Inodore [minsung]

Jisung, ou la transformation du preux chevalier en doux oreiller

        Il est très exactement midi lorsque Jisung sonne au numéro 206 de l'immeuble au crépis beige qui lui est désormais bien familier. Sans arrêter de se balancer sur ses pieds, il patiente devant l'interphone gris, les oreilles aux aguets en attendant que le micro grésille d'une réponse. Celle-ci ne tarde d'ailleurs pas à arriver, à peine dix secondes après avoir ôté son doigts du bouton métallique.

        — Je descends tout de suite Hannie.

        Ce dernier sourit en entendant tout son cesser avant même d'avoir pu dire quoi que ce soit, signe que Minho a déjà raccroché. Ses mouvements intempestifs ne cessent pas, s'accentuant même de ses mains jouant avec les hanses du grand sac dont il est chargé, quelque peu anxieux sur la suite du programme. Il s'est montré bien sûr de lui deux jours auparavant, en assurant à Minho qu'il allait lui apprendre à l'aimer. La vérité est qu'il n'a strictement aucune idée de comment faire. Mais son cœur est déjà bien trop accroché à ce petit bout d'alpha pour abandonner maintenant.

        Perdu dans ses pensées, Jisung ne fait pas attention à la silhouette qui pousse la porte de la cage d'escalier avant de trottiner jusqu'à la sortie, le faisant sursauter lorsque celle-ci pousse brusquement le battant de verre pour le rejoindre.

        L'instant d'énergie de Minho ne semble pas durer à la vue de l'oméga, sa timidité prenant le dessus alors que son pas ralentit jusqu'à s'arrêter face à lui. Le sourire de Jisung s'accentue en le voyant, ne manquant pas de remarquer les oreilles rouges de son ami — pas si ami — et se retenant tant bien que mal de faire une remarque à leur propos.

        — J'ai pensé que faire un pique-nique pourrait être une bonne idée, entame-t-il rapidement après un échange encore hésitant de saluts entre eux deux, leur familiarité ayant du mal à reprendre sa place dans leur nouvelle relation. Comme ça on se pose dans le parc à côté de la fac. Il n'y a pas trop de monde en ce moment et c'est à l'air libre, je me suis dit que ce serait une bonne première étape pour t'habituer aux sorties.

        Les yeux du bruns papillonnent à son débit de parole sûrement trop élevé, comme souvent lorsqu'il est enjoué ou angoissé. Et autant dire qu'avec un mélange explosif de ces deux émotions dans son corps, il a du mal à ralentir le rythme. Attrapant le poignet de Minho dans un contact qui fait doubler son rythme cardiaque, le châtain l'entraîne à sa suite sur le trottoir, se mettant en route pour la destination prévue.

        Le mouvement semble sortir le danseur de sa transe et il se dépêche de le suivre, remontant à son niveau avec de petits pas rapides avant de poser sa main sur la hanse du large sac entre eux deux.

        — Donne, je vais le porter.

        La voix de Minho dans son oreille est douce de ce timbre caressant lorsqu'il parle et il ne peut s'empêcher d'inspirer longuement en l'entendant résonner si proche de lui. Immédiatement, une exquise odeur de sous-bois envahit ses sinus, assez forte pour hypnotiser instantanément son esprit tout en restant suffisamment contrôlée pour ne pas l'oppresser. Le sourire qui ne quitte pas les lèvres de Jisung depuis qu'ils se sont rejoints s'accentue alors qu'il réalise à quel point l'alpha a progressé ces derniers temps.

        Ce n'est que lorsque le poids dans ses mains disparaît que le sens des derniers mots prononcés montent à l'esprit du châtain, qui s'efforce alors de s'arracher à l'attraction qu'exercent les phéromones de Minho sur son cerveau. Il va falloir qu'il fasse plus attention. Jamais il n'a connu pareille sensation avec qui que ce soit et l'adaptation est plus complexe qu'il ne le pensait.

        — Ce n'est pas parce que je suis un oméga que je n'ai pas de muscles, hein.

        Le regard paniqué que lui adresse Minho à ces mots lui fait réaliser qu'il s'est encore réfugié dans ce mélange d'humour provocateur qu'il utilise à chaque fois qu'il est déstabilisé. Oups, il est encore trop tôt pour lancer ce genre de phrases.