- On a attrapé un rhume ? plaisanta la Dnophos.
Astós grogna. Sklerótes passa une griffe menaçante sur le visage du jeune garçon. Il retint son souffle.
- Que fais-tu là ? demanda-t-elle.
Le jeune garçon écarta la patte de la créature d'un revers de main, l'air dédaigneux.
- Tu me dois des explications. Et je ne partirai pas avant de les avoir entendues.
- Tu crois être en position de décider ?
- Absolument, affirma Astós. De plus, il me semble que tu as besoin de moi pour une raison ou une autre, tu ne peux en conséquent pas me faire de mal. Je t'écoute, explique-moi cette histoire de survie ? Et en quoi aurais-je besoin de toi ?
Sklerótes pesta dans une langue qu'Astós ne comprit pas, une série de cliquetis, on aurait dit un dauphin en colère. Il esquissa un sourire. La créature ouvrit la porte, visiblement embêtée.
- Bon rentre, Monsieur Je-Suis-Un-Prince-Et-Sais-Tout-Sur-Tout-Donc-Tu-Peux-Rien-Me-Faire.
Astós lui jeta un regard plus noir que noir et entra dans la pièce. Le dénommé Palaïós était assis sur une chaise au fond de la pièce. La salle était relativement petite, seulement meublée de quelques canapés et fauteuils, une grande table en verre au milieu. Un lustre pendait au plafond, ses bougies toutes allumées dégoulinaient un peu par terre. Quand le prince passa sous celui-ci, il reçut une goutte de cire dans la nuque, il réprima un gémissement.
- Bon, par quoi on commence ? dit le jeune homme avec entrain.
Sklerótes s'effondra sur un canapé, sous une forme humaine qu'Astós n'avait jamais vue. La Dnophos était une jeune femme rousse, dotée d'une silhouette svelte et d'un visage fin. Il lui semblait la connaitre, mais il passa sous silence ses observations et remarques.
Elle se prit le visage entre les mains et commença à parler.
- Tu devrais t'assoir, on risque d'en avoir pour un moment, dit-elle d'une voix lasse. (Le prince s'exécuta). Tu veux que je commence par où ?
- Du début, raconte-moi tout de toi, et plus aucun mensonge, lâcha Astós.
- Bien. On commence par ma vie alors.
- Pardon ? demanda le prince, incrédule. Comment ça ta v-
- Oh ! Mais tu vas me laisser parler, oui ? dit Sklerótes dans un soupir. Je reprends. Quand j'étais petite, je vivais dans une famille très aisée, nous vivions auprès de la cour et en faisions quasiment partie. Le lendemain de mes quinze ans, je suis allée me promener au bord du lac qui traversait une forêt près de chez moi. Là-bas, des hommes m'ont encerclé et m'ont attaqué. Ils étaient plusieurs. Ils ont commencé par me faire des avances très poussées. J'ai refusé, je leur ai demandé de partir, mais bien évidemment, ils n'en ont rien fait. L'un d'eux a sorti un couteau, puis un autre l'a copié. J'étais vraiment dans le bourbier.
La voix de la jeune femme tremblotait, c'est comme si elle était toujours sous le choc.
- Lorsque l'un d'eux s'est approché de moi et a tenté de me planter, je me suis réfugiée derrière mes bras frêles. J'attendais le coup, mais rien ne se passa, je n'ai pas bougé d'une semelle jusqu'à ce qu'un des hommes proches de moi crie d'effroi. Quand j'ai relevé la tête, un cadavre calciné était étendu à mes pieds. Le plus téméraire des hommes tenta de me faire mal à son tour, et, ne comprenant toujours pas ce qui m'arrivait, j'ai aussi tenté de le repousser avec mon bras. Et un autre cadavre tomba à mes pieds. Malheureusement, cette fois-ci, une douleur immense s'empara de moi. Mes bras me faisaient souffrir le martyre, et les flammes blanches qu'ils dégageaient ne s'éteignaient plus. Mon cœur s'emballa et ce fut le début de l'enfer.
Sklerótes hoqueta.
- À ce moment-là, je me suis recroquevillée par terre et j'ai pleuré. J'ai pleuré de douleur et de chagrin, de honte, d'horreur. Je venais de tuer deux hommes. C'était une expérience plus que traumatisante. Mais l'histoire ne s'arrête pas là. Désormais, mon corps tout entier irradiait. À chaque battement de mon cœur, une gerbe de flamme était expulsée de mon corps, et la forêt prit inévitablement feu. Lorsque je me suis calmée, c'était déjà trop tard. J'étais tétanisée par la douleur de mon corps meurtri par les flammes et celles qui flambaient autour de moi étaient plus hautes que deux éléphants entassés. J'ai essayé de trouver une sortie à cet enfer, mais le brasier a fini par avoir raison de moi. N'en pouvant plus, je me suis simplement laissé périr dans cette prison incandescente.
Elle marqua une pause avant de poursuivre :
- Et je suis morte, souffla-t-elle.
Le visage d'Astós passa par plusieurs émotions. D'abord l'horreur, puis vint l'incompréhension.
- Mais ? C'est quoi la suite ? Si tu es là, c'est forcément qu'il y en a une et me sors pas un truc du genre "Je suis morte et puis me voilà !"
- C'est presque ça, pour dire vrai, ajouta Sklerótes. Quand je me suis réveillée, mon corps avait été enterré dans la forêt de la propriété, dans une parcelle non consumée par mes flammes. Je suis sortie de l'au-delà avec une sensation de légèreté. Mon corps était devenu intangible, impalpable, et mon apparence d'humaine n'était plus qu'un lointain souvenir. C'était du moins ce que je pensais. J'ai erré pendant longtemps sous ma forme monstrueuse, tellement longtemps que j'ai perdu le compte des années. J'avais constamment soif, mais tout liquide me brulait la gorge et me lacérait les entrailles. Mais un jour, j'ai croisé un petit chevreuil à l'agonie et du sang coulait de sa plaie. Je me suis alors jetée sur lui sans réfléchir et j'ai bu. C'est à ce moment-là que j'ai découvert la seule source de nourriture de mon espèce : le sang.
- Mais, tu parles des Dnophos comme d'une espèce, alors que tu es toute seule à ce que je vois.
Sklerótes souffla.
- J'y viens, j'y viens. Environ quatre ans (et quelques meurtres) après ma transformation - information que j'ai apprise par la suite - j'ai rencontré par hasard lors d'une nuit orageuse deux personnes. Je m'étais établie dans un coin reculé de la forêt et passais la nuit à l'abri. Mais cette nuit-là, non loin de moi, deux autres Dnophos se baladaient. Quand l'un d'eux est tombé sur moi, endormie comme un bébé, il n'y avait eu aucune hostilité. D'autant plus que la deuxième Dnophos qui l'accompagnait m'était très familière, ce n'est que lorsqu'elle m'a raconté son histoire similaire que je l'ai complètement reconnue.
- Qui donc ? demanda Astós.
- Ma petite sœur, ta mère.
VOUS LISEZ
Les Héritiers de Feu - 1. Liés par le sang [EN RÉÉCRITURE]
FantasyGROSSE RÉÉCRITURE EN COURS ! - Lors d'une somptueuse fête organisée par la noblesse, les Dnophos, des créatures terrifiantes surgies de l'ombre, font irruption et sèment la mort. La princesse Kyria est maudite par l'une d'elles, et son frère Astó...