Entre ses griffes T2

Chapitre 4 (2/2)

L'avion fut pris dans un trou d'air, je perdis l'équilibre et fut envoyée dans un des énormes fauteuils restés vides. Mæve se rattrapa de justesse à une cloison d'intimité, et les cris des humains trop terrifiés pour se détacher et fuir me tapèrent sur le système.

Le vampire fou en profita pour tirer brusquement sur ses bras. Les deux autres furent emportés dans le mouvement, leur front se cognèrent dans un craquement lugubre. Ils retombèrent sur la moquette en gémissant.

Mæve profita de son angle parfait ; elle bondit si rapidement qu'ils se retrouvèrent tous les deux au sol. Je ne me faisais aucun souci pour la jeune femme, elle était capable de foutre au tapis n'importe qui. Lorsque nous nous entraînions, nous finissions bien souvent ex æquo.

De mon côté, guidée par l'odeur ferreuse de son sang, je trouvai sans difficulté la femme. Même si elle était mal en point, j'entendais encore son pouls. Toujours attachée à son siège en position allongée, elle était totalement immobile, les yeux clos. Sa gorge était à moitié arrachée, et ce qu'il lui restait d'hémoglobine coulait sur son tailleur, en accord avec son rythme cardiaque.

Sur le siège opposé, une femme la fixait avec des yeux exorbités.

— Votre foulard ! lui ordonnai-je pour la faire réagir. J'en ai besoin, elle perd trop de sang.

Tandis que Mæve et le vampire grognaient toujours au centre de l'allée, je répétai les mêmes mots à la femme, qui sursauta avant d'obtempérer, les mains tremblantes. Je m'en emparai d'un geste, le roulai rapidement en boule, et l'écrasai contre la plaie sanguinolente pour tenter de stopper l'hémorragie.

À mon contact, la blessée parut reprendre vie ; elle inspira brusquement, ses mains se crispèrent autour de mon poignet, ses ongles s'enfonçant dans ma peau, et son regard horrifié croisa le mien. Elle voulut hurler quelque chose, mais ses mots restèrent coincés dans sa gorge et seuls quelques borborygmes étranglés en sortir.

Je posai une main sur son épaule pour l'apaiser et lui chuchotai :

— Tout va bien. Tout va bien, insistai-je devant sa terreur grandissante, l'avion est en train de se poser. Je suis Dalaena, membre de la Guilde. Il faut que vous restiez calme pour maintenir un pouls lent et régulier. Vous avez été blessée au cou, mais les secours ont été prévenus, ils vous attendent déjà sur la terre ferme.

Les yeux dans les yeux, je continuai à lui parler ainsi, l'enjoignant à garder les paupières ouvertes lorsque celles-ci papillonnaient, écrasant les larmes qui débordaient parfois sur ses joues. Je restai près d'elle jusqu'à ce que les roues de l'avion touchent le sol et que l'appareil s'immobilise complètement.

Lorsque les ambulanciers se frayèrent un chemin jusqu'à nous, je les laissai prendre le relai, et ressentis tout le soulagement de la femme lorsqu'elle me serra les doigts. Je posai la main sur la sienne en lui souriant.

— Vous êtes entre de bonnes mains. Et quand vous serez rétablie, promettez-moi de rester à l'abri chez vous. Enfin, au moins pendant quelques jours.

Je rejoignis Mæve alors qu'elle relevait la tête pour m'adresser un sourire. Face contre terre, le vampire grognait, complètement immobilisé par le corps de ma coéquipière.

— Tu ne m'as même pas laissé en placer une, lançai-je en arrivant à sa hauteur.

De la poche arrière de mon pantalon, je sortis une paire de menotte en acier trempé. Malgré nos cartes de la Guilde, c'était la seule chose que les agents de sûreté avaient accepté que nous gardions avec nous. Toutes nos armes avaient été réquisitionnées dans la soute.

Je m'agenouillai pour resserrer les crans autour des poignets du vampire, et affrontai son regard noir. Il ne faisait aucun doute qu'il était de la lignée de Lilith. Tout comme la jeune femme qu'il avait attaquée, il était une victime, inconscient de ses faits et gestes. Devenu fou par l'absence de contrôle.

Mæve et moi échangeâmes un coup d'œil appuyé, bien conscientes que nous risquions d'en baver.

— Il va falloir retrouver ce collier, et vite, glissai-je.

— Bien dit. Mais plus facile à dire qu'à faire.