Derrière le viseur optique, l'éclat ambré de son œil crépitait d'un intérêt vif. Il suivait les mouvements amples du garçon, s'attardait parfois sur son visage, parfois sur son torse, ses mains longues, fines, presque délicates. Thomas, dévoré par une concentration inépuisable, ajusta la mise au point de son appareil, ciblant de son cadre le regard noir du coureur. Il dut rectifier sa position, sa langue pâteuse et sa respiration chaude avaient altéré la prise de ses mains sur son outil. Ses yeux, divaguant le long de la morphologie du garçon, avaient peu à peu délaissé le viseur. Une sensation électrique le frappa en plein fouet quand, son œil regagnant la vitre de son appareil photo, il aperçut le sportif le guetter avec insistance depuis son terrain d'entraînement. Thomas n'esquissa aucun geste, il observa simplement l'adolescent le rejoindre, prudemment caché par l'écran. Le blond s'arrêta en face de lui, son admirateur, forcé de baisser sa boîte métallique, étira ses lèvres en un sourire aguicheur.
« Pourrais-je voir tes photos, s'il te plaît ? »
Sa voix était suave, son timbre chaud. Elle n'atteignait pas les graves de celle du photographe, mais elle avait le don de l'ensorceler de plaisir.
« Oui, bien sûr. »
Il tendit son précieux journal intime, le coureur le saisit d'une main délicate, comme s'il avait compris tout l'attachement qu'il éprouvait pour cet assemblage de mécanismes. Le garçon fit défiler les photos. Ses joues rougissaient au fur et à mesure de ses découvertes, il pressait le bouton en tremblant légèrement, la bouche perturbée par un sourire qu'il se défendait de laisser paraître. Thomas se délecta de ses yeux obscures qui détaillaient ses œuvres, de ses mèches blondes qui les encombraient à chaque fois qu'il inclinait le menton. Des secondes passèrent, le blond, pris de timidité, remonta son regard dans le sien d'une atroce lenteur.
« Tu... Tu ne photographies pas les autres...? bredouilla-t-il d'une octave plus aiguë.
— Je suis bénévole pour ce marathon là, je n'ai pas d'ordres concernant le sujet de mes photos. Je prends uniquement ce qui me plaît.
— M... Mais... dit-il encore, le visage à présent rouge. Il, enfin... il n'y a que moi... »
Il parcourait une seconde fois les photos, le regard vacillant entre chaque plan, chaque sujet mis en valeur.
« Ici, mon visage... là, mes jambes... cita-t-il doucement, scrutant simultanément les clichés. M... Mon torse... ou encore mes yeux... je, enfin... je ne comprends pas... »
Thomas reprit doucement son appareil, le contact ferme de ses doigts sur les siens fit frémir le blond.
« Tu es le plus intéressant à capturer, ici. justifia-t-il calmement. J'aime la façon dont s'exprime ton visage, j'aime la façon dont tu mets en mouvement tes jambes, leur grâce, leur allure. J'aime la façon dont tu portes ton torse, la façon dont il maîtrise ton souffle. J'aime la façon dont tes yeux brillent, la façon dont ils rejettent ta détermination et ta passion. J'aime la façon dont est construit ta silhouette, la longueur de ton corps, sa finesse. Avec toi, la course paraît semblable à un art. »
Les yeux du garçons avaient grossi, il observait Thomas en balbutiant des sons sans mots. Sa voix céda lorsqu'il prononça, tout retourné : « Co... Comment t'appelles-tu ?
— Thomas. Mais tout le monde m'appelle Tom. »
Le blond eut un court sourire, dans lequel ressortait toute l'intimidation qu'il éprouvait.
« En... Enchanté, Tommy... rosit-il encore, ne le quittant plus des yeux. Je... Je m'appelle Newt... Enfin, Newton... Mais on m'appelle Newt... »
Thomas échappa un léger gloussement.