaient sur les parois et tourbillonnaient dans une chorégraphie sinistre. Je n'avais plus aucun contrôle sur mon corps. Je voyais à travers mes yeux rougis par les cendres, sans toutefois pouvoir effectuer le moindre mouvement. Ma peur monta encore d'un cran quand des flammes s'élevèrent du sol, à quelques centimètres de mes pieds. Des plaintes et des cris lointains s'échappaient des profondeurs de cette terrible enceinte. La chaleur étouffante me carbonisait la peau. À chaque inspiration, l'atmosphère oppressante s'insinuait davantage dans mes poumons douloureux.
De l'autre côté de la salle, Lucifer m'observait avec une arrogance effroyable. Je savais que c'était lui, parce que mon corps et mon esprit me le clamaient. Ils me hurlaient de partir, de courir aussi vite que possible.
J'attendais dans l'antre du prédateur et je représentais sa proie.
Debout, et plus fier qu'un guerrier, l'Archange déchu tenait une épée noire. Ses ailes déployées de chaque côté de son dos ressemblaient à celles d'une chauve-souris, comportant de rares plumes. J'avançai dans sa direction avec une détermination que je ne ressentais pas.
Non, recule ! tentai-je de crier. En vain. D'autres mots franchirent ma bouche :
— Rends-lui ! Rends-lui son âme ! Tu n'avais pas le droit de la lui prendre.
— Lui prendre ? répéta le monstre en éclatant de rire. Mais ma chère Kendra, il me l'a donné de son plein gré.
Je savais de qui on parlait : Zel. Les souvenirs de l'ancienne Kendra, debout dans cette salle, se mêlèrent à ceux que je possédais aujourd'hui, créant un étrange cocktail dans mon esprit. Puis, la pièce disparut, mais pas ma peur.
J'ouvris les yeux sur ma chambre avec la sensation troublante de percevoir l'aura de Zel autour de moi. Les murs roses chassèrent les dernières visions de l'Enfer. Pendant quelques secondes, je me sentis bien, comme si je flottais. Ensuite, ma rancœur pour le motard revint à vitesse grand V, prenant toute la place dans ma tête.
Il m'avait menti.
Peut-être qu'il n'appartenait pas aux effectifs de l'université et qu'il n'était même pas garagiste. À cela s'ajouta ma déception de savoir Adam mêlée à ces cachotteries, mais la douleur ressentie n'était pas la même.
Un faible mouvement attira mon attention. La crainte de voir ressurgir Chaos m'agrippa le ventre, et je manquai de tomber du lit. Mais je reconnus Polie, debout près de la porte ouverte, un plateau à la main.
— Salut, Kendra, comment tu te sens ? Tu as dormi pendant deux jours, m'annonça-t-elle. On a cru que tu ne reviendrais pas à toi.
En guise de réponse, je posai ma paume sur mon front douloureux. Je recevais des décharges dans le crâne sans savoir si la cause était l'accident ou mon passé qui se fracassait contre mon esprit hermétique.
— Tu peux entrer, l'invitai-je.
Je me redressai avec l'impression d'être passée sous un rouleau compresseur. Polie approcha et déposa le plateau sur ma table de chevet.
— Comment je suis arrivée ici ? lui demandai-je en me remémorant l'accident de voiture.
— Tu as eu un malaise dans le salon.
— Comment ça ? J'étais sur la route, pas...
Je me tus, parce qu'essayer de tirer ça au clair me réclamait trop d'efforts mentaux. Pleine de sollicitude, ma vice-présidente me donna une aspirine.
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Zel : plumes de chaos (t3) - sous contrat d'édition chez Hachette
ParanormalKendra est revenue... mais pas entièrement. Elle a abandonné quelque chose derrière elle : sa mémoire. Alors que plusieurs mois viennent de s'écouler, et qu'elle essaie de savoir qui elle est vraiment, elle intègre l'université de Raven Hill. Une gr...