Inodore [minsung]

Felix, ou l'invocation de Changbin par le sacrifice de Dori

        — Ah !

        Le cri horrifié de Hyunjin résonne dans l'appartement, ne manquant pas de faire sursauter violemment Felix et Jisung à côté de lui. Il est rapidement suivi d'un bruit de verre se brisant sur le sol, que le blond reconnaît aussitôt.

        — C'était lequel ?, demande-t-il en soupirant profondément, habitué à ce son.

        Le plus grand met de longues secondes à répondre, son regard toujours posé sur le carrelage désormais parsemé de morceaux colorés, la bouche entrouverte sous le choc.

        — Le Dori, finit-il par prononcer du bout des lèvres tant ces mots semblent lui coûter. Mon préféré...

        — On essaiera de retrouver le même pot de moutarde, t'inquiète pas, tempère le plus jeune en se levant du canapé, quittant Jisung dont le regard alterne entre ses amis et son portable.

        Il rejoint rapidement son colocataire, attrapant au passage la pelle et la balayette pour l'aider à faire place nette. Il n'aurait peut-être pas dû compter sur Hyunjin à la maladresse maladive pour leur porter le plateau de boissons. Après maintenant un an à vivre ensemble, il devrait pourtant y être habitué.

        La bêtise est vite nettoyée avec son aide, et un nouveau verre vient remplacer les deux autres toujours posés à côté des bouteilles pour être amenées dans le salon. Mûr de cette première erreur, il s'occupe lui-même du transport, le plus grand sur ses talons, pour rejoindre Jisung toujours avachi sur le canapé et dont l'attention semble enfin éloignée de son portable.

        — C'est bon, tu as terminé de t'inquiéter pour Minho ?, le taquine Felix en ouvrant la bouteille de Coca dont il sert tout le monde.

        Les oreilles du musicien se colorent de rouge alors qu'il esquisse une grimace, dans une tentative échouée de dissimuler sa culpabilité. Ils se connaissent trop bien pour se laisser avoir par ce genre d'expressions.

        — Tu pourrais avoir pitié en tes potes célibataires quand même, ajoute-il sans compassion.

        A ces mots, Felix sent le regard à l'inquiétude mal dissimulé de ses deux amis se poser sur lui. C'est ça le plus dur. Lutter, jours et nuits, pour oublier ce crétin de Changbin et passer son temps à se rappeler de tout cela à chaque mot approchant de près ou de loin le sujet.

        Le silence de Jisung au sujet de ses avancées avec Minho a duré plusieurs jours, par peur de le blesser, et ce n'est qu'après une discussion tendue des deux côtés que son meilleur ami a finalement compris que pour rien au monde il ne souhaiterait manquer d'assister à l'idylle que les deux tourtereaux se construisent doucement. Même s'il ne peut s'empêcher de sentir son cœur se serrer douloureusement à chaque confidence de Jisung sur les avancées de sa relation, il prend sur lui et veille à se montrer toujours aussi enjoué pour eux deux.

        Un étrange silence suit ses dernières paroles qu'il voulait humoristiques, aucun des deux hommes présents ne se risquant à ajouter quoi que ce soit par peur de prononcer le mot de trop. La sonnerie de l'appartement le sauve soudainement de cette situation récurrente ces dernières semaines, et la vision de Hyunjin sautant immédiatement sur ses jambes termine de dérider l'ambiance.

        Ce dernier se précipite vers la porte d'entrée, par laquelle il disparaît rapidement, seule sa voix s'extasiant de l'arrivée des pizzas subsistant encore de longues secondes alors qu'il traverse le couloir pour atteindre l'ascenseur.

        Son retour est marqué par la délicieuse odeur dont il est suivi, à laquelle les deux amis restés à l'intérieur le pressent de poser les trois larges boîtes cartonnées sur la table face à eux. L'absence de paroles qui suit ce dernier geste est cette fois emplie de bonne humeur, alors que leurs bouches sont occupées à avaler les parts triangulaires encore chaudes. Ce rythme est soudainement coupé par une vibration provenant de la poche de Jisung. Le châtain n'attend pas de terminer sa bouchée pour attraper vivement le portable qui y était rangé, les joues encore complètement gonflée. Son expression empressée change rapidement en découvrant la raison de la vibration incessante de l'appareil, qu'il éteint avant de glisser à nouveau le téléphone dans sa poche. Sous le regard interrogateur de Felix, il se lève à son tour du canapé pour atteindre son sac duquel il extirpe une plaquette de comprimé, pour en extraire l'un d'eux avant de la remettre à sa place et de venir se réinstaller d'un pas trottinant à côté du blondinet.