Zel : plumes de chaos (t3) - sous contrat d'édition chez Hachette

Chapitre 26

Elle ne réagissait pas, et je la comprenais. Ce que je venais de vivre me laissait un arrière-goût de terreur si profond que je devais lutter contre les larmes.

— Comment tu as fait ? me questionna tout à coup Isabella.

— Je ne sais pas, j'ai simplement demandé à l'aide et les fantômes m'ont entendu. Je...

À sa tête, je saisis qu'elle ne parlait pas de ça. Je me tus, histoire qu'elle ne me prenne pas pour une demeurée finie.

— Tu as ouvert une porte sur le monde des morts, Kendra.

— Moi ? Mais c'est toi qui...

— Non, je me suis contenté de légèrement déchirer le voile qui sépare les dimensions, juste assez pour laisser passer un esprit. Mais toi, tu as ouvert un passage et les esprits errants qu'il y avait autour de nous... s'y sont précipités. Ils sont maintenant dans l'au-delà. Ce n'était jamais arrivé auparavant. Aider un fantôme à passer de l'autre côté, OK, mais autant d'un seul coup...

Je ne voyais pas comment j'avais pu faire une chose pareille.

— Est-ce que la porte est encore ouverte ? m'enquis-je. Des âmes de l'au-delà risquent-elles de venir dans notre monde ?

— Non, j'ai réussi à la verrouiller. J'aimerais comprendre comment tu t'y es prise.

Bonne question. Selon Zel, j'étais une clef, ce qui signifiait que je pouvais ouvrir et fermer des passages. Jusque-là, je croyais que ça se limitait à celles du Paradis ou de l'Enfer, vu les circonstances.

— Si je te raconte quelque chose, est-ce que tu peux le garder pour toi ? demandai-je à Isabella.

— Bien entendu !

— N'en parle pas à ta sœur pour le moment d'accord ? Ni à aucune autre Psi.

Elle opina, et je vis briller dans ses iris la certitude qu'elle ne me trahirait pas. Je lui révélai donc ma nature de Clef en utilisant les mots de Zel. Trop concentrée à effectuer des recherches sur Chaos ou les démons, ces derniers temps, j'avais délibérément mis cette partie de moi de côté. Je ne la comprenais pas, et elle ne me semblait pas si dangereuse... jusqu'à maintenant.

— Une clef ? s'exclama la petite blondinette. Et tu dis que tu as déjà empêché Lucifer de venir dans notre monde ?

— Oui, mais je ne m'en souviens plus. Tu trouves ça fout, pas vrai ? Excuse-moi, j'ai conscience que c'est tiré par les cheveux, mais...

— Non, je te crois. Je ne peux pas te dire pourquoi c'est le cas, mais je sais que tu dis la vérité. Tu dois être très puissante pour réussir à utiliser ce pouvoir sans le vouloir. Actuellement, les portes de l'Enfer et du Paradis sont fermées, dis-tu ?

— Il semblerait.

— L'avantage, c'est que plus aucun démon ne peut venir sur Terre. Si on trouve un moyen de détruire tous ceux qui sont dans notre monde, ça nous fera des vacances. Peut-être que tu peux même tous les renvoyer d'un coup, comme tu as fait avec les esprits errants.

Elle se marra et se leva pour commencer à ranger.

— Isabella, il paraît qu'il y a des démons sur le campus...

— Ma pauvre Kendra, ils sont partout. Et je ne te parle pas des véhicules humains qui sont aussi mauvais qu'eux. Ils sont destinés à accueillir des démons en eux au cours de leur vie, et ils ont donc des prédispositions au mal.

Elle entreprit de ranger ses draps dans sa commode. J'attrapai le bandeau à cheveux de Stella, prise d'une horrible angoisse :

— Et si j'avais renvoyé ma sœur dans l'au-delà par accident ? Si elle faisait partie de ces esprits ?