Destinées Temporelles | T1

CHAPITRE 24

CHAPITRE 24 - Trois Questions

Alors que la fièvre éclaire mes pensées de lueurs aussi colorées que des sucres d'orge, je me sens prise d'une soudaine curiosité délirante. Mes yeux se fixent dans ceux de Dagen et je lui demande d'une voix forte :

- Dagen, est-ce que tu peux te transformer en corbeau ?

Surpris par ma question soudaine, il se laisse retomber dans le dos de sa chaise et ferme les yeux.

- Les jeunes apprentis de notre clan peuvent prendre l'apparence d'un corbeau. Mais une fois chef, nos ailes se manifestent et l'intégralité de nos pouvoirs se réveillent, nous privant de cette capacité.

Comme pour appuyer ses propos, ses ailes gigantesques s'ouvrent derrière lui et battent dans le vide, balayant mes cheveux de mon visage et faisant se renverser la fiole vide sur la table de chevet.

Je me demande jusqu'où vont ses pouvoirs, jusqu'à quel point un chef de clan est puissant. Mais je me contente de faire la moue pour le moment.

- C'est dommage, je murmure. J'aurais aimé te voir changer de forme.

Il incline la tête sur le côté en croisant les bras sur sa poitrine.

- Alors, d'autres questions te brûlent les lèvres ? Profites-en, je suis d'humeur généreuse.

Mon visage s'éclaire d'un sourire radieux et je me lance :

- Quel âge as-tu exactement ?

- Trop vieux pour que cela reste poli à demander.

- Pourquoi es-tu devenu un Corbeau Carnassier ?

- Ce n'est pas quelque chose qu'on devient. On naît avec cette destinée.

Sa voix se teinte d'une sorte de chagrin, me forçant à faire une brève pause avant de continuer d'une voix plus tempérée :

- Penses-tu que ton monde est juste ?

- Non.

- Quelle est la chose que tu détestes par-dessus tout ?

- Les biscottes, lâche-t-il comme si de rien était.

Un éclat de rire s'échappe de mes lèvres.

- Tu dis ça parce que tu n'as jamais testé, je ricane.

Il secoue la tête, un sourire espiègle ourlant ses lèvres.

- Peut-être. Tu me feras goûter quand nous retournerons chez toi, alors.

Je ne dis rien pendant quelques secondes. Retourner chez-moi ? Est-ce envisageable ? Quand cette quête des pierres du Temps prendra fin, vais-je rentrer chez moi ? Et... le Royaume des Mortels est-il toujours « chez-moi » ? Je n'en sais rien. Et mon esprit est trop embrumé pour y réfléchir pour le moment.

D'une voix mal-assurée, je pose la question suivante :

- As-tu déjà songé à partir t'installer au Royaume des Mortels ?

Il marque une pause, pesant ses mots, et je me redresse sur le lit.

- Parfois, l'idée me séduit. La vie y semble plus simple. Mais je pense qu'on ne peut jamais fuir les problèmes. Aucun monde n'est parfait, alors il faut simplement faire face.

Je ne réponds pas tout de suite, touchée par ses mots. Il brise le silence :

- Une dernière question, Neera. Après quoi, ton temps sera écoulé et ce sera à mon tour de te questionner.

- Il faut que ce soit une question importante, alors...

- Tout à fait.

J'ai envie de lui demander comment s'appelait son amour de jeunesse, ou que ferait-il s'il n'était pas chef des chevaliers et de son clan. Au lieu de cela, une question que je me pose depuis longtemps prend le pas sur les autres et résonne dans la pièce.