CHAPITRE 17

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Musique : "Castle" - Halsey

LIANA MANCINI - MANOIR DE LA CORRUPÇÃO, 12 DÉCEMBRE 2022.

Trois interminables mois ont glissé dans le silence oppressant depuis que Rafael a disparu. C'est un vide pesant, une absence qui laisse place à une multitude de questions sans réponses, de doutes et d'incertitudes qui rongent mon esprit sans relâche. Les paroles de Monsieur Martins, aussi ironiques que cruelles dans leur naïveté, continuent de résonner dans ma tête : "Il n'est pas rancunier longtemps". Si seulement il savait...

Roberto et Martina ont donné l'ordre de le laisser tranquille, sans la moindre once de gentillesse, bien entendu. Il est courant que les nouvelles recrues disparaissent pendant un certain temps. À l'époque où l'organisation était en pleine montée en puissance, ils les forçaient à revenir en envoyant des sbires pour les kidnapper ou les menacer, mais beaucoup se suicidaient après cela, incapable de supporter mentalement le passage d'une vie normale à une vie criminelle. Alors, mes parents ont finalement décidé de les laisser réapparaître d'eux-mêmes, lorsqu'ils se rendent compte qu'ils sont irrémédiablement piégés dans les mailles de la Corrupção. Ils savent que tôt ou tard, quelqu'un viendra les chercher. Et s'ils choisissent de retourner à une vie normale, la mort s'ensuit. C'est une règle de l'organisation : une fois qu'on y entre, on n'en sort que par la mort. Ils ont donc laissé Rafael tranquille en attendant qu'il fasse son retour, mais le temps s'étire. En moyenne, au bout de quelques semaines, la plupart reviennent d'eux-mêmes, mais pas lui.

Camélia a tenté de me convaincre d'abandonner cette quête insensée, mais je sais que c'est impossible. Même si je n'ai plus cherché à le contacter, même si j'ai laissé le néant s'installer entre nous, je ne peux échapper à la spirale infernale dans laquelle Karlós m'a précipitée. Son plan continue de se dérouler dans les tréfonds de mon esprit, une toile d'araignée tissée avec une précision diabolique. Je le sens, je le vois, et je sais que je suis prise au piège. Et pourtant, refuser de jouer son jeu mettrait ma vie en danger, mais accepter reviendrait à exposer Rafael au pire. Je dois absolument lui parler, trouver une autre voie, une solution qui ne nous mènera ni lui ni moi vers la destruction.

Malgré qui je suis, je m'accroche à mes principes, à ma propre forme de justice tordue. Je suis une meurtrière, c'est un fait, mais je tue seulement les criminels. Jamais je ne me permettrai de verser le sang d'un innocent. Il y a eu cette seule fois, cette erreur que je porte comme un fardeau insupportable depuis des années. Les remords me rongent, me hantent, mais je refuse de tomber plus bas. Je refuse de perdre ce qui reste de mon humanité.

Aujourd'hui, je suis censée jouer le jeu au bras de Karlós, dans le faste du manoir familial, tandis que nos parents s'adonnent à leurs affaires. Nous devons maintenir les apparences, jouer notre rôle dans ce théâtre de l'illusion. Et pourtant, je suis là, figée dans ce personnage que je déteste mais que je dois endosser pour survivre. Je dois incarner Juliana Mancini, future héritière de la Corrupção et femme du futur héritier de la Bratva.

Ma voiture est garée dans l'allée, et Camélia est à mes côtés, partageant avec moi une des bouteilles de la précieuse collection de Roberto. Comportement puéril ? Certainement. Délicieux ? Absolument. Nous savourons ce champagne luxueux comme si nous étions deux adolescentes, nous imprégnant de chaque bulle pétillante, de chaque effluve envoûtant. C'est un Moët & Chandon Impérial, une édition spéciale Bright Night, je crois. Je ne sais plus trop. Ma tête commence à tourner depuis déjà quelque temps, en espérant marché droit face à mes parents. Nous nous trémoussons au rythme de notre musique préférée, faisant bouger la voiture sous les regards des gardes qui ornent le parking du manoir.

— Prête à endosser le rôle de l'épouse docile ? lance Camélia, brisant le silence avec une pointe d'humour.

Je lève mon verre à mes lèvres, retenant à peine un rire espiègle.

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