Chapitre 11

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La lourde cape pourpre pendait aux épaules d'Endiáthetos. La tension était palpable dans la salle. Seuls les cliquetis des armures des gardes et le froissement du tissu des vêtements des nobles qui s'inclinaient emplissaient la pièce. Personne ne parlait, tous anxieux. 

Le traumatisme du Carnage De La Fête était encore bien présent dans les esprits. Endiáthetos n'était pas censé devenir roi. Tout le monde en est conscient. Si aujourd'hui, ils étaient tous réunis ici, c'était qu'il était arrivé malheur à la famille royale. La tristesse avait pris le dessus sur la joie et l'exaltation d'un couronnement. Astós était le favori, Endiá n'était qu'une ombre. Il est faible, peureux et rancunier. Pour la cour, il n'est qu'un bouffon qui a volé la place du prince disparu. Mais il fallait bien quelqu'un pour diriger le pays, en attendant le retour de l'héritier.

Endiá marchait en regardant droit devant, pour éviter les regards haineux et désolés de la foule. Le maître de cérémonie, le garde le plus haut gradé du palais, leva les mains vers le ciel et pria les invités de s'asseoir.

Le jeune prince posa un genou au sol et baissa la tête. Ses cheveux blond foncé lui tombaient dans les yeux. L'homme debout face à lui prit la parole.

- Mesdames et messieurs, aujourd'hui, nous sommes réunis en ce lieu pour un évènement très spécial : le couronnement d'Endiáthetos Basileus. Malgré les circonstances particulières de sa nomination, nous nous devons de le reconnaitre comme souverain légitime, et ce, au moins jusqu'au retour de son altesse Astós.

L'homme abattit avec légèreté le plat de son épée sur l'épaule du prince.

- Endiáthetos Basileus, acceptez-vous d'endosser les responsabilités que le grade de roi signifie ?

- Je l'accepte.

- Promettez-vous de tout faire dans l'intérêt du royaume, et de protéger ses habitants ?

- Je le promets.

Endiá frémit sous le poids de la couronne qui fut déposée sur sa tête. Il se releva tant bien que mal puis se retourna pour faire face à son audience. La foule s'inclina très bas. En se relevant, elle applaudit poliment. Le roi pouvait lire l'hésitation sur leurs visages. Il prit la parole d'un ton enjoué.

- Que les festivités commencent !

Des sourires apparurent sur certaines figures, la nourriture rapprochait décidément vraiment les gens. 

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Astós frappa avec anxiété la porte en bois de la vieille bicoque. En attendant l'interlocuteur, il jeta un coup d'œil à Palaïós, Sklerótes, et Maximus ; un Héritier qu'ils avaient réussi à enrôler il y a peu. Ils se trouvaient désormais dans un village perdu au milieu de nulle part. Le propriétaire ne répondant pas, Astós demanda impatiemment.

- Eh, Max ! Tu es sûr que c'est ici ?

- Oui, affirma-t-il. Je suis convaincu qu'elle habite ici. Ce fait longtemps que je ne l'ai pas revue, mais la sœur de maman habitait ici avec elle. 

- Ta cousine, c'est ça ? hasarda Palaïós.

- Oui. 

- Tu es bien sûr qu'elles en étaient ? demanda Sklerótes sous sa forme humaine.

- Oui, j'en suis presque convaincu. Maman était une Héritière, mais, d'après ce que tu m'as dit, elle a déjà été... (Il ravala un sanglot). 

Astós déposa une main bienveillante dans le dos du garçon et le massa gentiment. Il reprit peu après.

- Mais je me souviens que nous aimions faire croire, Korè et moi que nous étions frères et sœurs, dû à nos yeux. Nos mères possédaient les mêmes, alors exactement, je pense qu'elles en sont.

- En parlant d'Héritiers, commença Sklerótes. J'ai oublié de te poser une question pourtant fondamentale, Astós. (Il releva la tête, intrigué). Comme tu as dix-huit ans, j'en conclus que ton Kaiô s'est déjà manifesté. Maintenant, je ne sais toujours pas quel est ton Ara. Je ne voudrais pas te faire prendre des risques pendant la quête, durant la communication d'énergies...

Astós ricana.

- Alors comme ça on s'inquiète pour moi ? 

- Réponds, bougonna Sklerótes.

- Oui, ça nous intéresse ! ajouta Maximus.

Il souffla.

- Je pense que mon Ara, c'est que le feu que je produis me brûle, avoua-t-il. Ma peau fond dès que je crée une petite flammèche. La dernière fois que j'ai utilisé le Kaiô, j'ai mis deux semaines avant de ne plus sentir la douleur dans mes paumes. Et j'en garde des traces...

Maximus prit un air horrifié, son Ara ne représente rien en comparaison de celui du prince. Ne pas pouvoir faire de feu avec son côté droit est un doux rêve en comparaison avec la douleur horrible d'une brûlure.

Sklerótes prit vivement les mains d'Astós dans les siennes. Elle les retourna de façon à voir l'intérieur de celles-ci. Elle hoqueta d'effroi en voyant l'état de celles-ci, complètement fondues, toutes lisses, rosées, sans aucun pli. Elle demanda l'expertise de Palaïós, qui plissa les yeux pendant un instant avant de reculer et de prononcer un verdict.

- Brûlées.

Astós se dégagea avec dédain de l'emprise de Sklerótes.

- Oui, merci, ça, je le savais déjà. Et puis, ce n'est rien, la douleur passe avec un peu de baume, dit-il.

- Non ce n'est pas rien ! tempêta Sklerótes. Je ne veux pas que tu finisses en chamallow cramé, moi !

- C'est trop mignon, tu t'en fais pour moi ! ajouta le prince en se moquant.

- Tu es mon neveu, le fils de ma sœur, tu crois que je vais te laisser décéder comme ça ? se défendit-elle.

- Ça ne t'a pas empêché de sucer le sang de mes frères et sœurs, bougonna-t-il.

- Ce ne sont pas tes frères et sœurs, ton père est une ordure. Tu demanderas à la servante blonde, tu sais, celle qui est constamment avec lui.

- Attends, quoi ? s'horrifia Astós.

- Oh, les potins, nous, on adore ! dirent Palaïós et Maximus en même temps.

Astós allait répliquer, mais quelqu'un les interpellèrent de derrière. Un homme d'une vingtaine d'années se dirigeait vers eux, des fagots de bois sur l'épaule.

- Bonjour ! lança-t-il au groupe. Je peux vous aider ?

- Bonjour monsieur, je m'appelle Maximus, je cherche une certaine Korè, elle habitait ici il y a longtemps, je suis son cousin. J'aimerais savoir si c'est toujours le cas, vous pourrez peut-être m'éclairer ? dit-il en s'avançant.

- Oui, bien sûr ! Je suis son mari, pour l'instant, elle est partie se promener dans les champs avec ses amies, elle ne devrait pas tarder à rentrer. Vous voulez peut-être prendre un thé ? Il me semble que vous arrivez de loin, proposa l'homme.

- Oui, je veux bien, acquiesça Maximus. C'est vrai que nous avons fait longue route. Merci pour votre hospitalité. 

Ils entrèrent dans la maison calmement. Max remarqua que la décoration n'avait pas bougé (ou presque) en dix ans. Seules les photos n'étaient plus les mêmes.

- Vous avez besoin d'aide ? demanda Astós, mal à l'aise de rester ainsi alors que l'homme s'activait seul.

- Ça n'est pas de refus ! dit-il joyeusement. J'aurais besoin que quelqu'un ravive le feu si possible.

- À vos ordres, chef ! dit le prince gaiement. 

- Je peux aider aussi ? demanda Max.

- Oui bien sûr, tu sais peller les patates ? 

- Oui, j'arrive !

Tous s'activaient, dedans, dehors, personne ne restait inoccupé. L'homme (nommé Nerthe) s'afférait aux fourneaux, accompagné de son beau-frère quand la porte d'entrée claqua.

- Je suis rentrée, chéri !

Les Héritiers de Feu - 1. Liés par le sang  [EN RÉÉCRITURE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant