Chapitre 3 (2/3)

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Contre moi, les poils se transformèrent en une peau brûlante, les muscles s'étirèrent pour retrouver leur forme humaine, une mèche de cheveux sombres me chatouilla la joue.

— Garde les yeux fermés.

Sa voix, rauque et délicieuse, me traversa toute entière. Je frissonnai en sentant ses doigts fins s'enfoncer dans la fourrure de mon cou. Il parcouru ainsi la presque totalité de mon corps, et je m'efforçai de garder les paupières baissées.

— Tu es belle.

Quand je le sentis caresser la partie basse de ma patte avant, je sus qu'il sentait le relief de sa marque du bout de ses doigts. La cicatrice était toujours aussi présente que le premier jour, et la trace de ses dents tout aussi visible. Aux yeux des autres, j'appartenais à l'Alpha des White Mountains.

Je fus à deux doigts d'ouvrir les yeux en sentant ses lèvres se poser contre. L'étincelle qui me parcouru de la tête aux pieds me laissa pantoise, et je sentis son sourire contre ma peau. Alors que je m'apprêtais à plonger mon regard dans le sien, à braver tous les interdits au détriment de ce délicieux moment, ses paumes recouvrirent mes paupières pour me garder dans le noir.

— Je t'en prie, Dalaena. Écoute-moi, pour une fois, et ne bouge pas.

Son ton, presque implorant malgré son apparence autoritaire, me brûla les entrailles comme si on y enfonçait un tisonnier chauffé à blanc. Pour toute réponse, je grondais doucement. Je n'étais pas une telle tête de mule, non mais.

En ne pouvant m'empêcher de sourire, je me transformais à mon tour. Ses mains recouvraient toujours mes yeux, mais je sentis les contractions involontaires de ses doigts contre mon visage. Je gardai scrupuleusement les paupières baissées. Si nos regards venaient à se croiser, nous étions foutus.

Mon corps nu totalement offert à son regard, je sentais ses yeux partout où ils se posaient. J'entendis son souffle se couper, puis son gémissement d'impuissance. Quand il posa son front contre le mien, avec une brusquerie qui le caractérisait si bien parfois, je souriais franchement.

— Tu joues avec le feu, souffla-t-il à quelques centimètres de mes lèvres. Tu joues dangereusement avec. Et tu prends du plaisir à me torturer de la sorte.

— J'adore ça, tu veux dire.

Quand ses lèvres fondirent vers les miennes, je n'attendais que ça. Nos langues se mêlèrent dans une danse qui remontait à la nuit des temps, nos cœurs battant à l'unisson. Lorsque ses mains glissèrent le long de mes tempes pour se perdre dans mes cheveux, je gardai les yeux fermés. Ce ne fut pas difficile, ses caresses étaient délicieuses et sa chaleur indescriptible.

Puis tout ceci fut stoppé net quand une violente bourraque de vent s'engouffra à l'intérieur de la tanière en sifflant. Comme deux enfants surpris en train de faire une bêtise, nous nous écartâmes en hoquetant. Je croisai ses magnifiques yeux, écarquillés pour le moment dans une expression qui mêlait à la fois la confusion et l'horreur.

Comme si une main titanesque et invisible s'emparait soudain de lui, Dorian me fut arraché. Sa chaleur laissa place à un froid terrifiant, et je me mis à trembler de manière incontrôlée.

Je voulus tendre les bras dans l'espoir de le retenir, mais mon corps soudain paralysé m'en empêcha, exactement comme si des liens invisibles m'enserraient jusqu'à m'en couper la respiration.

Malgré le vacarme assourdissant du vent, j'entendis avec clarté le grondement que Dorian émit. Comme si quelqu'un le tirait par une cheville depuis une autre entrée, il fut jeté sur le ventre, puis traîné avec une violence inouïe sur le sol en terre.

Je vis ses mains se transformer en griffes, creuser d'impressionnants sillons dans le sol, son regard brûlant d'une haine que je n'avais encore jamais vu sur son visage. Il hurla en se saisissant d'un rocher qui dépassait d'une des parois murales. Comme s'il était un fil tendu qu'on coupait soudainement, son corps absorba le choc en se pliant en deux. Je le vis serrer les mâchoires et le regard qu'il me laissa me fit monter les larmes aux yeux.

— Je ne te laisserais pas, articula-t-il avec difficulté. Pas encore une fois.

Comme si son bras pesait une tonne, il le déplaça avec toute la difficulté du monde. Ses doigts se plantèrent profondément dans le sol, et ses muscles se bandèrent les uns après les autres pour se tracter par la force de son mental. Son autre bras répéta l'opération, et il réussit à se mouvoir ainsi sur quelques mètres.

Son front était plissé par l'effort, ses membres tétanisés par la douleur. Sa peau luisait d'une pellicule de transpiration.

Les mots que je voulus prononcer restèrent bloqués dans ma gorge. Telle une statue de grès, il m'était impossible de faire le moindre mouvement. Malgré toute ma volonté, mon corps resta de marbre devant ses doigts, tendus et tremblants dans ma direction. Je n'avais plus que mes yeux pour pleurer, et je ne sentis même pas les larmes qui glissèrent sur mes joues.

Soudain, la pierre à laquelle Dorian se raccrochait se brisa entre ses doigts. Il fut aussitôt tiré en arrière, et la dernière chose que je vis de lui fut son regard torturé, plus brillant que d'ordinaire.

Son hurlement résonna jusque bien après sa disparition. Le tremblement qui me parcourait intérieurement se répercuta sur les parois de la tanière. Lorsque des cailloux commencèrent à tomber du plafond, je fermai les yeux. Je savais ce qui allait arriver. Toutes nos rencontres se terminaient ainsi.

Quand le terrier s'écroula, je ne pus faire aucun geste.

La terre humide qui s'engouffra dans mon nez et ma bouche m'empêchèrent de respirer. Malgré toute ma volonté, mon corps resta aussi immobile qu'une statue de marbre. J'aurais voulu hurler, creuser, remonter à la surface... vivre. Le revoir, au moins une fois encore. Mais les battements effrénés de mon cœur résonnaient à mes oreilles comme un tambour de guerre, me hurlant le contraire. Je n'allais pas vivre, j'allais mourir. Personne ne pouvait surmonter un pareil supplice. Mon rythme cardiaque montait crescendo. Mes poumons, privés d'oxygène, étaient en feu.

Mes yeux, brûlants de larmes et de douleur, se plissèrent dans le noir. Je me raccrochais à l'image de Dorian.

Lorsque la douleur cessa, il était déjà trop tard.

Entre ses griffes T2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant