Chapitre 3 (3/3)

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J'inspirai bruyamment en reprenant conscience. Durant un instant, je fus totalement désorientée, pétrifiée devant la personne à mes côtés. Cet homme m'était inconnu, mais il me scrutait avec une inquiétude qui m'interpella.

Ensuite, ce fut le bruit qui me heurta. Comme si mes oreilles s'étaient soudain débouchées, j'encaissai en tremblant le brouhaha qui me tomba dessus.

— Tout va bien, mademoiselle ?

La douleur lancinante qui remontait le long de mes bras me fit baisser les yeux. J'étais assise sur un siège et mes doigts étaient enfoncés profondément dans les accoudoirs. Contre le bout de mes griffes, je sentais le métal qui protestait en grinçant.

Le mouchoir qui apparut sous mon nez me fit sursauter, et je me plaquai contre le rembourrage pour m'en éloigner. Mon attention fut détournée par le paysage qui défilait à-travers le hublot.

Je fermai une minute les yeux le temps de dissiper les souvenirs douloureux qui s'accrochaient encore à ma peau.

Il me fallut une minute de plus pour me souvenir.

Mæve et moi étions montées dans un avion pour nous rendre à Portland, dans le Maine. Comme beaucoup de loups, j'avais une peur bleue de ce moyen de locomotion. Je préférais courir et sentir la terre ferme sous mes pattes, plutôt que me retrouver en lévitation dans les cieux.

Sans m'en rendre compte, je m'étais endormie. Et Dorian m'avait rejoint.

— Voulez-vous que j'appelle une hôtesse de l'air ?

Le ton soucieux me fit déglutir et je me tournais vers mon voisin, un humain d'une cinquantaine d'années.

— Je vais bien, répondis-je à voix haute pour essayer de m'en convaincre également. Mais merci.

— Vous en êtes sûre ? Vous pleuriez dans votre sommeil.

D'une main encore parcourue de tremblements, j'attrapai machinalement le mouchoir en papier qu'il me tendit, touchant mes joues de l'autre pour vérifier ses dires. Mes doigts humides me firent pincer les lèvres. Je ne m'en étais pas rendue compte.

— Certaine, merci. Et merci pour ça aussi, fis-je en écrasant le mouchoir contre mon visage. Je ne suis vraiment pas à l'aise avec l'idée de l'atterrissage.

— Y'a pas de quoi, ma petite. Vous me rappelez ma fille. Elle ne prend jamais l'avion pour cette raison aussi.

Quand ce monsieur posa sa paume sur la mienne, toujours fichée dans l'accoudoir, je fermai les yeux pour me calmer. Lorsque je parvins à rétracter mes griffes, je jetai un coup d'œil en arrière.

Quelques sièges plus loin, Mæve me scrutait avec une inquiétude non dissimulée.

— Tout va bien ? articula-t-elle en silence.

Je la rassurai en fermant un instant les yeux. Parfois, nous pouvions nous passer de mots. Depuis le temps que nous nous connaissions, nous avions appris à déchiffrer les expressions, le langage corporel et les silences de l'autre.

Lorsque je récupérai ma main de la paume du vieil homme, je la glissai sous ma cuisse pour m'empêcher de la voir trembler.

Quand je reportai mon attention sur le dossier devant moi, mon cœur battait encore comme celui d'un colibri sur le point de mourir. 

Entre ses griffes T2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant