Chapitre 15

27 3 13
                                    

Astós tourna immédiatement son regard vers sa tante, inquiet. Elle avait reculé d'un pas, et son menton tremblait. Ses yeux se remplissaient peu à peu de larmes. Elle avait abandonné sa forme de monstre depuis le début de l'entretien, ce qui la faisait paraitre encore plus fragile. Korè et Maximus, qui avaient, eux aussi, remarqué l'état de détresse de la Dnophos avaient manifesté leur soutien. Korè avait attrapé sa main frissonnante. Max se chargeait de lui murmurer tant bien que mal des paroles rassurantes.

Astós prit la parole alors que son frère regagnait la salle accompagné de sa sœur perdue. Celle-ci avait une lueur démoniaque dans les yeux, et quand elle aperçut Sklerótes, tapie derrière ses amis, elle pouffa. 

- Qu'as-tu fait ? demanda férocement Astós en positionnant son corps en bouclier devant celui de Sklerótes.

- Eh bien, eh bien ! Comme on se retrouve ! Tu n'as pas changé d'un cheveu, sale monstresse ! se moqua-t-elle.

- De quoi parles-tu ? lui demanda faiblement Endiá, perplexe. Comment vous connaissez-vous ? 

- Tu as très mal choisi tes alliés, Endiá. Sais-tu qui se trouve à tes côtés ? (Il haussa le ton.) Tu crois que les méchants dans l'histoire sont les Dnophos, mais la personne à côté de toi à fait bien plus de dégâts, vociféra Astós.

- J'en suis parfaitement conscient. Mais vois-tu, pendant que tu me racontais ton aventure, j'ai tilté. Kyneos est une Héritière ! Elle aussi pourrait nous fournir de l'énergie pour sauver maman !

Sklerótes prit la parole, ce qui fit sursauter Astós.

- Tu es bien bête... Tu ne connais absolument rien aux Héritiers ! Tu ne sais pas comment ça marche. Regarde ses yeux, tu y vois un semblant de compassion ou de quoi que ce soit ? Moi, non. Elle n'a plus d'humanité, elle ne sert que son propre intérêt. Mais regarde-la enfin ! Ouvre les yeux ! tempêta-t-elle.

- Je te rappelle que je suis ton roi, tu n'es pas autorisée à me parler sur ce ton. Et de plus, tu as tort, elle va nous aider. N'est-ce pas Kyneos ?

Elle s'approcha doucement de Sklerótes et dit dans un ton qui se voulait pacifique :

- Écoute, je suis désolée de vous avoir infligé tout cela, mais j'aimerais vous aider à présent. Vous êtes les amis de monsieur Endiá, et les amis de mes amis sont mes amis. (Elle était désormais à un demi-mètre de la Dnophos, elle lui tendit la main pour l'aider à se lever, et en gage de paix.) Prends cette main en signe de notre union, s'il te plait.

Tous assistaient à la scène avec suspicion. C'était trop facile. Astós remarqua le petit rictus de Kyneos s'accentuer et ses yeux briller quand Sklerótes s'agrippa à elle. Il bondit en direction de la Dnophos, mais trop tard.

- Sklerótes, attention !

Le prince vit des flammes blanches envelopper le bras de son amie. Elle poussa un hurlement inhumain déchirant. Astós craqua et se jeta sur la Dnophos, l'enveloppant d'un bras, envoyant une gerbe de flammes en direction de Kyneos. Elle se les prit en plein visage, mais recula habilement, une main couvrant la partie droite de son visage, brûlée, l'autre faisant naitre un brasier dans son creux.

Astós et ses amis parvinrent à canaliser le feu qui s'était emparé de leur amie. Endiá, paniqué, là tira le plus loin possible de leur opposante, les yeux pleins de larmes, Palaïós l'épaulant. Korè et Maximus se flanquèrent de part et d'autre d'Astós, préparant, eux aussi, leurs flammes, prêts à tout carboniser s'il le fallait. Maximus jeta un regard inquiet aux mains d'Astós.

- Ça va aller ? lui intima-t-il.

- Il le faudra bien, dit le prince avec fermeté en jetant un coup d'œil sur ses paumes. (Il haussa la voix.) Pas un pas de plus Kyneos. SI tu avances, tu auras affaire à nous, et malgré le fait que tu sois puissante, nous sommes bien plus supérieurs en nombre que toi.

L'intéressée raviva les flammes qui dansaient dans ses mains.

- Eh bien, approchez, je vous attends. Même si je pense que vous me sous-estimez. Vous ne faites définitivement pas le poids, dit-elle avec assurance.

- C'est ce qu'on va voir, lança Maximus. Tu ne toucheras pas à un cheveu de quiconque ici.

Kyneos s'élança vers lui, de la haine dans le regard. Elle projeta une gerbe de flamme en direction du groupe, Astós réagit vite. Il les contra avec son propre feu, plus puissant que jamais. Grâce à son intervention, personne ne fut touché. Korè, inexpérimentée au combat, restait avec le reste du groupe, prête à les protéger à tout prix. 

Astós se remémora qu'il avait une épée au moment où celle-ci se cogna contre sa jambe, alors qu'il courrait. Il la dégaina vivement, et elle semblait aspirer les flammes de Kyneos. Quand il l'abattait sur elle pour la repousser ou simplement pour ne pas se brûler la figure ; rien ne l'affectait, le métal était toujours aussi noir, et toujours aussi solide. Il réussit même à lui trancher une mèche de ses beaux cheveux blonds, qui tomba sans un bruit au sol.

Ses yeux lancèrent des éclairs et le combat fit rage pendant de longues dizaines de minutes. Une heure plus tard, alors qu'ils étaient tous épuisés, Kyneos tenta une ultime fois d'atteindre Sklerótes, en vain. Astós fut submergé par une vague d'énergie soudaine et fit tourbillonner son épée, accompagnée de quelques flammes de sa conception. Il trancha dans une ronde spectaculaire un bras et une jambe de Kyneos, lui faisant perdre connaissance sous la douleur. Elle se vidait de son sang, gisant inerte sur le sol de marbre glacé.

Le combat était terminé, ils avaient gagné. Mais à quel prix ?

Astós était carbonisé de partout, et tous étaient essoufflés et à bout de forces. N'y tenant plus, il s'écroula à son tour au sol, un sourire plaqué sur son visage.

- On a vaincu, déclara-t-il.

Les autres personnes présentes dans la pièce accoururent pour vérifier qu'il allait (plus ou moins) bien. Quand ils se rendirent compte que le prince somnolait après cette bataille, ils s'esclaffèrent soulagés qu'il n'ait rien de plus grave. Palaïós se contenta d'appliquer un baume à base de bave sur ses plaies.

Endiá jeta un coup d'œil à Kyneos, qui n'avait toujours pas bougé d'un cheveu. Il demanda à Palaïós ses services.

- Tu peux faire quelque chose pour elle ?

- J'hésite vraiment, dit simplement le sorcier. Elle ne mérite pas d'être sauvée.

Korè s'approcha et prit la parole.

- Mais c'est quand même sa sœur, lâcha-t-elle.

- Demi-sœur, rectifia Palaïós.

- Pardon ? s'intrigua Endiá. Comment ça "demi-sœur" ? Quelqu'un pourrait m'expliquer ?

- Ah oui, c'est vrai. (Sklerótes avait, elle aussi, prit part à la discussion.) Il n'est pas au courant...

Et ils lui racontèrent tout, tous les détails, les histoires des massacres et tout le reste. Ils n'oublièrent rien.

- Bon, d'accord, ça explique... Rien du tout en fait ! Bref, en attendant elle continue de crever par terre, là. Alors, tu vas la soigner ou non ? s'entêta-t-il.

Palaïós souffla puis acquiesça.

Quelques heures plus tard, Kyneos ouvrit ses yeux, souffrant le martyre. Astós, qui s'était levé plus tôt qu'elle plaça immédiatement une main possessive sur sa bouche, appuya sur ses plaies et la gifla.

- Si tu tentes quoi que ce soit, tu peux dire au revoir à la vie. Tu es sous notre contrôle et ta vie ne tient qu'à un fil. Crois-moi je n'hésiterai pas à te rendre toute la souffrance que tu as causée. Après nous avoir aidée à ressusciter maman, tu seras enfermée sous le palais, et nous veillerons à ce que tu y restes toute ta vie. Me suis-je bien fait comprendre, Kyneos ?, la menaça-t-il tandis qu'elle se tordait de douleur, des larmes dans les yeux.

Elle grogna, Astós considéra ce beuglement comme une approbation. Elle n'était pas en position de décider, de toute façon.

Les Héritiers de Feu - 1. Liés par le sang  [EN RÉÉCRITURE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant