Chapitre 25

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La porte de la chambre de Liam n'était pas fermée à clé – elle ne l'avait jamais été.

Théo ne vit pas l'horreur à proprement parler, mais elle parvint à ses narines avec une aisance folle... Sans qu'il ne la comprenne de prime abord. Mais il voyait Liam, assis par terre, derrière son lit, dos à lui. Percevait nombre de nuances dans son odeur, qui regroupait autant qu'elle séparait nombre de choses. Puis embaumant l'intégralité de la pièce, une lourde fragrance de sexe. Trop lourde pour qu'elle soit le fruit d'une quelconque séance de masturbation. Théo n'imagina pas un coup d'un soir – pas en pleine journée, pas alors que Liam s'évertuait à rester seul, à se séparer du monde entier pour un acte qu'il avait commis sans savoir ce qui lui avait pris.

Mais quelque chose titillait son nez à tel point qu'il se retrouvait là, paralysé à l'entrée de la chambre, sans rien faire si ce n'est penser, réfléchir à toute vitesse. L'impression de familiarité qui l'avait pris dès son entrée dans la maison s'était irrémédiablement renforcée... Elle était plus forte que jamais. Théo avait la sensation que son loup intérieur, qui s'agitait de plus en plus, avait compris bien des choses... Y compris celles que lui ne voyait pas encore.

- Liam ?

Seul son nom lui paraissait prononçable. Pour le reste, sa voix restait coincée à l'intérieur de sa gorge, muette. Théo savait sans savoir. Et si Liam ne se retourna pas, ne lui donna pas le moindre indice quant au fait qu'il l'avait peut-être entendu ou non, la chimère perçut les tremblements – minimes – qui secouaient ses épaules. Liam ne pouvait avoir froid. Hésitant d'autant plus à cause de son absence de réponse, Théo prit finalement sur lui et contourna le lit d'un pas particulièrement lent. Sa part humaine avait peur. Sa part lupine enrageait. Et il ne la comprenait pas, parce qu'il n'arrivait pas à créer le lien entre toutes ces choses qu'il voyait et sentait... Comme si elles étaient chacune un choc en elle-même.

Mais dès qu'il arriva face à son ami, Théo s'accroupit pour se mettre à sa hauteur, posa ses mains sur ses épaules et... Sentit la façon dont Liam frémit avec violence après avoir sursauté malgré lui à son toucher. Son corps se tendit instantanément sans pour autant qu'il cherche à enlever les mains de Théo de là où elles se trouvaient.

- Liam ? Répéta Théo, d'une voix si faible qu'il ne la reconnaissait pas lui-même.

Il percevait sa raideur anormale tout comme il gardait en mémoire ce qu'il avait vu et sentit juste avant. Mais il y avait dans son attitude et sa tête, qu'il avait baissée dès son arrivée, un petit quelque chose qui le rendait, lui, Théo Raeken, particulièrement fébrile.

- Liam, qu'est-ce que...

La question de Théo resta en suspens non pas parce que Liam le coupa : il ne le fit d'aucune manière. Ce n'était pas sa faute si ses tremblements n'avaient désormais d'égal que sa raideur, si son silence était d'une lourdeur à couper le souffle... Comme le sien, court, irrégulier. Ce souffle qui faisait état d'une peur tétanique, à la limite de l'état de choc.

Liam était juste là, dans un état que Théo ne comprenait pas. Et c'étaient ses propres questions à lui, bien trop nombreuses, qui l'avaient coupées dans la seule qu'il avait commencé à poser. Que lui était-il arrivé ? Quelle était cette odeur si familière sur laquelle Théo n'arrivait pas à mettre de nom ? Il l'avait sur le bout de la langue mais un détail, un pauvre détail rendait, aux yeux de la chimère, son identification particulièrement difficile. Ce n'était pas tant dû au choc qu'à... Un élément étrange, une sorte de filtre qui effaçait l'évidence.

Mais à la peur s'ajouta le piquant de larmes que Théo n'avait pas vues venir. L'une de ses mains vint se placer sous le menton de Liam. Et enfin, il vit son visage en le poussant à lever la tête. Jamais il ne l'avait vu aussi défait, pâle. Or, Liam n'avait jamais eu un teint aussi clair, malade, aussi vide de cette vitalité que Théo connaissait pourtant si bien, la même qui rendait le blondinet si lumineux à ses yeux. Elle avait, par certains égards, quelque ressemblance avec celle qu'il avait déjà constatée chez Stiles. S'il n'avait pas vu ce dernier récemment à cause de tout ce qu'il s'était passé, l'écho qu'il avait eu de la part des autres lui avait déjà donné un aperçu assez précis de la descente aux enfers de l'hyperactif.

Mais rien ni personne ne pouvait se douter de l'ampleur de celle de Liam, dont le regard ne cessa de le fuir... Jusqu'à ce qu'il ferme les yeux avec force, une expression de souffrance déformant ses traits d'ores et déjà tirés. Et Théo observa les larmes de Liam couler sur ses joues trop blanches, figé. Il ne lui vint pas le réflexe de les essuyer, de prendre son ami dans ses bras – il n'était pas comme ça. En revanche, il s'efforça de sortir de ce silence qui, il le savait, n'était bon ni pour Liam, ni pour lui.

- Est-ce que tu es... Blessé ?

La question pouvait paraître stupide, mais elle était tout ce que Théo pouvait articuler à l'heure actuelle, tout ce qui pouvait sortir de sa gorge on ne peut plus serrée par... Tant de choses qu'il ne saurait définir à l'heure actuelle. Une chose était toutefois certaine : de sa vie, il n'aurait jamais pensé voir Liam pleuré. Bien qu'il le fasse d'une façon anormalement silencieuse sans qu'il s'agisse de sanglots, les faits étaient là.

Et c'était d'autant plus déroutant que Théo n'arrivait pas à identifier cette odeur omniprésente qui imprégnait chaque meuble, chaque particule d'air de la pièce... Qui semblait suinter de chaque pore de la peau de Liam. Pourquoi lui était-il impossible d'en deviner le propriétaire ? D'autant plus qu'il la sentait véritablement familière... De ce côté-là aussi, quelque chose clochait.

Mais il ne mettait pas de côté l'odeur de sexe qu'il s'entait tout aussi fort que cette autre fragrance et là, doucement, un lien se faisait. Pas complet, pas de façon évidente non plus, toutefois suffisamment pour qu'il sache à l'instinct et que l'envie de le sortir d'ici le prenne. Même si sa chambre était sans doute pour Liam un havre de paix, le cocon dans lequel il adorait se reclure, Théo ne voulait pas l'y laisser davantage de temps. Alors, c'est ce qu'il marmonna, qu'il trouva la force de dire sans jamais articuler. Et si Liam finit par rouvrir les yeux, jamais il ne les leva dans sa direction, cette fois-ci pour une raison différente. Il ne le fuyait mais s'était fixé sur quelque chose... Sans pour autant que cela change quoi que ce soit à sa raideur, ses tremblements, sa peur viscérale – celle qui lui faisait craindre jusqu'à un ami.

Et pour une raison qu'il ignora, Théo suivit son regard... Tomba sur des choses qu'il aurait dû remarquer dès le départ. Près de Liam, des fioles. Vides. La chimère se saisit de l'une d'elles, la porta à sa narine... Perçut avec peine un semblant d'odeur qui, déjà, alarmait sa bête intérieure à un point tel qu'il la laissa tomber à terre. Attrapa Liam sans plus se soucier de sa peur, de cette tension plus qu'anormale... Encore moins de ses tremblements qui, dans le même temps, se transformèrent en une motivation supplémentaire.

Mais Liam, plus que fébrile, ne tenait pas debout... Et Théo s'en rendit rapidement compte. Le cœur battant à tout rompre, il ne réfléchit pas à ce qui pourrait expliquer précisément cet état de fait. A la place, il le porta et l'emmena sans hésitation hors de cette maison dans laquelle l'air lui était difficilement respirable. Une fois au volant de sa voiture, Liam à l'arrière, Théo démarra en trombes.

Behind His MaskOù les histoires vivent. Découvrez maintenant