Chapitre 10

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Endiáthetos tourna la page, intrigué.


15 février

Hier soir, je me suis endormi en pleine écriture, c'est pourquoi je n'ai pas pu terminer de coucher sur papier mes plans. Je précise que le soleil vient de disparaitre, loin, à l'horizon. Aujourd'hui, mon messager est revenu, il m'a confié une missive. 

Trop impatient, j'ai congédié toutes les personnes présentes dans la salle à ce moment-là. J'ai déchiré l'enveloppe et un sourire est immédiatement apparu sur mes lèvres : Phlóx m'avait répondu.

Elle disait qu'elle était plus que ravie de m'aider, que c'était un honneur pour elle. Elle m'informait aussi qu'elle se mettrait en route d'ici à ce soir, le temps pour elle de récupérer son équipement.

Dans la lettre que je lui avais fait transmettre, je ne parlais pas exactement des Dnophos, je les ai qualifiées de "menace récalcitrante nuisant très fortement à la sécurité de la cité". Elle n'avait pas besoin d'en savoir plus pour le moment. Et si elle était si forte qu'on le prétendait, elle saurait s'adapter. Il le fallait.


La page s'arrêtait ainsi, sans plus d'explications. 

À cet instant précis, quelqu'un toqua à la porte, puis passa sa tête dans l'ouverture. Sans réfléchir, Endiáthetos cacha vivement le journal derrière son dos. 

- Monsieur, il se fait tard, vous devriez rentrer vous reposer. Vous devez être prêt pour la journée de demain, le couronnement, ce n'est pas rien.

C'est vrai, le couronnement. Endiá l'avait presque oublié.

- Merci colonel, vous avez raison, je vais rentrer. Je range tout ce bazar puis j'arrive. 

Le prince s'exécuta alors que le garde quittait la chambre, prenant bien soin de ne pas se séparer du précieux journal de son père. Il laissa la chambre exactement comme il l'avait trouvée. À l'exception du bouquin de son père, qui laissait un petit espace vide là où il se trouvait, quelques dizaines de minutes plus tôt.

Une fois rentré dans sa propre chambre, après le diner, il feuilleta de nouveau les écrits de son père, il sauta deux pages qui ne racontaient rien d'intéressant. 


19 février

Aujourd'hui fut une grande journée. Phlóx - nommée Kyneos dans la vie quotidienne - es enfin arrivée. En vérité, elle est arrivée au palais dans la nuit. Je lui ai d'abord posé quelques questions pour savoir si elle était digne de confiance, et assez forte pour mon projet. Je n'ai pas été déçu : cette adolescente est tout bonnement exceptionnelle. 

Je l'ai d'abord briefée sur mon histoire et mes motivations. J'ai ensuite abordé le plan, elle a tout de suite montré de l'enthousiasme. Je ne sais pas ce que cette fille a traversé durant sa courte vie, mais elle n'a que de la haine et de la rage dans le regard. Elle est un concentré de rancune, je ne sais pas si je dois m'en inquiéter ou non. 

Elle m'a par la suite fait une démonstration de ses compétences, j'en ai été bluffé, sans surprise bien évidemment. Les rumeurs disaient vrai, elle dompte véritablement les flammes. 

Je lui ai ouvert les souterrains du château, afin qu'elle puisse s'entraîner tranquillement et à l'abri des regards indiscrets durant une semaine. Dans sept jours, à la tombée du jour, nous irons détruire le campement des Dnophos que j'ai découvert par mégarde lors d'une balade dans les bois, heureusement, ils étaient tous partis en chasse. Enfin... heureusement pour moi, mais ce jour-là, nous avons décompté pas moins de cinquante morts dans la contrée voisine.

Je ne demande que leur mort, pour venger toutes les vies sacrifiées par leur faute. Ce n'est pas trop demandé, si ?


Endiáthetos n'en croyait pas ses yeux. Son père, chasseur de Dnophos ? Lui qui ne sortait jamais du palais pendant sa vie, le prince était sceptique. Ses paupières s'alourdissaient, il était exténué. Mais la curiosité l'emporta sur la fatigue et il ne résista pas à l'envie de faire défiler les pages. 

Il lut encore quelques "chapitres" puis arriva le moment fatidique, l'embuscade.


26 février

Je ne vais sûrement pas trouver le sommeil cette nuit, la journée a été riche en émotions.

À la tombée du jour, comme prévu, Kyneos et moi-même nous sommes mis en route vers le campement des Dnophos. Nous avons pris d'extrêmes précautions pour ne pas nous faire remarquer, comme se badigeonner de boue, pour l'odeur et marcher très lentement pour ne pas faire de bruit. Arrivés là-bas, Kyneos a immédiatement grimpé à un arbre. Puis, elle s'est calée sur une branche très solide. Elle a ensuite levé les bras et des flammes d'une hauteur impressionnante ont circonscrit leur camp.

Elle nous a frayé un chemin entre les flammes et nous sommes entrés dans le cercle. 

Un de leurs anciens (il semblait ancien) a tenté de nous attaquer. Kyneos l'a carbonisé sans sourciller. Les autres n'ont rien tenté après ça. Ils nous ont suivis sans poser de questions, comme prévu.

Nous sommes arrivés peu après au château. Ils se sont mis en ligne et Kyneos les a tous brûlés sous le regard de leurs proches. Étonnamment, certains d'entre eux avaient une forme humaine, mais leurs yeux... Leurs yeux semblaient luire, c'était terrifiant. 

Le processus était presque terminé, seules deux créatures étaient encore en vie. J'ai ordonné à celle de droite de s'avancer vers nous, elle était sous sa forme monstre. Kyneos la pulvérisa lentement. À quelques secondes de l'agonie, une nuée de poussière a émané d'elle. J'ai entendu un hurlement, puis une force nous a projetés en arrière. Avant de perdre connaissance, j'ai cru reconnaitre en la Dnophos carbonisée quelqu'un que je n'aurais jamais cru revoir un jour : ma défunte épouse. 

Même si c'était elle, j'ai perdu connaissance sur le coup. Je préfèrerais avoir rêvé, mais tout est confus dans ma tête, je ne sais plus ce qui est vrai ou faux. 

Un garde qui avait entendu la détonation était arrivé à notre secours peu de temps après. Nous avons été déplacés à l'infirmerie et soignés des blessures superficielles dont nous avions écopé. 

Une fois sur pieds, Kyneos a exprimé son désir de quitter les lieux, je ne l'ai pas retenue. Elle nous a quittés après avoir récupéré sa récompense et son matériel. 


Endiáthetos referma vivement le journal, son cœur battant la chamade. Il s'affala sur son lit moelleux et ferma les yeux. Avant de s'endormir, il murmura :

- Il faut que je la retrouve. 

Les Héritiers de Feu - 1. Liés par le sang  [EN RÉÉCRITURE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant