BEHIND - Tome 1. The Wicked Game

1 - Virée Shopping

Cassie

— Tu es certaine que je suis obligée de venir ?

Je traîne des pieds jusqu'à la Chevrolet Cruze rouge cajun de ma cousine.

— Allez, Cassie, on va s'éclater. Je te parie qu'une fois là-bas tu ne voudras plus repartir.

À sa place je ne mettrais pas d'argent en jeu, car je n'ai jamais aimé les journées shopping. Et ce n'est pas aujourd'hui que cela va commencer. J'ouvre la portière côté passager, me penche vers l'habitacle et tente dans un dernier espoir :

— Heather pourrait peut-être t'accompagner ?

Cette virée ferait, sans aucun doute, plus plaisir à sa meilleure amie qu'à moi.

— Elle est partie en vacances chez un oncle et...

Elle s'interrompt, tourne la tête vers moi, baisse ses lunettes de soleil sur le bout de son nez, m'offrant une vue parfaite sur ses yeux gris qui m'indiquent qu'elle n'est plus encline à discuter. Ses mots me le confirment :

— Je comprends que tu essaies de trouver une échappatoire, Cassie, mais c'est toi que je veux. Ne cherche pas d'excuse et monte !

Je souffle, mais abdique. Je me glisse sur le siège et me concentre sur le pare-brise en priant pour que cette balade ne s'éternise pas.

— En plus, j'ai des choses à te raconter... ajoute-t-elle malicieuse juste avant de démarrer la voiture et la climatisation par la même occasion.

Son enthousiasme m'interpelle. Il faut dire que depuis mon arrivée, il y a huit jours, je n'ai quasiment pas vu Amy sourire une seule fois. Ce qui est complètement à l'opposé de sa personnalité d'ordinaire très enjouée, à la limite de l'exubérance. Et parfois même, selon mes critères, fatigante. Son changement d'état se justifie par sa rupture brutale avec son ex-petit copain, le mois dernier. Une histoire dont elle m'a parlé durant des heures et dont, par conséquent, je connais désormais les moindres détails. Et je m'en serais bien passée...

— Tu me sembles bien joyeuse ? l'interrogé-je alors qu'elle bat en rythme contre le volant et chante « Sweet but psycho » d'Ava Max.

— Si tu étais à ma place, toi aussi tu aurais le sourire jusqu'aux oreilles...

Elle marque une pause, pousse un léger soupir satisfait puis poursuis :

— Hier soir, c'était de la folie !

— Tu me parles bien de la soirée où tu ne voulais pas aller ? répliqué-je sourcils froncés.

Elle râlait à l'idée de se retrouver entourée des, je cite, « filles banales de son école », ce qui pourrait porter préjudice à sa popularité. Et d'autres âneries que je n'ai même pas pris la peine d'écouter tant ses plaintes superficielles me dépassent. Moi, j'ai plus eu l'habitude d'être du côté de celles que l'on n'invite pas du tout.

— Et ça aurait été une belle erreur ! concède-t-elle au moment où elle immobilise la voiture à cause d'un embouteillage.

La circulation intense est courante dans cette ville de Long Beach, comme dans toutes celles du comté de Los Angeles. Les véhicules qui lambinent cul à cul, je connais parfaitement, car Paris était première mondiale dans ce domaine, mais d'après un article que j'ai lu avant mon départ, la Cité des Anges l'a détrônée. C'est bien ma veine.

Je me détourne pour observer les immenses palmiers qui bordent la route, ils dissimulent à peine les buildings de verre, si typique de ce pays. Un rapide coup d'œil dans le sens opposé, le front de mer, et je me perds quelques instants dans l'horizon qui offre un étonnant dégradé de bleu. Voilà ce que j'apprécie le plus dans cette ville balnéaire de Californie, connue pour ses plages s'étalant sur des kilomètres. Trois années sans y mettre les pieds, autant dire que depuis quelques jours je me gave de ce paysage dès que l'occasion se présente et m'impatiente de trouver l'opportunité de venir y flâner, pieds nus dans le sable.