BEHIND - Tome 1. The Wicked Game

24 - Contact

Cassie

La série de reproches que je m'attendais à recevoir n'arrive finalement pas. Charly ne décroche pas un mot, hormis pour héler un taxi. Je m'installe sur la banquette, suivi par Addison, notre patron ferme la danse. Le savoir à la distance la plus éloignée que cet espace exigu nous le permet me soulage. Mes doigts se posent sur la carte dont les rebords paraissent à travers la finesse de mon pantalon et je repense à ma conversation téléphonique avec Amy. Quand elle va apprendre que Callan Hastings m'a donné son numéro, elle risque d'être foudroyée par une syncope !

Le trajet me semble indéfiniment long. Seule la voix de ma concurrente résonne dans l'habitacle, nous chantant les louanges du boxeur. Je crois qu'elle est sous le charme. Un coup d'œil vers Charly me confirme que toute cette ferveur autour d'un autre homme que lui l'agace prodigieusement et une partie de moi jubile.

Un point partout, mon cher ! Il faudra bien te rentrer dans le crâne que le monde ne tourne pas autour de ta petite personne !

Ses doigts martèlent nerveusement sa cuisse, sur laquelle son poing se comprime par intermittence. Sa langue claque à plusieurs reprises, dans le but, je suppose, d'inciter Addison à la boucler. En vain.

Notre arrivée à l'hôtel nous délivre de cette promiscuité étouffante.

Alors que nous pénétrons tous les trois dans l'ascenseur, ma concurrente qui depuis ce soir agit plus comme une coéquipière, se penche vers moi et me confie :

­­— Je crois vraiment que tu lui as tapé dans l'œil. Il faut reconnaître que vous formeriez un couple d'enfer.

— N'importe quoi ! proteste Charly, si rapidement que je n'ai pas le temps de réagir.

Je le regarde, dubitative, mais il m'ignore ouvertement et enchaîne à l'attention d'Addison :

— C'est un potentiel client ! Puis tu sembles oublier qu'elle n'a pas encore vingt ans et qu'il approche de la trentaine...

— Et alors ? réplique du tac au tac miss Barbie. Où est le problème ?

— Il est beaucoup trop vieux pour elle ! s'énerve-t-il. Il ne voit en elle qu'une jeune proie malléable et facile à croquer.

Ses mots sont douloureux à encaisser, ils me renvoient au soir de notre rencontre lorsqu'il a insinué que je n'étais qu'une gamine...

— Eh, oh ! Au cas où vous ne l'auriez pas remarqué, je suis là ! m'indigné-je en agitant les bras pour leur signaler physiquement ma présence. Ayez au moins l'obligeance d'attendre d'être dans votre chambre pour poursuivre cette discussion stérile.

Les poings serrés, je me détourne vers les battants en acier désespérément clos. Dans les secondes qui suivent, l'ascenseur s'immobilise en même temps que le « ding » libérateur retentit. Je m'échappe en balbutiant un simple « au revoir » sec et vide d'intention. Ma chambre se trouvant la plus éloignée, je presse le pas dans ce couloir interminable.

Arrivée devant la pièce tant convoitée, j'entreprends de fouiller mon sac à la recherche de la carte magnétique qui me permettra d'y entrer. Mon énervement me ralentit. Une porte claque derrière moi dans le même temps que je déniche le fameux sésame que je m'empresse de passer devant le lecteur. La main encore tremblante au-dessus de la poignée, je m'immobilise. Mes pulsations s'emballent, ma respiration se bloque, je me retiens d'achever l'ouverture de la porte, car je ressens une présence dans mon dos. Je reste figée par l'imposante carrure, si proche, qui me domine, comme si un étau se resserrait autour de mes bras.