Il était une fois une fille et un garçon qui s'aimaient très fort. Un jour, le garçon dit à la fille :
– Oh, mon amour, épouse moi. Je ne puis vivre sans toi.
Et la fille pleura de joie, lui sautant au cou. Ils étaient heureux, fiancés et amoureux. Mais une chose leur manquait : la richesse.
Le garçon venait d'une famille désargentée, et la fille était enfant de domestiques. Tous deux étaient tristes de ne pouvoir s'offrir un beau mariage et une belle vie, mais au lieu de considérer leur amour comme le seul véritable trésor qui suffirait à les combler, ils échafaudèrent un plan pour voler le plus riche de leur village.
Ce dernier était un vieillard solitaire qui vivait dans un château que l'on disait hanté. On racontait dans les rues que du temps de sa jeunesse, il avait combattu aux côtés du seigneur contre les envahisseurs barbares. Mais cela faisait des années qu'aucune âme ne l'avait vu sortir de chez lui. Personne ne savait comment il pouvait être si renfermé. Si mystérieux.
Par une froide nuit d'hiver, les deux amants s'introduisirent dans le vieux château par une fenêtre au carreau brisé. Ils avaient pour l'occasion revêtu leurs fins souliers qui glissaient silencieusement sur le sol. Aveuglés par leur amour et leur désir de fortune, ils ne virent pas le hibou aux plumes noires et aux yeux rouges perçants qui les observait depuis la branche d'un chêne.
Ils déambulèrent dans les innombrables couloirs de l'immense demeure, à la recherche de quelques pièces d'or. Plus d'une fois, ils en trouvèrent : une petite bourse sur une étagère sombre, une petite pile sur le rebord d'une vitre, quelques centimes encore, brillants dans le noir, sur une cheminée éteinte. Jamais ils ne se restreignirent et ils prirent tout. Ils amassèrent bien plus que ce dont ils n'avaient besoin et la fille déclara :
– Oh mon chéri, mon âme, ma vie, regarde ce butin. Nos noces seront à la hauteur de notre amour.
– Aucune richesse n'égalera la force du mien, rétorqua le garçon. Notre mariage prouvera à tous la puissance de notre amour, mais nous seuls le comprendrons jamais. Vite, allons-nous en.
Mais au moment où ils s'apprêtaient à sortir du château, une haute silhouette leur barra le chemin. L'homme qui se dressait devant eux était vêtu d'un curieux chapeau pointu et d'une cape noire qui descendait jusqu'à ses pieds, dissimulant l'entièreté de son corps.
Les deux amoureux étaient pétrifiés et le garçon entoura de ses bras les épaules délicates de sa belle. L'air se fit encore plus froid qu'il ne l'était déjà.
– Qui ose déranger la paix de ma demeure ? dit l'homme d'une voix tonitruante.
Et la chouette noire vint nonchalamment se poser sur son épaule droite.
– Nous... Nous...
Le garçon ne put que bafouiller, tremblotant.
– Nous sommes profondément désolés, se lamenta la fille. Nous ne voulions vous causer aucun tort...
– En vous introduisant chez moi ? Quelle impertinence.
L'homme avança d'un pas qui raisonna dans la pièce froide. Un fin rayon de lune qui traversait la fenêtre vint alors éclairer ses yeux : ils étaient petits, rouges, menaçants et l'on aurait dit qu'ils pouvaient lancer des éclairs. Ses sourcils fournis étaient froncés tout comme son front qui se plissait sous l'effet de la fureur.
– C'est que, mon seigneur, continua la fille terrifiée, nous sommes fiancés, et... et nous avons besoin d'argent pour notre mariage. Comprenez, mon seigneur, que nous sommes défortunés, et que nous avons besoin de ces quelques pièces d'or pour...
– Ces quelques pièces d'or ? s'indigna l'homme de toute sa hauteur. Alors que vous m'avez pris une somme considérable ? Moi qui ai eu la bonté de vous en offrir à plusieurs reprises, vous avez eu l'aplomb de tout prendre !
– C'est vous qui aviez...? Oh, mon seigneur, comme nous sommes désolés ! Si nous avions su, nous ne vous aurions point fait tel outrage...
– Taisez-vous.
L'homme fulminait, tremblait de rage. Son aura menaçante paralysait les amoureux.
– Pour l'amour du ciel, supplia le garçon.
– Le ciel ne sera d'aucune utilité à des personnes incapables de résister à leur cupidité. Je vous tuerais bien ici et maintenant pour m'avoir fait telle offense...
Il les observa avec insistance, scrutant de son simple regard l'entièreté de leur être. Le garçon et la fille ne formaient plus qu'un, ainsi enlacés. Il aurait été impossible de les séparer par la simple force physique.
- Mais je vois bien que votre amour est puissant, continua l'homme mystérieux d'une voix plus grave.
Les deux amants posèrent des yeux plein d'espoir sur l'homme en le priant de faire preuve de clémence.
Mais, loin de se laisser attendrir par les fiancés, il dégagea son bras de sa cape. Il tenait en sa main une longue baguette crochue.
– Pour l'amour du Ciel. Pour l'amour de Dieu, répétait inlassablement le garçon.
Le sorcier maléfique arborait sur ses traits une expression féroce au moment où il déclama :
– Par les pouvoirs qui me sont conférés, je vous maudis. Je maudis vos âmes à se retrouver enfermées dans deux baguettes jumelles qui seront vouées à errer à travers les âges à la recherche de leur mage légitime, sans quoi vous ne serez jamais réunis dans l'au-delà.
Et tout à coup, le corps de la fille et du garçon s'effondra d'un même mouvement sur le plancher poussiéreux, laissant deux spectres translucides s'élevant un peu dans les airs les remplacer. Quand il se reconnurent, ils tentèrent immédiatement de s'enlacer, sans succès. Ils se passaient au travers sans jamais pouvoir se toucher.
– Vous serez séparés à jamais, leur dit le mage malfaisant. Du moins jusqu'à ce que deux sorciers qui s'aiment d'un amour aussi fort que le vôtre ne se retrouvent avec vous dans leurs mains.
Et sur ces mots, deux longues baguettes identiques apparurent devant lui. Les deux fantômes larmoyants, se promettant un amour éternel, essayant de se retenir l'un à l'autre, y furent aspirés par une lumière sombre.
L'homme put récupérer ses pièces d'or, qui ne représentaient qu'une infime partie de sa fortune, et retourna se coucher.
Les deux baguettes maudites passèrent les âges dans différents lieux et furent bien vite oubliées. Pendant des années, des décennies, des siècles, elles passèrent de main en main sans jamais trouver leur véritable propriétaire. Elles se séparèrent parfois pendant de très longues périodes, mais elles trouvèrent toujours le moyen de se retrouver. Il y a longtemps, on les appelait les baguettes qui n'avaient jamais trouvé leur sorcier et leur histoire devint une légende. La légende devint un mythe. Puis elle fut oubliée du monde sorcier.
De cette histoire ne demeure aujourd'hui que les deux âmes esseulées de deux amants désespérés, à la recherche de ceux qui leur permettront d'enfin se retrouver dans l'au-delà.
Pour toujours et à jamais.
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Ouvre les yeux | Dramione
Hayran Kurgu1997, manoir des Malefoy. Drago assiste impuissant à la scène qui se déroule sous ses yeux. Il regarde la sorcière à demi inanimée sur le sol, et dans ses yeux passe un petit éclair le temps d'une seconde, le genre d'éclat léger qui donne vie à une...