Chapitre 17

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La fenêtre du petit dortoir était condamnée par de solides barreaux. La pièce était plongée dans le noir et, depuis un moment déjà, tout le monde dormait. La journée avait été longue ... éprouvante, et pourtant si belle.

Dehors, soufflait le vent discret d'une nuit d'été. La lune était mince et il faisait noir ; plus une ombre ne se glissait le long des taudis de terre cuite. Lui seul veillait, debout devant la lucarne. Tout le jour durant, il n'avait cessé de penser à elle, de ressasser sans fin ces quelques heures passées à ses côtés.
Il ne pouvait dormir. Il avait l'impression qu'il ne pourrait plus jamais dormir, tant il était excité ... tant il était heureux. Le temps s'écoulait en silence et il restait là, le regard perdu dans le vide, fantasmant quelques escapades sauvages au cœur d'un désert étoilé.

Il saisit un barreau, le serra au creux de sa main. Comment une si petite chose pouvait-elle ainsi le retenir prisonnier ? Cette force qui, au fond de lui, flamboyait en silence ... ne pouvait-elle le porter vers d'autres horizons ? Il se sentait libre, essentiellement, profondément libre malgré les chaînes qui enserraient sa vie. Et sûrement était-il, en cela, différent des autres. Les gladiateurs étaient braves, certains semblaient ne rien craindre -pas même la mort- mais quelque chose, en eux, avait capitulé. Quelque chose s'était éteint.

Il inspira profondément. Ce sourire, ce maudit sourire ne voulait quitter son visage. Quelle bêtise ! Il se trouvait ridicule ... mais puisque personne ne le voyait, à quoi bon se l'interdire ?

Dehors dans la ruelle, une ombre traversa les ténèbres. Était-ce sa bien aimée qui, en pleine nuit, venait à sa rencontre ? Il sourit encore, amusé par sa propre candeur, et sortit de sa tunique la petite pièce de tissu. Depuis ce jour, dans la grotte, pas une fois elle ne l'avait quitté. Puisque c'était tout ce qu'il lui restait d'elle, il la chérissait comme son bien le plus précieux. Avait-il perdu la raison pour de bon ?

Il soupira. La nuit était bien avancée et il ne tarderait à se lever pour, à nouveau, connaîtrait une longue marche ... avant d'avaler une entière journée d'entrainement. Mais comment s'endormir, alors qu'il frissonnait tout entier ? Il se recula et, sans un bruit, alla s'asseoir sur sa couche.

Quelques heures, à peine, le séparaient encore d'elle. Allait-il rêver, allait-il revivre ce qu'il avait vécu au matin ? Il eut l'impression que jamais le sommeil ne le prendrait. Il avait bien trop de choses à imaginer, trop de choses à vivre et revivre sans fin.

Allez Laaov, se raisonna-t-il, dors.

Emeryde, tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant