Chapitre 1 - mai 2027

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PARTIE 1

   Je frotte mes mains et je regarde partout. Le couloir est sombre. Personne ne m'a vu, c'est une certitude. Je baisse la tête et regarde le corps que je viens de priver de vie. C'est grossier. Il ressemble à un pantin délaissé par un gosse qui aurait grandi sans se rappeler de son jouet. Je retire mes gants et allume une cigarette. J'approche mes gants et le bâton de nicotine de ma bouche en mettant feu aux trois en même temps. Les flammes commencent à danser devant mes yeux. C'est joli. Les couleurs se dégradent, semblent danser les unes contre les autres. Elles mènent leur tâche ingrate avec cette insolence dans leur spectacle macabre que j'aime tant.

   Je jette mes gants sur le cadavre et avance hors du couloir, fuyant rapidement l'odeur de sang et de chair brûlée que je ne connais que trop bien. J'enfonce mon casque un peu mieux sur mes oreilles et la voix grave de NF m'envahit un peu mieux. Je remonte dans la maison du nouveau mort, prends la porte arrière pour sortir tranquillement sans prendre de risque et je m'enfonce dans la rue. Je peux sembler bizarre et mon acte peut paraître impitoyable. C'est pour cette raison que ma voix résonne dans ma tête : "Je suis une personne normale. Et le monde est débarrassé d'un violeur". Puisque la justice l'a déclaré innocent malgré toutes les preuves, et que j'ai reçu une bonne somme d'argent pour ce boulot, je suis devenu à mon tour La Justice. Je dois la faire exister, lui rendre une dimension dont personne ne semble avoir conscience.

   Je rentre dans ma petite maison et m'allonge sur le canapé. Au début, tuer me faisait bizarre. J'ai commencé ces petites activités à cause de la rage provoquée par le monde dans lequel je vis. J'ai arrêté de trouver ça bizarre quand j'ai eu affaire à la pire ordure possible : une femme qui avait tué un bébé de deux ans car il pleurait. C'était sa nourrice. Elle a pris le bébé et l'a plongé dans une baignoire, jusqu'à le laisser se noyer, devant les yeux de sa grande sœur qui n'avait alors que sept ans. Aux yeux de la justice, c'était un accident. Personne n'a cru la pauvre enfant qui était traumatisée. On disait qu'elle avait dû voir des films interdits pour son âge, ou que son imagination était débordante. Ils l'ont emmenée chez un psy. C'est tout. Et la femme, elle... Ils ont prétendu qu'elle avait pris le bébé, et l'avait fait tomber dans la baignoire, il était donc mort sur le coup, d'un choc à la tête. Evidemment, elle a été renvoyée et a dû payer cher mais bordel. Un enfant, une vie, un Homme, ça ne se paye pas avec de l'argent mais avec sa propre vie. A partir de ça, j'ai commencé à comprendre que ce monde ne tournait pas bien. Et je n'ai plus honte de mes activités.

   Je me redresse pour jeter ma cigarette et j'attrape mon ordinateur portable pour le poser sur mes genoux. Je me connecte à mon second bureau, un peu plus caché que celui de l'étudiant que je peux aussi être. Je me connecte donc à mon réseau de petit marché. J'ai reçu deux messages de remerciement, un d'un client fidèle (il est policier mais ne parvient pas à trouver juste les jugements judiciaires) et un de quelqu'un que je ne connais pas : chris_b_ch. Je clique sur le message, intrigué, et commence à lire.


chris_b_ch <Qu'est-ce qui me garantit votre statut ? Vous êtes peut-être une fraude engagée par la police.

Moi >Je ne vous demande pas de me faire confiance. Je ne vous demande rien, en fait.

chris_b_ch <J'aimerais, pourtant, vous faire confiance.

Moi >Peut-être souhaitez-vous une photo de mes cadavres ?

chris_b_ch <Ne prenez pas cet air cynique.

chris_b_ch <Je paye avant ou après votre travail ?

Moi >D'abord décrivez-moi la situation...


   Je souris devant nos messages. Un nouveau client. Une nouvelle somme et une nouvelle injustice à réparer. 

The shadow in our eyesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant