Chapitre 25

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Il pleuvait et l'eau semblait non pas s'écraser sur les vitres sales et usées, mais les frapper. L'impact de chaque goutte résonnait de manière démesurée, aux oreilles de Stiles. De façon générale, chaque bruit lui semblait disproportionné, comme si ici, tout était plus fort... Ou comme si ses sens auditifs s'étaient largement développés. En réalité, Stiles était simplement à fleur de peau et les choses n'allaient pas en s'arrangeant. Il était censé sortir : après deux jours à se rationner autant que possible et à passer le maximum de temps avec Newt, il fallait qu'il retourne à l'extérieur... Car la nourriture n'apparaîtrait pas entre leurs mains comme par magie. Il devait aller en chercher, et c'était dur. C'était dur parce qu'il n'avait pas le moral, parce qu'il ne connaissait pas encore bien le périmètre... Et qu'il savait pertinemment qu'un jour, il n'en trouverait plus. Une pensée malsaine lui effleura l'esprit, mais elle était en réalité si réaliste qu'il ne se sentit pas coupable à l'idée d'y songer... D'espérer que Newt mourrait avant que ce funeste jour n'arrive. Qu'il s'en irait doucement, dans son sommeil, avant qu'il devienne impossible pour Stiles de l'aider comme il le faisait actuellement.

Avant que Newt ait conscience du moment où la fébrile stabilité de cet étrange quotidien s'effondrerait.

Stiles soupira. Il sortirait... Dès que la pluie cesserait de tomber. Il essaya de camoufler son manque de motivation évident derrière des excuses pourtant plus ou moins valables : prendre la pluie pourrait lui faire attraper froid et donc compromettre ses prochaines sorties. Il risquait ainsi de négliger les soins de Newt et... Dans l'état dans lequel se trouvait le blond, mieux valait rester aussi propre et précis que possible, bien qu'il n'y ait plus grand-chose à faire. Stiles tenait à rester droit dans ses bottes et ne pas négliger son hôte plus que nécessaire. Car si, techniquement, personne ne pourrait l'empêcher de faire quoi que ce soit et de considérer ce logement comme le sien tant la propriété de quelque chose ici ne pouvait être vérifiée légalement. D'ailleurs, ce mot ne revêtait plus le moindre sens dans ce monde où tout s'était effondré, y compris la société et toutes les règles s'y apparentant.

Mais Stiles voulait faire les choses bien et rester fidèle à celui qu'il était avant que son existence bascule pour devenir, en quelques jours seulement, un souvenir. Car l'hyperactif n'avait plus l'impression de vivre, mais bien d'être le spectateur d'une vie d'ores et déjà passée. Pourtant, il bougeait, respirait, mangeait, faisait ses besoins dans un coin, se lavait sommairement quand il le pouvait... Sans pour autant être complètement présent. Il agissait d'ores et déjà par automatisme, parce qu'il savait d'instinct que son corps savait survivre, au contraire de sa tête, qui lentement partait en vrille. Alors oui, cette vie n'était plus qu'images et ressentis en décalé.

Voilà pourquoi il se faisait la réflexion qu'il devait véritablement sortir, sans bouger le petit doigt pour autant. La pluie l'hypnotisait tout en continuant de lui faire peur par le vacarme rendu assourdissant par ses sens humains saturés. Stiles était à fleur de peau, ce n'était plus la peine d'en douter. C'était tel qu'il perçut nettement les mouvements derrière lui. La respiration un peu bruyante et irrégulière de Newt. Ses pas, aussi, les rares qu'il arrivait à faire. Stiles se retourna, accrocha son regard de jais où se mêlaient douleur et détermination. Il l'attrapa, le soutint, le poussa à se reposer sur lui.

-Tu es censé m'appeler lorsque tu...

- Je ne suis pas totalement infirme, le coupa directement Newt, un sourire crispé étirant ses lèvres sèches. Je peux marcher.

Parfois, aurait voulu rajouter Stiles. De façon générale, Newt continuait de s'affaiblir et le genre d'efforts qu'il fournissait actuellement ne faisait rien de plus que ralentir sa guérison – dont Stiles doutait vraiment de la finalité. Mais dans un sens, Stiles comprenait pourquoi il se butait à essayer, à dépasser ses propres limites. Puis il commençait à bien connaître Newt, à entrevoir son côté têtu, battant. Ainsi, il ne s'étonnait plus du fait qu'il ait longtemps survécu seul malgré sa blessure : Newt était une tête de mule. Il ne se laisserait pas abattre tant que son corps fonctionnait. Il se reposait, passait la plupart de ses journées allongé, à souffrir le martyr... Mais il avait besoin, parfois, de se lever, de se donner l'illusion d'une utilité. Tant qu'il avait le pouvoir de se mettre debout, tant qu'il y arrivait...

Les passeursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant