Stiles n'aurait jamais cru qu'il viendrait réclamer une chose aussi étrange que celle-ci : que Derek reste auprès de lui. Qu'il continue de l'étreindre, de le détendre... Qu'il ne cesse ses caresses dans ses cheveux. Il y avait dans ses gestes une douceur si grande et si surprenante qu'elle mettait de côté cette angoisse si profonde sur laquelle il n'arrivait pas à mettre d'autre mot que le nom de Liam... Qui lui revenait, sans arrêt, mais qu'il s'abstenait de prononcer. La raison à cela était on ne peut plus simple : Stiles avait l'impression qu'il n'avait plus de voix. Elle existait toujours, il savait qu'on ne l'en avait privé d'aucune manière... Mais elle ne sortait pas, comme si sa gorge était trop serrée pour le laisser émettre le moindre son.
Alors la façon dont il réclama Derek encore et encore se fit uniquement avec des gestes. Et sa manière de s'accrocher à lui était sans équivoque. Plus que de lui faire simplement confiance... Il avait besoin de lui, plus que jamais. Besoin de se sentir en sécurité, entouré, protégé. Ses pulsions ? Toujours là, tapies au fond de lui, prêtes à refaire surface avec violence si jamais Derek venait à le laisser seul. Était-ce cela qui le terrifiait le plus ? Stiles ne saurait même pas le dire tant il peinait ne serait-ce... Qu'à comprendre ce qui lui arrivait. C'était tel qu'il ne se préoccupait, au final, pas vraiment de Derek, de ce qu'il pourrait vouloir. D'ordinaire, il aurait tout fait pour lui prendre le moins de temps possible, tout comme il n'aurait pas profité de ses bras plus que nécessaire – des bras qu'il n'aurait jamais cru connaître un jour autrement qu'au travers de la violence dont il avait autrefois l'habitude d'user.
Mais Stiles n'était pas dans son état normal. A vrai dire, il avait l'impression d'être complètement dépossédé de lui-même. De son corps. De sa vie. Qu'avait-on fait de lui ? Que lui était-il arrivé pour qu'il parte en vrille de cette façon ? Automatiquement, l'agression qu'il avait subie quelques jours plus tôt lui revint à l'esprit. Non, pensa-t-il, c'est autre chose. Il le savait, il le sentait. Liam avait peut-être fait naître un traumatisme en lui, mais il n'était pas directement à l'origine de ses tourments.
Et ne pas savoir avec précision ce qui le rendait ainsi le rendait d'autant plus fébrile qu'il ne se reconnaissait pas. Il avait également perdu toute confiance en lui, toute assurance, toute fidélité avec ses convictions. Qui était-il, finalement ? Lui qui pensait se connaître se découvrait avec horreur une sorte de personnalité... Qui n'était pas la sienne. Ce n'était même pas cela, au final. Il était comme... Soumis à des pulsions et à des pensées qui n'avaient pourtant pas l'air de venir de lui. Que devait-il en déduire ?
- Arrête de réfléchir.
Cette voix-là, il l'entendait peu... Quoique récemment, un peu plus que la normale. Le rythme effréné des battements de son cœur se calma légèrement. Les mots de Derek, il en avait besoin, tout autant que sa présence. Oui, il avait besoin qu'il lui dise quoi faire... Qu'il éloigne les ténèbres de son âme torturée qui ne savait comment se dépêtrer de ce bourbier sans nom. Alors, si Stiles se savait pour l'instant incapable de le remercier avec des mots, il se serra davantage contre lui. Qu'importe s'il réveillait certaines douleurs, s'il finissait par rouvrir certaines plaies. Bien évidemment, son esprit fourmillait de questions par rapport à ce qu'il ressentait, ce qu'il avait vu... Et la façon dont Liam s'était si clairement rappelé à son esprit. Si l'hyperactif avait d'ailleurs tendance à faire preuve d'une impatience certaine lorsqu'il avait besoin de comprendre quelque chose, il décida cette fois-ci de mettre ses habitudes de côté et de s'accorder du temps. C'était quelque chose qui lui arrivait si rarement qu'au départ, il se sentit coupable et eut l'impression qu'il exagérait. Il s'était habitué à un fonctionnement qui le mettait toujours en arrière-plan. S'effacer, Stiles en avait régulièrement besoin tant il ne savait pas légitimer ses propres ressentis. Mais la situation présente était bien trop dure à supporter pour qu'il puisse agir comme il l'aurait fait en temps normal. Il ne pouvait rien faire d'autre qu'avouer son impuissance et espérer que les choses n'aillent pas plus loin. Qu'était-il encore capable de supporter ? Pas grand-chose. Or, il avait besoin de savoir qu'il pouvait être utile et qu'il... Avait les moyens d'aider les autres. En l'état actuel des choses, c'était lui et uniquement lui que l'on aidait. Alors oui, il se savait protégé et se doutait bien que l'on ne laisserait pas les choses s'envenimer, mais... Comment aller mieux ? Il était bien là, le pire. Ne rien comprendre, ne rien savoir. Être à la merci pure et simple d'un état qui avait pour lui tout du mystère et de l'inconnu.
Alors... Arrêter de réfléchir ? Il le voulait, bien sûr, mais ne savait pas comment faire. Déjà qu'il avait, en général, du mal à ralentir son flot de pensées...
- Pense à quelque chose que tu aimes, quelque chose qui peut te faire du bien, entendit-il encore.
Stiles releva légèrement la tête, le regarda brièvement, peu certain de la façon dont il devait comprendre cette demande sous couvert d'ordre gentillet. Disons qu'il connaissait le ton de Derek... Comme il connaissait le personnage en lui-même. Qu'importe à quel point il essaierait de s'adoucir, il ne pourrait jamais réussir à empêcher le naturel de sortir au galop.
Et Stiles n'eut pas le cœur à chercher à lui désobéir, parce que... Parce qu'il voyait fort bien où voulait en venir Derek, pourquoi il lui demandait de faire cela. Si l'humain peinait à imaginer la façon dont il pourrait se sortir de ce calvaire, il restait plus ou moins lucide sur certains des aspects de celui-ci. Derek lui avait demandé d'arrêter de réfléchir mais puisqu'il avait dû constater, sentir qu'il n'y arrivait pas... Diriger ses pensées dans une certaine direction n'était pas si farfelu, quand Stiles y pensait. Alors il réfléchit en ce sens. Qu'est-ce qu'il aimait ? Qu'est-ce qui lui faisait du bien, en général ? Il était bien là, le problème. Tous ses repères s'étaient envolés, aussi bien que ses certitudes les plus profondes. Stiles ne se connaissait plus, se faisait l'effet de se retrouver face à un étranger... Ou une coquille vide. Avec son apparence, sa voix, son cerveau torturé, mais sans rien à l'intérieur, mis à part des souvenirs dénués de toute portée émotionnelle.
Stiles eut alors une idée. Si tous ses repères s'étaient envolés quant à ce qu'il aimait en général... Qu'est-ce qu'il appréciait actuellement ? D'une façon ou d'une autre, Derek lui permettait de rester à peu près stable... Il lui apportait donc du positif. De quelle façon ? Stiles réfléchit. Ce qui lui faisait du bien, c'était sa présence. Savoir qu'il était là pour lui, qu'il prenait de son temps pour l'empêcher de faire une bêtise.... C'était agréable. Puis il savait qu'il ne prenait pas son cas à légère. Il s'adaptait à lui et se montrait plus doux qu'à l'accoutumée, sans l'infantiliser non plus. Que dire d'autre ? Ses gestes. Derek n'avait aucune idée du bien que de simples contacts physiques comme les siens lui faisaient. Stiles était du genre à apporter beaucoup d'affection à autrui, sans forcément en recevoir – et l'air de rien, il en manquait. De même, il appréciait l'idée d'être protégé – sans en ressentir le désir. Stiles n'était pas du genre à laisser sa sécurité dépendre d'autrui tant il avait à cœur le fait d'être indépendant à tous les niveaux. Or, lui-même n'avait d'autre choix que celui d'avouer son impuissance à ce sujet. Alors pour une fois, il acceptait, tout en espérant être à nouveau sur pieds d'ici peu, parce que l'air de rien... Il fallait que l'on éclaircisse cette histoire qu'il comprenne ce bordel sans nom qu'était devenue sa vie. Puis Stiles avait besoin de se retrouver, de contrôler chacune de ses envies, chacun de ses gestes et réduire toutes ces fichues pulsions à néant.
Une chose était certaine, il s'y reprendrait à deux fois avant de se saisir d'une lame, quoiqu'il fallait qu'il réussisse, à terme, à s'en passer. Stiles ne se faisait pas d'illusions quant à la signification de cette pratique, ce qu'elle engendrait sur son corps et sa psyché. A vrai dire, il avait conscience de la façon dont il avait rendu son quotidien malsain... Jusqu'à ce qu'il échappe à son contrôle.
Mais pour l'heure, il restait à peu près stable et s'accrochait à sa bouée de sauvetage, dont il ne voudrait quitter les bras pour rien au monde. Sans être en crise, Stiles savait qu'il ne supporterait pas que l'on cherche à le séparer de Derek. Pas pour l'instant, en tout cas.
Sans toi, je coule... Sans moi, tu exploses, fut la pensée qui lui vint soudainement à l'esprit et qui le frappa, telle une évidence. Pourquoi ? Comment ? Stiles n'en savait rien – il choisit toutefois de l'écouter. Ces mots ne lui appartenaient pas, mais ils avaient un sens.
Il s'agissait peut-être de la seule chose dont il était véritablement certain à l'heure actuelle.
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Behind His Mask
FanfictionStiles sourit. Stiles aime tout le monde. Stiles est la maman de la meute. Stiles est toujours là quand on a besoin de lui. Stiles est l'humain dévoué dont toutes les meutes peuvent rêver. Oui, mais Stiles ne va pas si bien que ça. Non, en fait, son...