Chapitre 8

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 Par chance, le lendemain, je débutais les cours à dix heures. Au moins, je pouvais dormir un peu. Jess décida tout simplement de sécher toute la journée. On s'engouffra chacune dans notre lit avec un soupir d'aise. Je voulais oublier cette histoire.

Le sommeil m'engloutit, telle une vague, m'entraînant dans un océan de ténèbres. Pourtant, au lieu de trouver le repos, mes pensées commencèrent à tourbillonner, comme si un vent glacial se levait dans mon esprit. Des images fragmentées et des émotions terribles virevoltèrent derrière mes paupières, comme des éclats de verre brisé que je recevais en plein visage. Je me vis tomber dans un abîme obscur, je sentis une chaleur horrible m'éteindre et j'entendis une voix hurler mon prénom.

Puis, le silence retomba. Une forêt sombre se dessina autour de moi. Des arbres tordus déployaient leurs branches squelettiques dans ma direction, tandis que le sol spongieux commençait à m'avaler. Je baissai les yeux pour découvrir un tapis de feuilles mortes mélangées à des morceaux de chairs et de corps en putréfaction. Une peur primitive, viscérale m'étouffa. Des mains surgirent du sol pour agripper mes jambes nues, alors que les branches m'empalaient.

Je poussai un cri terrible, la bouche remplie de sang.

« Tu l'as tué ! mugit quelqu'un. Tu as tué Lucifer ! »

— Non !

Je me réveillai d'un bond, haletante, couverte de sueur. Mon cauchemar ne se terminait pas là, parce que je n'étais plus dans ma chambre. Je me trouvais entre deux bâtiments du campus, sans vêtements et le corps tétanisé par le froid. Mes pieds me faisaient mal, comme si j'avais couru. Je portais un simple pyjama.

— Oh non gémis-je. Mais qu'est-ce qui m'arrive ?

— Kendra, tout va bien, je suis là ! intervint le professeur Spaze en sortant de l'obscurité.

Le soleil se levait doucement sur le fil de l'horizon. Je ne voulais pas qu'on me découvre dans cet état, alors je me recroquevillai un peu plus. Doriane jeta sa veste sur mes épaules tremblantes, et elle m'entraîna à l'arrière du bâtiment le plus proche. Elle utilisa sa carte professionnelle pour déverrouiller une porte et on entra dans un long couloir. Je continuais de trembler, parce que j'avais encore cette terrible impression que des branches me transperçaient. La femme ouvrit une salle de classe déserte et me poussa à l'intérieur.

— Installe-toi sur une chaise, je reviens dans une minute.

Au lieu de quoi, je glissai au sol et me repliai sur moi-même, incapable de réfléchir. Je ne faisais que pleurer. Le temps se suspendit, mon cerveau se déconnecta de la réalité. Même si j'enfonçai mon visage entre mes genoux, j'avais l'impression qu'on m'observait. Mon regard rencontra une silhouette, dans un coin de la pièce : vêtue d'une longue toge noire, elle tenait un sceptre doré. Je ne voyais pas son visage, dissimulé derrière une large capuche. Pendant un instant, je songeai à Vanessa mais... non. Ce n'était pas elle. Cette chose s'avérait plus féroce, beaucoup plus dangereuse. Je papillonnai des paupières en trahissant un gémissement, et la vision disparut.

Le professeur Spaze entra en trombe en allumant la lumière. Je me détournai, aveuglée.

— Tiens, Kendra, bois. Ça te fera du bien.

Elle fourra dans ma main un gobelet de chocolat chaud, puis ajouta :

— Peux-tu me dire ce qui s'est passé ?

Non. Mon cauchemar demeurait bien ancré en moi, y compris les paroles qu'on m'avait hurlées avant que je me réveille. Rien que d'y penser, un sanglot m'échappa. Je craignais de comprendre leur sens...

Zel : plumes de chaos (t3) - sous contrat d'édition chez HachetteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant