Chapitre 28

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Les larmes coulaient sur mes joues, et je n'arrivais pas à les arrêter. Lysandre aussi pleurait. Sa souffrance me percutait comme une comète. Elle hurlait dans chacune des fibres de mon corps.

— Alors j'ai patienté, siffla-t-il de rage. J'ai accepté tant bien que mal ce rôle qu'on m'imposait, parce que je n'ai pas eu le choix. Les tortures qu'infligeait Lucifer à ses cavaliers récalcitrants étaient d'une violence sans nom. Je lui ai cédé, ceux qui étaient dorénavant mes frères lui ont juré également allégeance. Tu sais qu'en Enfer, il y a des démons élevés dans l'optique d'espérer devenir un jour cavalier ? Parfois, il arrive que le sort leur offre cette opportunité. À d'autres moments, il s'acharne sur des gens qui ne l'ont jamais souhaité, comme moi. Mais on n'a aucun contrôle là-dessus, Dieu lui-même ne choisit pas ceux qui endosseront le titre de Cavalier. Alors oui, quand l'occasion s'est présentée de retrouver ma liberté et de quitter le monde dans lequel tout me rappelait Deylan, je n'ai pas hésité. Cette occasion, c'était toi. Ce monde, insista-t-il en désignant le paysage autour de nous, est le seul dans lequel je peux devenir quelqu'un de meilleur. Et ce ne sera certainement pas un Cavalier. Je peux te le jurer.

Je demeurai immobile un long moment. Lysandre me regardait, dans l'attente d'une décision de ma part.

— Crois-le ou non, le destin ou quoique soit cette force supérieure qui t'a transformé, a été terrible. Je suis navrée pour toi et ta famille Lysandre. Je suis même prête à envisager que tu refouleras ta nature une fois que tu vivras définitivement sur Terre. Mais je ne connais pas tes frères et je ne peux pas prendre le risque. De plus, je ne sais pas ouvrir de passage.

— Oh si, Kendra. Tu l'as fait une fois, quand ton désir de retrouver Zel a été plus fort que n'importe quoi. C'est une question de volonté, exactement comme la maîtrise de tes pouvoirs démoniaques. Lorsque tu contrôleras ces derniers, tu pourras également utiliser tes dons de Clef. Je te fais le serment solennel, Kendra Arkhanie, que je parviendrais à gérer la situation si un de mes frères... dérape. Nous ne causerons de tort à personne.

Il semblait tellement sûr de lui. J'aurais aimé lui offrir le bénéfice du doute.

— Quelles sont les intentions de tes frangins ? Pourquoi veulent-ils quitter l'Enfer eux aussi ?

— Je te l'ai dit : pour être libres. Maintenant que Lucifer est mort, ils sont devenus des cibles dans le monde d'En-Bas. Je te rappelle que si l'un d'eux est tué, les trois autres également. Ce qui signifie de nouveaux Cavaliers, avec le risque que soient choisies des crapules dont tu n'as pas conscience du niveau de barbarie. Imagine en plus qu'ils travaillent pour le successeur de Lucifer. À ton avis, comment ce dernier considérera ta dimension, le berceau de naissance de celle qui a assassiné leur bien aimé feu roi ?

Je n'avais pas vu les choses sous cet angle.

— Le futur souverain ne pourra pas envoyer l'un de ses Cavaliers pour t'éliminer, puisqu'une loi ancestrale lui interdit de s'en prendre à une Clef. Mais pense à tes amis, à ta famille. Ne vaut-il pas mieux que les actuels Cavaliers de l'Apocalypse vivent sur Terre et ne répondent plus aux ordres du Mal ?

Je reculai, la tête toute retournée à cause de tout ses paroles. J'avais envie de fuir loin d'ici, d'oublier cette conversation.

— Tes options se comptent sur les doigts d'une main, ma beauté. Et seule l'une d'entre elles évitera que ce monde ne tombe en poussière.

En gros, il me proposait de choisir entre la peste ou le choléra. Je n'imaginais pas devoir affronter ce genre de situation, surtout après avoir failli y passer il y a une heure. Là, j'atteignais mon point de rupture. Ça commençait à m'agacer qu'untel ou untel veuille diriger ma vie parce que « ils en savaient plus que moi ».

Zel : plumes de chaos (t3) - sous contrat d'édition chez HachetteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant