CHAPITRE I

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Mercredi 19 juin 1940, Commune de Vorselanges, Bourgogne.




Assise sur la chaise en bois derrière mon bureau, je scrute le journal posé négligemment devant moi. En majuscules noires, en première page à la une, le titre de l'article se veut percutant.

« Le Général de Gaulle appelle à la résistance depuis Londres après le discours défaitiste du Maréchal Pétain ».

La presse n'avait pas perdu de temps pour éditer le message radiodiffusé hier sur toutes les ondes françaises. Je prends mon visage entre mes mains en fermant les yeux. Qu'allait-il advenir de notre cher village ?

Mes réflexions se trouvent rapidement interrompues par un coup donné sur la porte de mon bureau. D'un geste éclair, je saisis le journal posé devant moi pour le glisser dans mon tiroir que je ferme instantanément.

Je me racle la gorge.

- Entrez !

La porte s'ouvre sur monsieur Larcher.

- Madame Timonier pour ses papiers de mariage, je la fais entrer ? Me demande-t-il en arborant un sourire chaleureux comme à son habitude.

- Oui bien sûr.

L'homme d'une soixantaine d'années m'avise d'un œil inquiet.

- Vous êtes certaine que vous allez bien Mademoiselle Morange ?

Je ne savais pas moi-même si j'allais bien ou non.

- Oui monsieur le Maire, ne vous en faîtes pas, répondis-je simplement.

- Les nouvelles ne sont pas bonnes, mais il faut tenir le coup mon p'tit.

J'acquiesce en souriant avant de positionner ma machine à écrire devant moi.

Il laisse entrer la femme dans mon bureau puis s'éclipse pour nous laisser seules.

- Bonjour Madame Timonier, que puis-je pour vous ?

Je place une feuille vierge autour du rouleau et mes doigts fins lévitent au-dessus des touches, prêts à taper avec frénésie.

Une demi-heure plus tard, après avoir supporté le vacarme assourdissant de la machine à écrire, je tends les documents fraîchement tamponnés du sceau de la Mairie de Vorselanges à la femme rondelette.

Elle me remercie vivement et mon sentiment de reconnaissance envers le maire croît davantage. Après l'obtention de mon diplôme de secrétaire de mairie, Monsieur Larcher a accepté de m'embaucher à temps partiel dans le service de l'état civil où j'exerce diverses tâches. Depuis le début de la guerre, le taux de demandes ne cesse d'augmenter bien que nous soyons un village de taille modeste démographiquement parlant.

Madame Timonier me salue avant de partir, son sac sous le bras et un chapeau vert émeraude sur la tête.

Par la fenêtre ouverte, les oiseaux sifflent gaiement de jolies mélodies annonçant l'été à venir et qui risque d'être très chaud. D'ailleurs, la température débute déjà son ascension depuis quelques jours. La météo s'accorde-t-elle avec la menace grandissante de l'ennemi ?

Je chasse ces idées de mon esprit avant de me lever en réajustant ma robe blanche à fleurs bleues. Au moment où j'attrape mon petit sac en cuir marron, les cloches de l'église tintent bruyamment annonçant 12h.

Mes souliers foulent les planches de bois de mon bureau pour me diriger vers la sortie et je prends garde de fermer à clés.

- A demain Mademoiselle Morange ! me salue le maire lorsque je m'apprête à franchir le seuil de la porte.

À Ceux Qui Nous Ont OffensésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant