Chapitre 9

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Endiá rangeait les affaires de son père.

La pièce était poussiéreuse, intouchée depuis un mois déjà. Ses draps chers étaient ternis par la lumière et la saleté. Un cigare à peine fumé trainait dans le cendrier. L'air était épais, presque irrespirable, Endiáthetos peinait à s'oxygéner. C'était aussi dû aux émotions qui le prenaient à la gorge. 

Pendant ce long mois de déni, il n'avait quasiment rien fait, enfin au début. Il s'était d'abord morfondu dans son coin, refoulant un maximum de larmes, essuyant celles qui parvenaient à s'échapper et qui dévalaient ses joues douces. Ses yeux humides ne voulaient plus se fermer, et quand cela arrivait, deux évènements suivaient. Il parvenait parfois à trouver le sommeil. Un sommeil agité, un sommeil habité.

Des cauchemars lui remplissaient l'esprit, le ramenant dans la salle de réception du château où l'enfer avait pris pied. Il revoyait tous les invités morts, sur le sol. Il revivait la disparition de sa seule famille restante, son frère Astós, et sa sœur Kyria.

Et souvent, après quelques heures, Morphée le chassait de son étreinte, le ramenant à sa douleur et à sa solitude. 

Après une vingtaine de jours, il s'était activé. Endiáthetos s'est relevé, mais sa tristesse s'était muée en colère. Il devait se venger, tuer la Dnophos qui lui avait enlevé tout ce qu'il avait, et la détruire elle aussi. 

Il avait fait des recherches sur comment l'éliminer. Il n'avait rien trouvé bien entendu, seuls des rapports concernant le décès de villages entiers remontaient jusqu'à lui. Mais ce matin, en se levant, il s'était rappelé d'une histoire qu'il avait entendue, dans sa jeunesse.

On racontait que des créatures de l'ombre, dotées de pouvoirs surnaturels, avaient été éliminées par un être de feu. Quelqu'un capable de dompter les flammes pour battre l'ennemi. 

Endiá était tout de suite allé dans les archives, section contes et légendes, afin de confirmer cette histoire, malheureusement, rien. Le prince s'est alors dit que son père, adepte de toutes ses fantaisies, aurait peut-être une histoire similaire dans sa bibliothèque privée. Et il s'était retrouvé là, dans une chambre peut être hantée, à éplucher des livres de contes pour enfants.

Les livres éparpillés à ses pieds étaient dotés de magnifiques couvertures, de titres dorés à l'or fin. Il était assis en tailleur au milieu de ceux-ci, ses yeux furetant les ouvrages. Ils s'arrêtèrent brièvement sur un manuscrit, pourvu d'une couverture en cuir, et d'un lacet pour le refermer. Endiáthetos n'y prêta d'abord aucune intention. Puis, après un petit moment, il se ravisa et prit le livre dans ses mains. Il l'examina sous toutes ses coutures. La couverture de cuir était très détaillée, le poinçon de l'artisan avait été manié avec soin, et les reliefs étaient tout simplement parfaits. 

Endiá tira sur le lacet de cuir, et quelle ne fut pas sa surprise quand il lut la signature sur la première page.

Kephale Basileus

Les yeux du prince se remplirent de larmes à la lecture du nom de son défunt père. Il fixa durant de longues minutes la première page du manuscrit, incapable de bouger. Un corbeau se cogna à la vitre de la chambre avant de repartir à tire-d'aile, et c'est ainsi qu'Endiá se ressaisit.

Il tourna la première page, le cœur gros.


14 février

Je n'en peux plus. Si j'écris en ce lieu, c'est que je n'ai plus la force de continuer tout seul. Je sombre peu à peu dans la folie. Convaincu de l'inexplicable, et discutant le réel. 

Depuis qu'Anastasis nous a quittés, j'ai du mal à tout gérer. Les enfants, le royaume, c'est très compliqué. De plus, la chasse aux Dnophos continue, ma lutte contre cette espèce, qui, j'en suis sûr, a causé la perte de ma femme bien aimée, nous nous rapprochons du but. 

J'ai recouru à toutes les aides possibles et inimaginables. Les plus grands sorciers, les soldats les plus vaillants, je n'ai rien pu faire. Néanmoins, des rumeurs circulent. On raconte que dans l'ouest de la carte, une très jeune guerrière saurait manier les flammes, on la nomme "Phlóx Oléthrios" : La Flamme Destructrice.

J'ai envoyé un missionnaire dans sa contrée afin de négocier ses services. Je suis peut-être fou d'y croire. Fou de m'obstiner à exterminer ce peuple de créatures infâmes, mais rien n'étouffera ma soif de vengeance, sauf le châtiment lui-même. 

Ce matin même, mon garde le plus fidèle, au courant de mes plans m'a demandé : 

" Et si vous vous trompiez de coupable, monsieur ? Et son altesse nous avait vraiment quittés dans un accident. Je veux dire, pourquoi chercher un fautif quand il n'y en a pas ? Ce que je crois, monsieur, c'est que vous voulez juste calmer votre rage et votre tristesse, ce par tous les moyens. 

Je vous le redis, les Dnophos n'y sont pour rien, le corps de son altesse a été retrouvé avec la quasi-totalité de son sang, ce n'est pas l'œuvre des Dnophos. Vous le savez bien et n'avez pas besoin de moi pour vous le redire, quelque chose vous pousse à agir ainsi. Je veux savoir."

Je l'ai alors renvoyé d'où il venait, monter la garde devant les portes.

Il ne savait pas tout, il n'est personne pour parler, point. Il ne connait pas mon histoire, ce passé si douloureux qui me hante depuis tout petit. Quand on vit dans le royaume, avec toutes les étrangetés qui le peuplent, il est rare de n'avoir connu que le bonheur. 

Je n'ai pas échappé à la règle.

Alors que je n'étais qu'un enfant, mes parents souverains du royaume m'avaient confié à mes grands-parents (côté maternel). Ils vivaient dans un petit village reculé. Le nombre d'habitants était très restreint, mais l'ambiance était familiale, j'adorais cet endroit.

Je l'adorerai toujours si seulement...

Une nuit, j'ai entendu des cris très fort dehors. Ça m'avait réveillé. Quand je suis descendu, la petite maison était vide, mes grands-parents étaient sortis. Alors, j'ai fait de même.

GROSSIÈRE ERREUR

Dehors, au feu de joie du centre du village, les habitants étaient tous assis sur les bancs de bois, immobiles. J'ai reconnu mes grands-parents de dos, et je suis allé tirer la manche de mamie. À peine effleurée, elle s'est écroulée en arrière, les yeux révulsés. Son visage était encore plus ridé que d'habitude. Puis, j'ai remarqué que tous les gens arboraient la même expression. J'ai hurlé.

Ensuite, j'ai couru, le plus loin possible de cette scène d'horreur. J'ai pris mes jambes à mon cou et je suis retourné à pied au château. Quand j'ai appris par la suite que c'étaient les Dnophos qui étaient à l'origine du meurtre de mes grands-parents, une haine incommensurable a grandi en moi. Devenant un peu plus forte chaque jour. Je me suis promis que quand je serai roi, je ferai tout pour que cette espèce périsse. 

Je me suis promis de les éliminer, tous jusqu'au dernier.

Les Héritiers de Feu - 1. Liés par le sang  [EN RÉÉCRITURE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant