Samedi 22 juin 1940, Vorselanges.
Fortement troublée par le mot trouvé sur la table ce matin sur ma table de petit-déjeuner, je serre brusquement les freins de ma bicyclette pour ne pas heurter un camion militaire sur ma route pour me rendre au pré.
- Scheiße ! crie un soldat en sortant du véhicule.
Le pauvre a l'air vraiment paniqué.
- Fräulein, tout va bien ?
Je secoue la tête pour me remettre les idées en place puis lui sourit vaguement.
- Oui pardon, répondis-je naturellement comme si ma rancœur envers eux s'était soudainement envolée.
Le visage de l'allemand retrouve des couleurs.
- Gut, attention pas être trop dans la Lune, comme vous dites en France.
Il ricane gentiment puis repart en me saluant d'un geste de la main. Je me demande, parfois, ce qui ne tourne pas rond chez moi.
Sans m'attarder plus longtemps, je reprends mon cheminement, traversant tout le village pour gagner les chemins de campagne. Je sillonne à présent les champs, inspirant de grandes goulées d'air chargées de l'odeur de terre humide, de paille et de primevère bordant les arbres à l'orée du pré.
Je poursuis sur quelques mètres avant d'apercevoir les trois canassons broutant paisiblement l'herbe haute. Je stationne ma bicyclette dans un coin et m'avance jusqu'à la barrière de la pâture.
Un des équidés, celui à la robe alezane, relève la tête vers moi avec intérêt lorsque j'approche. Ses oreilles pivotent vers l'avant et il avance vers moi en hennissant.
Je lui gratte la tête quand il arrive à ma hauteur, me surplombant de sa majestueuse silhouette.
«Eh bien, tu m'as l'air en forme mon vieux » lui dis-je comme s'il allait me répondre.
Je ne m'attarde pas davantage en caresses, même si cela me plaît plus que de ramasser le crottin, et retourne vers la cabane pour extirper le matériel dont j'ai besoin.
Sous l'ascendance du soleil brûlant, je m'active énergiquement, maniant la fourche pour nettoyer le crottin, retapissant de la paille sur le sol de la modeste écurie, sans oublier de remettre de l'eau propre dans les abreuvoirs et de l'avoine dans les mangeoires.
Tout cela me prend une bonne partie de la matinée si bien que le soleil termine sa course au zénith lorsqu'enfin je range le matériel. Je pioche une pomme dans mon sac et la tends au percheron. Je prends le temps de caresser sa crinière comme il croque le fruit dans le creux de ma main. Il n'y a pas de mots pour décrire à quel point ces moments passés auprès des animaux me ressourcent profondément, le simple fait de les observer vivre paisiblement dans leur pré m'apporte un bien-être salvateur.
Plongée dans ma bulle, je n'entends qu'au dernier moment le moteur d'un véhicule sur la route jouxtant le pré. Je ne prends pas la peine de me retourner, préférant prolonger ma contemplation des chevaux.
Une portière claque et des bottes frappent la route.
- Was machen Sie hier? me hèle une voix germanique que je crois reconnaître.
Mes doigts moites glissent sur le rondin de bois de la barrière et je me tourne en direction de l'arrivant. Je tombe nez à nez avec le jeune Caporal que j'avais brusquement quitté hier après mon humiliation à la Kommandantur.
- Oh Alice, c'est vous.
Le soldat ôte calmement son képi, découvrant sa masse de cheveux châtains. Je ne relève pas le fait qu'il vienne de m'appeler par mon prénom comme si nous nous connaissions depuis des mois et me détends devant son sourire.
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À Ceux Qui Nous Ont Offensés
Historical Fiction1940, Vorselanges, Bourgogne. Alice mène une vie paisible jusqu'au jour où les Allemands envahissent son village et sa maison. Elle, qui les déteste, se rendra vite compte que de la haine à l'amour, il n'y a qu'un pas. " Méfie toi de tout le monde...