Les Héritiers de Feu - 1. Liés par le sang [EN RÉÉCRITURE]

Chapitre 8

Sklerótes plongea son regard dans celui d'Astós. Il était pris à la gorge, les larmes aux yeux, la boule au ventre. Malgré le fait que le décès de sa mère remonte à six ans déjà, il ne pouvait s'empêcher de se rappeler la détresse qui avait envahi la famille lors de l'annonce du décès. Ainsi que le changement drastique de comportement de son père.

- C'est possible ? demanda Astós, le regard noyé dans des larmes d'espoir.

- Oui, intervint Palaïós. C'est pour cela que je suis là. Sklerótes m'a appelé pour vous aider à ramener Anastasis. 

Astós tourna la tête vers la Dnophos, le regard plein de reproches.

- Tu lui as dit quoi pour qu'il te suive ? Tu en as tué combien de sa famille ? Deux ? Trois ? Tous !?

- Aucun, je n'ai tué personne, je t'assure, se défendit-elle en levant les bras comme pour se dédouaner.

Le prince regarda Palaïós en quête d'explications.

- Pourquoi êtes-vous là alors ?

- Tutoie-moi s'il te plait. Et non, Sklerótes n'a tué personne, je l'ai suivie par ennui. Je n'avais rien à faire, rien à perdre, englouti par un profond ennui depuis bien trop longtemps. 
Astós fronça mes sourcils.

- Je ne suis pas franchement convaincu... Et puis, à moins que tu aies des pouvoirs je ne sais pas comment tu pourrais nous aider.

- Eh bien en fait, Palaïós est, lui aussi, doté de capacités très spéciales, intervint la Dnophos.

- Je suis un Magus, expliqua-t-il. Je suis capable de communiquer avec toutes les espèces, et de les relier. Je peux mettre en commun leurs ressources à travers un objet. Je peux prendre l'énergie d'un lapin vigoureux pour la transmettre à un autre mourant rien qu'en claquant des doigts. Cool, non ?

- Et qu'arrive-t-il au lapin autrefois vigoureux ?

- Il perd toute l'énergie transmise, c'est un don, pas une multiplication. 

- Mais maman n'est plus qu'un tas d'ossements dispersé dans l'air et perdu pour toujours, comment pourrais-tu transmettre à quelque chose d'inexistant ?

- Regarde ce collier, murmura Sklerótes. Ne vois-tu donc rien ?

- Une pierre noire sur une chaîne, qu'y a-t-il à voir ? 

Elle tendit le bijou au prince.

- Secoue-le, et regarde-le d'un peu plus près.

Astós s'exécuta et une lueur s'alluma dans son regard. Il avait compris. Néanmoins, des doutes assaillirent son esprit.

- Des cendres, vous voulez la ramener à partir de ses cendres... lâcha-t-il.  

- Bien vu, Sherlock ! ironisa Sklerótes.

- Il y a quand même quelque chose qui me chiffonne, avoua le prince. Tout à l'heure, monsieur... (il tourna la tête vers le vieil homme)

- Palaïós, lui intima-t-il.

- Monsieur Palaïós nous a confié que s'il transférait de l'énergie d'un lapin performant à un autre en sale état, le premier perdait tout le don. (Il attendit pour l'approbation du vieillard qui hocha la tête). Alors si maman est morte, qui va donner sa vie pour la sauver ?

La Dnophos se tortilla sur sa chaise. 

- C'est là que tu interviens. Nous allons combiner nos énergies pour pouvoir la ramener. Malheureusement, c'est insuffisant.

- Qui va nous aider alors ? demanda le prince.

- Te souviens-tu de la promesse que tu m'as faite l'autre jour ? 

- Un peu que je m'en souviens ! murmura Astós.

- Eh bien, je t'ai demandé de me jurer fidélité pour une décennie entière. En vérité, je n'avais pas vraiment envie de vous blesser, toi et ta sœur, je cherchais juste ton aide. Et tu ne me l'aurais pas accordée si j'avais simplement demandé.

- Quel est le rapport avec maman ? s'impatienta le jeune homme. Et pourquoi avoir transformé Kyria en bille ?

- Minute, papillon. J'avais déjà préconçu mon plan, seuls manquaient les rouages qui serviraient à le faire fonctionner. J'ai réussi à te rallier à ma cause, de même que Palaïós, et alors, nous allons pouvoir sauver Anastasis. Et pour ta sœur, je te l'ai déjà dit, c'était juste une partie de ma stratégie, néanmoins, je ne la retransformerai que quand nous aurons réussi, par mesure de sécurité. Ce n'est pas une Héritière, c'est mieux ainsi.

Astós souffla.

- T'as intérêt à tenir ta parole...

- Oui oui, t'inquiète pas p'tit prince, dit-elle. Tu vas m'écouter maintenant ?

- Par pitié, arrêtez de vous prendre la tête et expose ton plan Sklerótes ! se plaignit bruyamment Palaïós.

- Vous êtes casse-pieds, quand vous vous y mettez ! rugit la Dnophos.

Sklerótes marqua une pause, Astós tapa nerveusement du pied, agité.

- Messieurs, nous allons chercher les Héritiers. 

Palaïós bondit de sa chaise et serra le poing.

- Oui ! s'exclama-t-il. Enfin de l'action, de la baston, des larmes, des armes. Du sang ! On va mass-

- Doucement, le vieux, l'interrompit Astós. Tu vas te faire mal au dos si tu continues de t'exciter comme ça. Alors, tout doux, papy.

L'intéressé tira la langue à Astós, qui ne se priva pas de répondre. Lorsqu'ils se furent calmés, le benjamin du groupe posa une question qui lui brûlait les lèvres depuis l'annonce de la quête.

- Il en reste ?

- Oui, tu ne croyais tout de même pas que nous étions les seuls ? 

- Bah, après ton récit, j'avais des doutes. Et comment comptes-tu t'offrir leurs aides ? Ne me réponds pas que tu avais prévu de tuer toute leur famille sinon je te jure que...

Sklerótes fit la moue. Astós la fusilla du regard.

- C'est bon, p'tit prince, je rigolais. Non, je n'avais pas prévu de tuer toute leur famille. Je vais leur échanger mon savoir contre leur collaboration. J'aimerais les aider par la même occasion, je suis bien placée pour savoir que ça n'est pas évident de gérer son Ara, son Kaiô ou tous les autres problèmes auxquels nous devons faire face en tant qu'Héritier.

- Très bien, acquiesça le jeune homme. Tu as une piste ou alors, il va falloir faire des recherches très, très, très poussées ? 

Sklerótes attrapa un parchemin qui trainait dans un coin de la pièce, elle le déroula. Un arbre généalogique d'une dimension comparable à celle de la voile d'un parapente était désormais étendu au milieu de la pièce. La jeune femme s'appuya contre la table, les épaules en avant. Palaïós et Astós s'étaient levés pour mieux voir le document. Sklerótes replaça une mèche qui lui tombait dans les yeux et pointa du doigt un point de départ d'une branche très étendue dans le coin inférieur gauche de la page. 

- La malédiction des Héritiers a démarré ici, avec notre ancêtre, une certaine "Asthenes", un mage extrêmement puissant, mais cupide qui fit de notre vie à tous, un enfer sur terre. 

La jeune femme fit glisser son doigt vers une sous-branche et tapota deux fois dessus, pour attirer l'attention des deux hommes. 

- Notre point de départ est cette famille, dont j'ai à récupérer la position après quelques efforts, quand j'étais encore avec les autres. (Sa voix se brisa). Nous avions prévu de tous les trouver et de tous les aider, mais ils sont morts trop tôt. Je profite des circonstances pour reprendre leur mission.

Un silence pesant tomba sur la pièce, personne n'osant piper mot. Le prince glissa sa main dans sa poche et fit tourner Kyria, ensuite, il rompit le silence et scanda avec assurance :

- Allons trouver les Héritiers et sauvons maman !