Minho, ou l'idée de mal fonctionner

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        Comme tous les premiers vendredis du mois, je suis sur le chemin vers l'hôpital. Soyons honnêtes, ces rendez-vous m'ennuient profondément et ne font jamais évoluer le problème. En somme, ils sont parfaitement inutiles. Mais comme mes parents et l'ensemble du corps médical me demandent de continuer, je les écoute.

        Je ne suis donc pas très emballé en approchant de l'immense structure blanche. Je passe les portes et salue d'un mouvement de tête les secrétaires présentes à l'entrée. Après sept ans à venir ici, je connais les lieux comme ma poche. Je navigue d'un couloir à l'autre, m'orientant sans y penser vers le cabinet spécialisé dans lequel j'ai rendez-vous. Je m'arrête devant une petite plaque gravée. « Dr Song, spécialiste pour alphas ». Je grimace. Je déteste lire cette plaque. Non pas que l'individu soit désagréable, je ne pense rien de particulier de cet homme. Mais cela ne fait que me rappeler ma condition.

        Je ne prends même pas la peine de m'asseoir sur l'une des chaises faisant face à la porte du cabinet. J'ai deux minutes d'avance. Il ouvrira donc la porte dans une minute. Le seul avantage d'être suivi par un médecin supervisé par mes parents est que je deviens alors sa priorité absolue. Le patient Lee passe avant tout le monde et aucun retard envers lui ne sera toléré. Pour le reste, cela signifie aussi que tout qui se passe dans ce cabinet finira dans les oreilles de mes parents. Le secret médical n'est qu'une grande ironie quand il s'agit des personnes qui vous paient.

        — Monsieur Lee, entrez je vous prie.

        Une minute d'avance sur l'heure du rendez-vous. J'avais raison, comme d'habitude. J'aurais aimé qu'au moins ce détail change de temps en temps. Parce que le contenu de la séance et les annonces que l'on me fait sont toujours les mêmes. En silence, je m'installe face au grand bureau présent dans la pièce. Chez un tel spécialiste, bois marqueté et fauteuils confortables pour les patients sont de mise. Il n'y en a jamais trop pour montrer son statut et son importance.

        — Alors monsieur Lee, comment ont évolué les choses ce mois-ci ?

        Je hausse les épaules. A chaque fois c'est la même question, et à chaque fois je donne la même réponse.

        — Je ne sens toujours strictement rien.

        Mon interlocuteur ne perd pourtant pas espoir. Enfin, c'est ce qu'il laisse paraître.

        — Avez-vous essayé de vous exposer à des concentrations de phéromones élevées ce mois-ci ?

        Je m'apprête à dire non. Cela fait bien longtemps que j'en ai assez de jouer les cobayes à tout tenter pour essayer de me faire « marcher normalement ». Un matin particulier dans la salle de danse me revient alors à l'esprit. Vu le dérangement que tous ressentaient alors, je suppose qu'il s'agissait d'une forte concentration de phéromones.

        — Une fois. Une salle remplie de phéromones alpha et oméga qui n'avaient pas été contrôlées. Je n'ai rien senti du tout.

        — Des personnes étaient dérangées par l'odeur dans ce lieu ?

        — Tout le monde. Les omégas bien sûr, mais même les bêtas le sentaient. Et ça n'avait pas l'air agréable, je ricane en me rappelant du comportement de Hyunjin ce jour-là.

        Le docteur Song souffle légèrement. Il ne pose pas plus de questions. Si je ne sens rien, on ne peut de toute façon pas aller plus loin. Il m'indique alors de passer sur la table d'auscultation. Tous les examens possibles y passent. Pas que ce soit réellement nécessaire à mon avis, mais il faut bien pouvoir assurer à mes parents que je suis en bonne santé. Même si tant que je ne fonctionnerai pas complètement, cela ne sera pas le cas à leurs yeux.

Inodore [minsung]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant