CHAPITRE 23

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CHAPITRE 23 - Entre Fièvre et Frissons

Quand je reprends conscience, j'ai l'impression de flotter sur un nuage. Je me sens légère et lourde à la fois, lucide et complètement endolorie. En tournant les yeux, je découvre qu'un bandage a été enroulé autour de mon épaule, et des odeurs d'herbes médicinales et d'huiles assaillissent mes narines.

Je me trouve dans une chambre modeste, baignée par la lumière tamisée du soleil couchant. Les murs ocres, le mobilier en grès et le sol couvert d'une fine couche de sable me font me demander si les dunes du Sahara auraient éternué ici.

Je tourne lentement la tête et découvre Dagen à mon chevet. Sa tête repose dans ses bras croisés sur mon lit, et son souffle lent m'indique qu'il dort profondément. Ses ailes détendues sont ouvertes autour de lui, comme un voile qui aurait chuté majestueusement sur le sol.

Il a surement veillé sur moi jusqu'à s'endormir d'épuisement. Cette vision m'attendrie et j'essaie de ne pas le réveiller en me redressant un peu. Mon épaule me tiraille légèrement, mais la douleur est gérable.

A côté de moi, sur un petit tabouret, repose une fiole au liquide ambrée. Mon instinct me dit que c'est un remède, alors je l'attrape et le bois cul sec. Le liquide gras et puissant me racle la gorge, et je ne peux m'empêcher de tousser dans mon poing. Dagen ouvre un œil.

- Tu es réveillée ? demande-t-il d'une voix rauque.

- Non, seulement somnambule, je retorque.

Il ne rit pas. Au lieu de ça, il s'étire, poings vers le haut, en poussant un soupir. Son ventre musclé se contracte et ses hanches poussent vers l'arrière. En baillant, il me lance un regard assombri par le fusain, mais adoucit par ses yeux encore endormis et son expression concernée.

- Tu as l'air d'aller un peu mieux, tu as repris des couleurs.

- Je suis métisse, Dagen. J'ai toujours des couleurs.

Il m'offre un sourire.

- Tant mieux.

Il ajoute après un silence :

- Tu as dormi trois jours. Tu aurais dû nous dire que tu étais blessée.

Quand il se penche en avant, je retiens mon souffle et sa joue se pose contre mon front pour en prendre la température. Elle est tiède et plus molle que je ne le pensais.

- Tu es encore chaude. Tu dois avoir faim, non ? Comment te sens-tu ? demande-t-il en se rasseyant et en croisant les bras sur son torse.

Mon sourire lui dévoile toutes mes dents, et j'écarte les bras au-dessus de ma tête, ne me rappelant déjà plus de la moitié de ses questions.

- Je me sens bieeeeeeen. Et..., je pose un doigt sur ma lèvre pour réfléchir. Un peu... shootée.

Son regard se pose sur la fiole vide à mes côtés et ses doigts viennent masser l'arrête de son nez aquilin.

- Le Guérisseur m'a prévenu que tu réégaierais sûrement ainsi. Etant humaine, tu es plus sensible aux potions et aux baumes de soins que nous fabriquons. Il se peut que, pendant les prochaines heures, tu te sentes un peu... guillerette.

- Guillerette ? je demande, appréciant le son que fait ce mot dans ma bouche.

- Oui. Je te garde en observation le temps que les effets se dissipent complètement.

Effectivement, je me sens flotter, légère comme une plume, mes pensées tourbillonnant dans un kaléidoscope coloré. Je pose le dos de ma main sur ma joue brûlante, et la laisse remonter pour frotter mon front moite, puis j'écarte mes cheveux épais de mon visage.

- J'ai chaud, Dagen. Il fait trop chaud, ici, je déclare d'une voix cotonneuse, mes mots se perdant dans l'étreinte moelleuse de la drogue.

Mes doigts cherchent maladroitement l'ouverture de la chemise que je porte, tandis que la chaleur étouffante picote et embrase ma peau.

Dagen, imperturbable, tente de contenir le désordre qui s'installe, mais ses efforts se heurtent à ma confusion grandissante. Il pose ses doigts sur mes mains pour en arrêter le mouvement au moment où j'allais défaire le bouton qui allait dégager ma poitrine.

- Neera, tu ne devrais pas..., commence-t-il, mais ses mots se perdent dans le tumulte de mes gestes désordonnés.

- Quand on s'est rencontrés, tu as dit que mes seins étaient... quoi déjà ? Un peu « lourds ». Tu ne les trouves pas jolis ? Tu ne veux pas les voir ?

Pour la première fois, je remarque qu'une teinte rouge empourpre le haut de ses pommettes et le bout de ses oreilles pointues.

- Oui, non, enfin..., il butte sur les mots et se frotte le visage avec ses mains. Ce n'est pas ce que je voulais dire. Pardonne-moi si mes mots t'ont blessé. Je pense que tes seins sont... très beaux.

D'un geste nerveux, il se gratte l'arrière du crâne, ce qui a pour effet d'ébouriffer ses cheveux d'ébène. Une vague de rire incontrôlable me submerge et résonne la nuit, comme des étoiles filantes dans le ciel obscur.

- Dagen, pourquoi le monde tourne si vite ? articulé-je entre deux éclats de rire, mes yeux embués de larmes de joie.

Il me regarde, un mélange d'amusement et de préoccupation dans ses prunelles sombres.

- Parce que c'est la vie, Neera, répond-il simplement, sa voix douce comme une caresse dans la brise nocturne.

Je hausse un sourcil et enfonce mes poings dans mes couvertures.

- Tu m'appelles Neera tout à coup.

Son corps a un mouvement d'arrêt, et il lève les yeux pour réfléchir.

- Tu as raison, je n'avais pas fait attention. Tu préfères que je revienne à « humaine » ?

Je pose un index contre ma joue et mes lèvres se pincent.

- Hum, j'aime bien le son de mon nom dans ta bouche. Mais je dois avouer que la façon dont tu m'appelles « humaine » est très... sexy !

Ses yeux s'assombrissent, et lui qui est d'habitude si loquace ne répond rien avant un moment. Puis, il se penche légèrement en avant, et son odeur de fumée et d'épices prend le pas sur celles des soins qu'on m'a administré.

D'une voix rauque, il articule :

- C'est noté.

A suivre

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A suivre...

Destinées Temporelles | T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant