Zel : plumes de chaos (t3) - sous contrat d'édition chez Hachette

Chapitre 19

Je mis une bonne minute à rassembler mes pensées. Une partie de moi désirait appeler Jess pour la prévenir de l'évolution positive de ma relation avec Zel, l'autre me disait que ça lui serait égal. Raison pour laquelle une lueur de peine entacha ce joli tableau. Je montai l'escalier jusqu'au premier étage, les lèvres encore envahies par le goût de celles de Zel.

Mais très vite, la réalité me rattrapa. Assise sur mon lit, Jess m'attendait.

— Oh ! Mais... que fais-tu ici ?

Elle regardait dans le vide, l'air un peu triste. Tout de suite, je me repris :

— Enfin, je veux dire que je suis contente de te voir. Tu peux venir quand tu le souhaites si tu as besoin de parler ou... peu importe.

— Ta fête était bien ?

Je restai silencieuse, et elle me scruta droit dans les yeux. Sa frimousse d'ordinaire adorable et détendue trahissait encore sa colère. Quelque part, ça ne me surprenait pas, puisqu'elle ne répondait à aucun de mes messages depuis notre dispute.

— Euh... ça va.

— On dirait que ça te réussit bien ! lança-t-elle en se levant, les larmes aux yeux. Je ne t'ai jamais vu aussi heureuse et rayonnante. Tu peux me remercier d'avoir inscrit ton prénom sur cette liste, pas vrai ?

— Jess...

— Ta chambre est magnifique, ajouta-t-elle avec un sanglot dans la voix. Ça te fait quoi d'avoir ton prénom gravé sur une plaque en or, dans une sororité dans laquelle tu ne voulais même pas appartenir, au départ ? Je pense que tu m'as menti. Tu préparais ce plan depuis le début.

Je m'avançai vers elle, tout à coup plus irritée que désolée.

— Je te ferais remarquer que je me suis retirée du jeu pour que tu puisses être acceptée, Jess !

— Tu connaissais cette épreuve, j'en suis sûre ! Quelqu'un t'a aidé, comme quand on t'a conseillé de garder une paire de tennis près de ton lit. Franchement, Kendra, tu es pitoyable.

Je demeurai trop choquée pour répondre. Jamais encore elle ne m'avait insulté. On s'entendait si bien avant cette histoire... mais si elle ne voulait pas tourner la page, je ne pouvais pas la forcer.

— Je n'ai pas triché. Tu es mon amie.

— J'étais ton amie.

Je tiquai, et changeai de sujet afin de ne pas envenimer la situation.

— Tu as bravé le couvre-feu pour venir jusqu'ici ? Tu es passée par les souterrains ?

— On s'en fiche, Kendra. Je suis là pour te ramener le reste de tes affaires, dit-elle en désignant quelques sacs à côté de mon lit. Maintenant, je vais rentrer.

Elle se dirigea vers la porte, me mettant un coup d'épaule au passage. Une étrange sensation me saisit, bien moins agréable que toutes celles qui s'étaient succédé ce soir. Pendant un instant, je vis des tentacules noirs et visqueux fouetter l'air autour de Jess. La jeune femme semblait entourée d'un nuage sombre et opaque.

— Jess ! m'écriai-je.

Elle se tourna vers moi, le regard mauvais.

— Quoi ?

— Tu...

Mais il n'y avait déjà plus aucune trace de ce phénomène. Comme en ce moment, les visions m'empêchaient de différencier la réalité de mon imagination, je secouai la tête.

— Non rien. Sois prudente, OK ? Passe par les souterrains pour rentrer, on ne sait jamais.

— Comme si ma santé t'intéressait.