Dimanche 14 juillet 1940, Vorselanges.
Je mets quelques secondes à percuter la situation dans laquelle je me trouve actuellement . Hélas, à peine, suis-je tournée que je me retrouve en face du démon, Dassler, un sourire sadique gravé sur les lèvres.
Mon organe vital palpite douloureusement, que dois-je faire ?
Animée d'un instinct de survie, je déforme ma bouche en un faux rictus avenant, prête à repousser poliment le SS.
- Pardon SS-Obersturmführer, je suis fatiguée alors...
- Préférez-vous que j'aille voir votre amie juive ? me coupe-t-il d'un calme glaçant.
Mon cœur tombe dans mon estomac. Ma bonne humeur redescend aussi vite qu'elle est montée, effaçant le sourire sur mes lèvres et annulant les effets euphoriques de l'alcool.
Je me fige instantanément, les yeux écarquillés, le souffle erratique. Mon corps, prêt à me lâcher, n'effectue aucun mouvement, bien trop choqué par ce que vient de dire le nazi.
La température a, soudain, chuté d'une dizaine de degrés autour de moi. Lentement, je lève le regard vers Dassler, son sourire démoniaque s'étirant davantage face à ma terreur. Impossible de fuir lorsqu'il attrape mon avant-bras pour me tirer vers lui, sa main gantée me broyant le poignet tant il y met de la force.
Je n'ose même pas imaginer les réactions des villageois autour de moi, et d'ailleurs je n'ai pas le temps d'y penser puisqu'en deux secondes, je finis quasiment collée au torse de mon bourreau. Horrifiée par la tournure des évènements, je remarque après coup qu'il a troqué son uniforme vert-de-gris pour un uniforme intégralement noir à l'exception de son brassard rouge pourvu de la croix gammée, sur lequel ma main est malheureusement posée, ou devrais-je plutôt dire, crispée. Les deux éclairs blancs du sigle de la SS se détachent nettement sur le fond noir de son col, comme s'ils étaient en relief pour mieux nous provoquer.
- Détendez-vous Alice, je ne vais pas vous manger, ricane-t-il en m'entraînant au son de la musique.
Je meurs d'envie de le frapper ou du moins le repousser mais chacun de mes membres se paralyse sous ses yeux bleus d'acier. L'allemand paraît jovial, presque galant, tout cela n'est que façade, et j'en veux pour preuve, la lueur cynique assombrissant son regard dénué d'humanité.
- A quoi jouez-vous ? Me prenez-vous pour une marionnette ?
Le SS me fait tourner puis me recolle contre lui d'une pression de la main dans le creux de mon dos. Pas assez fort pour que je souffre, mais suffisamment pour me faire comprendre que je dois me tenir à carreaux. Son parfum m'asphyxie tant je suis proche de lui.
Je lance un discret regard de détresse aux Vorselangeais entrant dans mon champ de vision, pour qu'ils sachent que je ne suis pas dans les bras de cet homme par plaisir.
- Nein, Fräulein. Vous êtes ma marionnette, répondit-il dans le creux de mon oreille en insistant sur le « ma ».
Le dégoût m'assaille alors, par réflexe, je tente de me reculer de lui, en vain. D'un geste brutal, il me ramène contre lui, son bras enserrant ma taille dans son étau et son autre main broyant la mienne. Comme un insecte qu'on écrase, il écrabouille mes doigts entre les siens, et je me demande si c'est physiologiquement possible d'avoir autant de puissance.
- Pourquoi moi ?!
Ma voix déchirée ne l'attendrit pas une seconde et je ne discerne pas une seule once de pitié dans son regard de glace. Au contraire, l'ourlet de ses lèvres renforce son sourire carnassier, je suis la brebis et lui le loup, je suis l'opprimée et lui l'oppresseur, je suis la femme française, il est l'officier SS.
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À Ceux Qui Nous Ont Offensés
Historical Fiction1940, Vorselanges, Bourgogne. Alice mène une vie paisible jusqu'au jour où les Allemands envahissent son village et sa maison. Elle, qui les déteste, se rendra vite compte que de la haine à l'amour, il n'y a qu'un pas. " Méfie toi de tout le monde...