Thomas posa avec lenteur sa main sur l'écorce usée d'un arbre si large de tronc qu'il l'imaginait facilement centenaire. C'était dingue comme il aimait cet endroit, comme il appréciait... Cet espace si vert, si grand, si vivant. Son ouïe parfaitement humaine percevait avec aisance la vie animale tout autant que les discrets bruissements de feuilles que faisait naître la brise légère.
Deux bons mètres derrière lui, Derek le regardait, scrutait chacun de ses gestes, guettait le moindre changement dans son odeur... Dans l'espoir d'accueillir la moindre révélation à propos de l'arrivée de Thomas ici au plus tôt. Ce n'était pas pour rien qu'il lui avait fait découvrir la forêt une première fois quelques jours plus tôt... Et qu'il l'y ramenait régulièrement depuis lors. Puis... Thomas s'y sentait bien, il appréciait sincèrement l'endroit, alors pourquoi pas ne pas tenter de faire une pierre deux coups ? Le sosie de l'hyperactif connaissait d'ailleurs parfaitement l'idée de Derek, dans la mesure où celui-ci ne la lui avait jamais cachée. Il se montrait gentil et intéressé – forcément. Thomas n'irait pas le lui reprocher dans la mesure où lui aussi gagnerait au change si quelque chose lui revenait. Bien que la tranquillité de ce monde-ci soit véritablement appréciable, voire reposante... Il ne s'y sentait pas chez lui. Rien, pas même cette paix apparente ne pourrait remplacer l'endroit dans lequel il avait appris à aimer vivre. Mais le matériel ne valait rien face à l'humain : ses amis lui manquaient si fort qu'il avait toujours une pensée pour eux, avec l'espoir que sa disparition n'ait été découverte que tardivement. Que l'on ne le pense pas mort, que l'on n'agisse pas stupidement en son absence. Thomas avait longtemps agi comme un meneur, sans aimer son rôle pour autant. Il savait sa bande capable de se débrouiller, mais connaissait la fragilité de certains de ses éléments par rapport à d'autres. Son inquiétude, même si elle était modérée, restait légitime.
Alors Thomas prenait tout ce qu'il pouvait prendre en essayant de penser positif. Autant qu'il le pouvait, avec toutefois un prisme réaliste assez poussé – c'était là un côté de lui qu'il ne pouvait mettre de côté. Thomas avait besoin de penser de façon rationnelle pour ne pas perdre la face et rebondir en cas de difficulté. Une situation aurait beau le décevoir, il passerait outre, pour la simple et bonne raison qu'il n'avait et n'aurait jamais d'autre choix que celui-ci.
Vint un moment où ce fut à son tour d'observer Derek, lequel ne pouvait s'empêcher de se détendre passé un moment ici. L'endroit semblait lui plaire également... Quoique le mot parut faible à Thomas tant la façon qu'eut Derek de le diriger et de lui montrer certains sentiers était empreinte d'un naturel flamboyant. En plus de sembler bien connaître la forêt, il l'appréciait sincèrement. Il y avait dans son regard une étincelle timide dont Thomas ne saurait déceler ni l'origine, ni le nom. Mais elle était là et sans savoir ce qu'elle était réellement... L'humain la comprenait malgré lui.
- Tu aimes vraiment beaucoup cet endroit, ne put-il s'empêcher de lâcher au bout d'un moment.
Parce que... La forêt, ça lui allait bien. Derek lui semblait un peu plus ouvert, toujours taciturne, mais plus ouvert quand même. Son attitude à elle seule trahissait ces mots que l'autre homme gardait pour lui.
- Je suis très nature, consentit à répondre Derek. Je la préfère à la ville et à la civilisation.
Brève pause.
- Je ne viens pas souvent, mais je pense que je le devrais, avoua-t-il. Je m'y suis toujours senti chez moi.
- Pourquoi tu ne le fais pas ? S'intéressa Thomas.
S'il avait tendance à essayer de garder ses propres émotions pour lui, il n'avait aucun mal à percevoir celles des autres au travers de gestes, d'attitudes, ou de mots. Derek était en l'occurrence fort expressif de part cet aveu fort simple. L'homme se cachait souvent derrière une forme de froideur mais ses mots parlaient régulièrement pour lui. Il n'en fallait pas beaucoup, le peu qu'il sortait exprimaient bien des choses, bien plus que Derek lui-même n'imaginait.
Alors oui, Thomas ressentait ses regrets, une espèce de douleur qu'il ne saurait véritablement décrire et qui était silencieuse par essence – et habitude. Quelque chose que Derek avait sans doute coutume de garder pour lui.
- J'ai pas mal de choses à faire en ville, finit par répondre l'aîné.
Mais Thomas devina qu'il ne s'agissait que d'une petite partie de la vérité. Et Derek vit à son regard qu'il avait compris. Un soupir s'échappa d'entre ses lèvres fines et un peu sèches.
- Suis-moi.
Thomas s'exécuta en silence, s'engageant derrière son hôte dont la démarche s'était raidie instantanément. Il restait toutefois ouvert. Tendu, mais bien ouvert. Prêt à lui confier il ne savait quoi, lui faire part d'un de ses secrets à lui.
La marche fut longue et parsemée d'embuches. Si Derek lui facilita le passage de certains endroits un peu complexes à aborder, Thomas ne se plaignit pas du temps que dura le trajet. Ils s'éloignaient du petit coin qu'il avait doucement appris à connaître pour se fondre un peu plus profondément dans cet espace aux airs infinis. Thomas n'avait pas l'habitude de se trouver dans un endroit aussi vert, aussi pur, aussi naturel, très peu modifié par l'activité humaine. Si certains sentiers avaient été tracés par de très nombreux passages et ce, sur des années, la nature régnait malgré tout. Chaque arbre lui semblait millénaire, centenaire... Leurs branches et feuillages ployant avec majesté de tous côtés, dans un chaos organisé. Dans sa naïveté consciente, il n'avait pas remarqué les quelques déchets laissés ici et là, dont une partie avait déjà commencé à se désagréger depuis longtemps. Thomas ne faisait pas attention à tout, ne voyant que ce qui lui paraissait essentiel.
La façon dont se déplaçait Derek en était une. L'homme faisait preuve d'une aisance et d'une habileté telles que Thomas se retrouva subjugué malgré lui.
- Je veux connaître ton secret pour être aussi à l'aise dans tes déplacements, grimaça Thomas, essoufflé, après avoir manqué de trébucher à cause d'une racine dérangeante.
Il se savait athlétique, à l'aise en extérieur. La vie lui avait appris à s'adapter à mille et un dangers, peut-être à tout autant d'environnement. Mais ce n'était rien en comparaison de la fluidité naturelle de Derek, qu'il pouvait aisément considérer comme une forme de grâce – et qui avançait à une allure si rapide qu'il risquait de le distancer si Thomas ne faisait pas un effort.
- Il suffit de ne pas être complètement humain, répondit tout naturellement l'autre homme d'une voix claire, comme s'il ne s'agissait rien de moins qu'une évidence.
Thomas fronça légèrement les sourcils mais l'affirmation, aussi étrange soit-elle, lui parut étrangement vraie. Par là où son hôte le faisait passer, il était clair qu'il fallait être très à l'aise avec son corps et ne pas avoir peur de s'érafler. Ou... Bien évaluer les obstacles, être habitué à cet environnement au départ très facile à appréhender. Mais la forêt, une fois qu'on l'eût pénétrée en profondeur, faisait l'étalage de sa véritable nature. Elle mettait à l'épreuve.
Et Thomas décida de faire un effort, de tout donner pour suivre son hôte à un rythme décent.
Il courait et ne s'arrêterait que lorsque Derek lui montrerait qu'il le pouvait.
VOUS LISEZ
Les passeurs
FanfictionStiles disparait subitement lors d'une mission de surveillance du Nemeton. Après que la meute ait trouvé un moyen d'accéder à cette balise du surnaturelle, l'on retrouve le jeune homme, inconscient. Lors de son réveil, c'est la confusion : il nie êt...