Chapitre 4

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Il put presque sentir les griffes de la créature lui lacérer la peau. 

J'ai bien dit presque.

La bête bondit, et au moment de l'impact, Astós fut aveuglé et saisi d'une forte sensation de brulure au niveau de ses mains. Avant même le contact, l'animal fut projeté très loin en arrière. Astós, sonné, dut rester encore quelques secondes au sol. Lorsqu'il se releva, il était comme dans un cratère. Tout avait été rasé à cent mètres aux alentours. Plus aucune trace de monstres, ou de quoi que ce soit d'ailleurs. Il était seul et en un seul morceau. 

Alors qu'un problème était résolu, un autre pointa le bout de son nez. 

Il reprit son chemin au plus vite. Astós approcha ses mains de son visage et les observa longtemps. Elles étaient brulées. La paume était brulée au 3ᵉ degré. 

"Bah, ce n'est rien ! Se surprit-il à penser. Voyons ce que je peux faire d'autre."

 Il se concentra et essaya de faire resurgir ce je-ne-sais-quoi de sa main. Il se concentra, pointa un doigt vers le ciel, et après quelques essais, une flammèche blanche s'alluma. Il resta en extase devant elle, toujours en marchant. Son index le picotait, il voyait sa peau rougir, fumer et fondre. Quand la douleur fut insupportable, il eut le même réflexe que lorsqu'on se pique avec une aiguille. Il sautilla en secouant son doigt.

- AÏE ! BON SANG DE FLAMME, DE PAR LA BARBE DE MON PÈRE ! CA BRULE !

Il regarda le bout de son index et le mit dans sa bouche, l'air boudeur. Devant la magie de l'acte, il était comme un gosse, avec des étoiles dans les yeux, mais une fois brulé, il rigolait moins.

Et il descendit la montagne ainsi, bougon. Une fois arrivé au pied, il regarda l'horloge déposée sur son épaule. Trois heures, indiquait-elle. Il déplia sa carte et en déduisit de nouveau l'itinéraire à prendre. 

- J'en ai pour bien plus de trois heures... Même en courant, ça va être juste, pensa-t-il à haute voix en se grattant la tête.

Il regarda aux alentours, une vaste plaine s'étendait sur plusieurs kilomètres, au relief occulté par la brume au loin. Mais cette plaine n'était pas vide, elle était remplie de chevaux sauvages. Ils se comptaient par centaines. Autant dire qu'il avait l'embarras du choix. 

Il se fit discret, grimpa au sommet d'un grand arbre et patienta. Il ne dut pas attendre longtemps pour qu'un cheval vienne brouter sous celui-ci, quatre minutes suffirent. Astós prit son courage à demain, se plaça juste au-dessus de l'animal et se laissa tomber. Il atterrit non sans peine sur le dos de l'animal qui cabra presque immédiatement. Le jeune prince attrapa de justesse l'encolure de sa monture et la maitrisa au prix de quelques efforts. Bien que l'équitation n'ait pas été un de ses points forts lors de sa formation, il ne se débrouillait quand même pas trop mal.

L'étalon était d'un blanc immaculé. Sa crinière blonde reflétait les rayons du soleil qui pointait à l'horizon et ses yeux étaient bleus, exactement comme ceux de son cavalier. Astós donna un coup de talon à son destrier et celui-ci fendit l'air à une vitesse hallucinante. Le jeune prince dirigea tant bien que mal sa monture et elle galopa pendant une bonne heure. Elle avait une endurance qui sidérait Astós, qui n'avait jamais rien vu de tel. 

Les "reliefs occultés par la brume" se clarifiaient petit-à petit. Le paysage campagnard faisait de nouveau place, petit à petit, à un terrain rocailleux.

- Il y a surement des mines exploitables là-dessous, pensa le prince à voix haute.

Il pouvait apercevoir une grande infrastructure de là où il était. Un bâtiment doté de plusieurs étages, un peu délabré, et qui devait être là depuis un sacré bout de temps. L'édifice était en réalité jouxté par des dizaines de vieilles bicoques en ruines. Le village semblait avoir été détruit par quelque chose, ou quelqu'un ?

Il fit accélérer la cadence à sa monture qui avait ralenti au petit trot depuis une dizaine de kilomètres. Il confirma ses pensées quant à l'endroit où il se trouvait actuellement quand il vit une pancarte dotée du nom de la ville dont il foulait le sol.

Oisticis vous souhaite la bienvenue "

- Enfin arrivé, souffla-t-il

Le cheval ne s'arrêta pas avant d'avoir atteint le pied de l'immense tour. Le prince accrocha son destrier qu'il avait nommé Vïatas, ce qui signifie "fort" dans un langage perdu. Il regarda la montre qui flottait au-dessus de son épaule, il avait une heure d'avance. Astós prit son courage à deux mains et entra dans le grand bâtiment, celui qui dégageait une aura négative. Il fit rouler la bille de sa sœur qui était dans sa poche entre ses doigts. Elle était chaude, et vibrait légèrement, comme en rythme avec les battements de son cœur. Il respira un bon coup, glissa de nouveau Kyria dans sa poche et prit son courage à deux mains. Il avança.

Lorsqu'il poussa les portes de la tour, un seul grand escalier s'offrait à lui. Il était fatigué, mais n'avait d'autre choix que de continuer. Alors, il gravit une marche, puis une autre et poursuivit ainsi pour une durée qui lui sembla durer une éternité. Un temps qui passait trop lentement à son gout. Mais quand il vérifiait le temps sur son épaule, l'horloge était là pour le ramener à la raison.

Au bout d'une demi-heure, il perçut des sons, et ils étaient tout proches de sa position. Alors malgré les muscles de ses cuisses et ceux de ses mollets qui appelaient à l'aide, et son cœur qui s'emballait, il décida de ne pas s'arrêter. 

Trois minutes avant le temps imparti, il déboula, chancelant dans une immense salle, vide, qui lui rappelait celle dans laquelle tous ces innocents avaient été tués. 

Une immense panthère noire trônait au milieu de celle-ci. Astós eut un mouvement de recul quand celle-ci ouvrit la gueule pour non pas rugir, mais bien pour parler.

- J'ai failli attendre ! dit la bête d'une voix qu'Astós reconnaissait très bien.

Le félin noir (qui était d'ailleurs deux fois plus gros que la taille normale de cet animal) s'étira puis, dans un tourbillon de fumée, il se mua en Dnophos.

- S'lut Sklerótes, lança Astós avec dédain. J'ai réussi. Je suis arrivé en moins de soixante-douze heures. 

La créature des ténèbres fit la moue.

- Oui, c'est vrai, mais tu m'as désobéi. Tu as utilisé un cheval pour arriver jusqu'ici ! Je t'avais pourtant bien dit " TU PRENDS TES PIEDS " et toi, que fais-tu ? Tu ne prends pas tes pieds, ajouta-t-elle en insistant sur le "pas".

- Mais, c'était impossible de toute façon à pied, c'était quoi le but ? demanda Astós.

- M'amuser, s'empressa-t-elle de dire.

- Rho, bougonna Astós.

- Tutututu, chut, le coupa-t-elle. Je vais te faire payer ta désobéissance demain, mais pour l'instant, va dormir. Tu as une tête de déterré. Ta chambre est un étage plus haut.

Et Astós traina des pieds sans plus un mot jusque dans son dortoir. Quand il entra pour la première fois à l'intérieur il se dit : 

"C'est sombre, c'est vide, je sens qu'on va bien s'amuser..."

En effet, la pièce était entièrement vide, à l'exception d'une salle de bain isolée de la pièce, d'un petit lit et de sa table de chevet.

Quand il s'écroula sur le matelas, celui-ci ne bougea pas d'un millimètre, dur comme de la pierre.

Alors qu'il sombrait dans le sommeil, quelqu'un toqua à la porte de sa chambre.

Les Héritiers de Feu - 1. Liés par le sang  [EN RÉÉCRITURE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant