Chapitre 31

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- Est-ce que tu as peur ? S'entendit demander Thomas.

Cela faisait déjà un bon quart d'heure qu'ils marchaient dans la forêt. Il s'agissait de leur troisième expédition et le sosie de Stiles trouvait enfin le courage d'aborder le sujet qui lui trottait dans la tête depuis quelques jours déjà. Le temps passait vite, peut-être trop, mais il n'oubliait rien et c'était d'autant plus vrai lorsqu'il se savait préoccupé. En l'occurrence, la retenue de Derek, il continuait de la voir. Il semblait sans arrêt sur le point de vouloir lui dire quelque chose sans jamais prendre le taureau par les cornes et se lancer... D'où la question de Thomas, sans doute la première d'une petite série. Il ne comptait en effet pas s'arrêter là puis il se disait... Que souvent, c'était débuter quelque chose, le plus difficile. La suite lui viendrait facilement et ce, qu'importe la réponse de Derek.

- Tout dépend du sens que tu donnes à la peur, finit par répondre l'homme au regard d'acier chaud.

Un mélange de fermeté et de douceur qui faisait penser à Thomas que son hôte avait beaucoup de choses à revendre... Mais qu'il gardait pour lui tout en laissant transparaître malgré lui un petit échantillon qui se traduisait dans sa manière de prendre soin des gens et de vivre, tout simplement.

- L'appréhension, explicita assez naturellement Thomas. Ce qui peut te retenir de dire ou faire quelque chose que tu veux pourtant au fond de toi.

Des chaînes invisibles, immatérielles qui bridaient Derek dans ses mouvements et ses décisions. La peur sans le côté horrifique, la peur de personne en particulier. Juste un frein à ses propres avancées et progrès. Thomas sentait vraiment qu'il avait quelque chose à lui dire et ne comprenait pas ce qui pourrait le retenir, mis à part ce sentiment qui plus fort, devenait une émotion à part entière. Et il était persuadé qu'en s'en débarrassant, Derek se sentirait mieux. Puis ça permettrait à Thomas de se rassurer quant au fait qu'il lui faisait confiance car il avait besoin qu'elle soit mutuelle. A ses yeux, il n'y avait qu'ainsi que les choses pourraient avancer convenablement.

- Alors oui, on peut dire que j'ai peur, entendit-il.

Surpris par la spontanéité de Derek, Thomas s'arrêta d'un coup et se retourna dans sa direction. Non seulement il venait de se montrer extrêmement coopératif mais en plus... Il n'avait pas cherché à minimiser ce sentiment, l'exposant comme un fait indéniable. C'était d'autant surprenant que depuis qu'il le connaissait, Derek lui avait toujours fait l'effet de quelqu'un de réservé – ce qu'il était de façon indéniable. Il fallait croire que ce que Thomas espérait était réel : il lui faisait confiance. Suffisamment en tout cas pour se montrer honnête avec lui sans qu'il ait à batailler pour cela.

Thomas n'allait certainement pas s'en plaindre.

- Qu'est-ce qui te fait peur ? Enchaîna-t-il sans attendre.

Le visage de Derek n'étant pas complètement fermé, le sosie de Stiles considérait qu'il avait le feu vert pour mener sa petite enquête quant à son secret. Bien sûr, son hôte pouvait à tout moment revenir sur ses pas, mais Thomas considérait cette possibilité bien peu probable. Derek n'avait pas l'air d'être du genre à faire les choses à moitié, encore moins lorsqu'il s'agissait de confession.

- La décision que j'ai prise récemment, répondit à nouveau l'homme, presque du tac au tac.

Il lui enjoignit de reprendre la marche d'un signe de tête et cette fois-ci, ils avançaient côte à côte, au même rythme. Thomas réfléchit, histoire de ne pas user de mots à outrance. Il devait les sélectionner car même si Derek semblait lui ouvrir son cœur, rien ne lui disait qu'une parole mal choisie ne le refermerait pas d'un coup sec. Il repensa à tout ce qu'il avait remarqué, aux petits détails qu'il avait notés.

- Est-ce qu'elle me concerne ? Finit-il par demander.

Parce que tous les éléments qu'il avait relevés apparaissait toujours dès qu'il se retrouvait seul avec lui et qu'il remarquait sa présence, en particulier lorsqu'il ne faisait rien de particulier. Comme si chaque fois qu'il se retrouvait dans un moment propice pour lui parler, quelque chose le retenait.

- Oui.

Sans s'arrêter de marcher, Thomas lui jeta un regard sincèrement surpris avant de, très vite, changer d'état d'esprit. Chasse le naturel, il revient au galop, lui dit entendre une petite voix dans sa tête. Car déjà, ses entrailles se serraient de stress. Un peu plus et il se rapprocherait de l'angoisse pure et dure... Qui le guettait déjà. Cela faisait d'ailleurs quelques jours déjà qu'il ne l'avait plus ressentie... Une éternité, à son échelle. Car il était en effet inhabituel pour un garçon de sa trempe, habitué à devoir gérer une tension intérieure permanente, de vivre autrement que par son prisme. Et pourtant, il se rendait compte que c'était le cas : il s'était senti tellement rassuré ces derniers jours, aux côtés de Derek, qu'il avait lentement basculé vers autre chose. Il avait très vite cessé de craindre ce que ces gens comptaient lui faire, craindre pour sa vie, craindre pour son intégrité.

Sauf que le fait que la peur de Derek puisse le concerner refroidissait quelque peu ce sentiment de tranquillité qui l'avait si progressivement et si profondément gagné. Était-il revenu sur sa parole, sur ses intentions premières ? Comptait-il vraiment ne rien lui faire subir ? Avait-il fini par se dire que finalement, ce serait peut-être mieux de lui en vouloir, de rediriger son ressentiment quant à la disparition de Stiles dans sa direction ?

- Détends-toi, c'est moi qui suis censé avoir peur, pas toi, fit Derek d'une voix calme et posée.

- Tu as dit que ça me concernait, rétorqua Thomas, la bouche sèche.

Le voilà maintenant sur ses gardes, marchant d'un pas un peu moins assuré et ne profitant pas davantage du décor féérique de la forêt pour se ressourcer. Son ambiance douce et paisible s'était comme évaporée à cause de ce qu'il ressentait. Pour lui, il ne restait plus de cet endroit splendide que le souvenir des sentiments qu'il lui avait procurés. C'était déjà son angoisse sourde qui parlait mais qu'il maîtrisait suffisamment pour ne pas perdre le contrôle de lui-même. Il avait la chance de savoir garder la tête froide et garder sa panique pour plus tard. D'autant plus qu'il tentait d'ores et déjà inconsciemment de se raisonner : i l n'avait rien fait de répréhensible, rien qui puisse pousser Derek à changer d'avis le concernant. Puis à force de vivre avec lui – bon gré mal gré –, il commençait à le connaître.

Mais pouvait-il vraiment se targuer de cela dans la mesure où il ne le connaissait que depuis quelques jours ? Ceux-ci commençaient à se faire nombreux, certes... Était-ce seulement assez ? Au fond de lui, il savait bien que non, mais... Y croire était ce dont il avait besoin. De ce monde qui ressemblait vaguement au sien, il ne connaissait rien. Il n'avait aucune idée d'où se trouvaient ses amis, s'ils allaient bien... Il n'avait rien pour le rassurer, mis à part ce semblant de stabilité que la présence de Derek créait pour lui. Il s'y accrochait purement et simplement.

Autant dire que s'il la perdait, cette stabilité toute relative, Thomas se retrouvait bien démuni et peut-être incapable de rentrer chez lui.

- Ça te concerne dans la mesure où j'ai quelque chose à te dire, reprit finalement Derek après plusieurs secondes de silence. Ce n'est pas quelque chose qui compromettra ta sécurité ni rien de ce dont on a déjà discuté auparavant, au contraire. Simplement, j'estime que tu es en droit de savoir mais ce qui me freine, c'est ta réaction.

- Pourquoi ? Lui demanda instantanément Thomas, sur le qui-vive.

Car même si les mots de Derek étaient tout ce qu'il avait besoin d'entendre, il restait méfiant, soudainement terrifié à l'idée que cet homme à qui il avait choisi de faire confiance le trompe d'une manière ou d'une autre.

Derek soupira et cette fois-ci, c'est lui qui s'arrêta. Il passa une main sur son visage soudainement las, fatigué.

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⏰ Dernière mise à jour : Sep 29 ⏰

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