FATE

CHAPITRE 10

Musique : "Eyes Don't Lie" - Isabel LaRosa

LIANA MANCINI - USP (UNIVERSIDADE DE SÃO PAULO)

Solenne n'est pas venue à l'université depuis quelques jours. J'aurais bien voulu l'appeler, mais j'ai balancé mon téléphone par la fenêtre de mon appartement la semaine dernière. Roberto s'amuse à prendre son temps pour m'en racheter un, il adore jouer avec mes nerfs. Il sait que je ne pourrais même pas m'en acheter un toute seule, car je n'ai jamais eu accès à quelconque argent de poche ou de salaire. J'ai toujours dû demander, et peu importe ce que je voulais, mes parents me l'offraient. Oui, j'ai toujours été une pourrie gâtée, néanmoins, peut-on vraiment employer ce terme quand on est la fille du plus dangereux baron du pays ? Quand j'étais petite, les seules preuves d'affection que je percevais venaient de leurs offrandes. Le seul moyen d'avoir du temps avec mes parents, ou de recevoir un peu d'amour, était de mendier des cadeaux sans cesse. Mais cette affection matérielle n'a jamais réussi à combler le néant qui s'est formé entre nous.

Ma journée débute avec un cours de criminologie contemporaine et de politiques criminelles. C'est l'un de ces cours interminables, où l'on plonge dans les méandres des recherches sur les tromperies de la société moderne qui influent sur la criminalité, les diverses critiques et opportunités des politiques criminelles, ainsi que les multiples solutions proposées par la criminologie. Trop de théorie à mon goût. Alors, je m'octroie une escapade dans les bras de Morphée, fermant les yeux quelques instants en attendant que la matinée tire à sa fin.

La pause déjeuner se déroule en solitaire, optant pour le repas dans ma voiture en compagnie d'une de mes séries préférées : "Shameless". Une famille aussi chaotique que la mienne, ce qui me procure un réel soulagement. Je ne supporte pas ces films à l'eau de rose où tout est parfait dans le meilleur des mondes, et où le seul problème est que la tante s'est permise de critiquer la robe de marié de sa sœur. Je profite de ce moment de répit qui est le bienvenu au milieu de cette journée qui semble interminable.

*(Shameless est une série dramatique qui explore de manière audacieuse et souvent humoristique la vie chaotique et débridée de la famille Gallagher, confrontée à des défis économiques, sociaux et personnels.)

Je vérifie à l'entrée du campus mon emploi du temps et remarque que mon cours de droit pénal a été remplacé par celui de Monsieur Martins, la psychiatrie criminelle. Je ne pouvais pas rêver mieux, mon cours préféré avec le meilleur professeur de toute l'université ! Déjà passionnée par la matière, la façon dont Monsieur Martins dispense son enseignement empêche toutes mes pensées de divaguer. Il semble que mon esprit n'ait jamais été aussi concentré, même lors des missions les plus complexes de la Corrupção.

Je me place au fond de l'amphithéâtre, le plus loin possible de la sortie de secours et de la porte d'entrée. Une place stratégique en cas d'intrusion puisqu'elle me permettrait de réagir rapidement en cas de danger et d'être au plus loin de la vision de la menace. Je sors mon cahier de mon sac et l'ouvre à la dernière page. Monsieur Martins commence son cours en présentant le programme de la journée.

- Je voudrais vous rappeler qu'il ne vous reste plus que quelques semaines afin de trouver votre stage, dit-il d'un ton sérieux en me fixant particulièrement.

Je suis la seule à ne pas avoir trouvé de stage puisque je n'avais pas la tête à menacer un directeur d'entreprise en ce moment. Je lui adresse un hochement de tête, signe que je compte régler cela au plus vite, mais je le vois froncer les sourcils.

- Liana, tu viendras me voir à la pause, continue-t-il avant de reprendre son cours.

Une légère inquiétude s'installe en moi, anticipant la discussion à venir, mais je m'efforce de me concentrer sur le cours. Dans mon esprit, j'entends déjà le professeur me faire la morale sur le fait que je suis l'une des meilleures élèves et qu'il ne souhaite pas me voir échouer pour si peu, et ainsi de suite. J'aurais dû trouver un stage plus tôt et en finir au plus vite, mais mes parents ont décidé de me coller un mariage sur le dos. Le fait de devoir jongler entre deux vies diamétralement opposées me gonfle.