En quête de la maisonette

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Les paysages se transformaient au fur et à mesure que le taxi d'Hermione filait sur les routes du Colorado. La tête appuyée contre la vitre de la banquette arrière, elle suivait le soleil qui commençait à se coucher derrière les majestueuses montagnes rocheuses. Les sommets enneigés au loin se teintaient d'or et de rose, et les vallées s'emplissaient d'une douce lumière. Le ciel, quant à lui, se parait de nuances de pourpre et d'orange tandis que les lumières artificielles du centre-ville s'éloignaient. C'était un tableau saisissant où chacune des lettres de Severus prenait vie sous ses yeux.
Ces fameuses lettres, mises bout à bout, lui avaient permis d'établir un trajet qui la mènerait, l'espérait-elle, jusqu'à lui. Hermione avait d'abord transplané jusqu'à Denver et s'était engouffrée dans l'habitacle du premier taxi disponible. Le chauffeur, un homme bedonnant et quelque peu farouche, avait évidemment tiqué concernant le trajet imposé. Il lui avait par ailleurs indiqué un itinéraire bien plus court pour rejoindre le Lily Lake. Mais Hermione n'avait finalement pas eu besoin d'insister longtemps pour qu'il démarre sans poser davantage de questions. Après tout, rares étaient les clients payants d'avance pour des courses à rallonge.
La fatigue la gagna quelque peu tandis que le voile de la nuit s'étendait sur les Rocheuses, mais la voix bourrue et éraillée par des années de conversation avec les clients du chauffeur de taxi mit fin à ses rêveries. Voilà qu'ils empruntaient la route 66, lui avait-il indiqué. Hermione se redressa tout à fait sur la banquette et resta attentive à tout ce qui bordait dorénavant la route. Un "Diner sur la 66" était-il mentionné dans ses lettres...Oui, sauf que ce n'était pas ce qui manquait sur cette route, lui avait expliqué le chauffeur lorsqu'elle lui avait montré son itinéraire farfelu. Alors d'un commun accord, ils suivraient la route, et elle devait surveiller les abords, jusqu'à peut-être tomber sur un indice, quelque chose. Mais rien... aucune Chevrolet Impala sur les parkings, ni de Severus à l'horizon.
Les lampadaires se faisaient de plus en plus rares désormais, et bientôt seuls les phares du taxi éclairaient la route. Dépitée, Hermione s'enfonça dans son siège et s'entoura de ses bras tandis que la fraîcheur de l'habitacle l'accablait davantage. Le chauffeur, lui, l'observa dans son rétroviseur un instant sans pour autant savoir trop quoi dire. À défaut d'une parole rassurante, il remit un coup de gaz, mettant définitivement un terme aux recherches infructueuses du fameux "Diner".
Il n'était franchement pas rassuré lorsqu'ils étaient arrivés à destination et qu'il avait dû laisser sa cliente au beau milieu de nulle part. Il ne s'était d'ailleurs pas caché cette fois-ci pour lui dire le fond de sa pensée : c'était complètement imprudent. Il lui avait même proposé de la ramener à Denver, persuadé qu'elle s'obstinait dans une quête imaginaire. Mais il n'avait rien pu faire face à cette tête brûlée, si bien qu'il avait repris le volant, soucieux, non sans lui laisser de quoi le contacter si elle changeait d'avis.
Hermione, attendrie par la bienveillance de l'homme, observa le taxi s'éloigner sur le chemin de terre jusqu'à ce qu'il disparaisse au croisement de la grande route. Elle se laissa alors engloutir par l'obscurité, avant d'attraper sa baguette coincée dans son holster de cuisse et d'y chasser la nuit avec un Lumos. Avec intérêt, elle lut les chiffres alignés sur le bout de papier que venait de lui donner le chauffeur, puis sourit, amusée, avant de le faire totalement disparaître d'un autre sortilège ; elle n'avait pas de téléphone.
Son périple se faisait désormais quelque peu à l'aveugle, n'ayant eu que peu d'indications sur l'emplacement exact de la maisonnette. Elle savait toutefois qu'elle se situait en bordure du lac, possédait un perron et avait même déduit qu'elle devait être accessible en voiture pour qu'il y gare sa voiture. De ce fait, elle enjamba la barrière en bois cadenassée et décida de suivre la route forestière.
Il lui fallut marcher environ deux kilomètres avant d'atteindre un point de vue sur le Lily Lake, et quelle vue ! Elle était subjuguée... Le lac s'étendait devant elle avec ses eaux calmes et reflétait la lueur majestueuse de la lune. Les rives étaient bordées d'arbres imposants, leurs feuilles bruissant doucement dans la brise nocturne. Et puis, au loin, les montagnes se dressaient inébranlables tandis que leurs sommets effleuraient les étoiles. Hermione se laissa bercer par le silence paisible qui l'enveloppait, dérangée seulement par le hululement d'un hibou niché quelque part.
Revigorée, elle scruta attentivement les environs, ne perdant pas de vue son objectif. Seulement d'ici et de nuit, aucune maisonnette n'était visible à l'horizon. Ce n'était pas si étonnant, il était certain que la cachette de Severus Snape ne serait pas évidente à trouver. Seulement maintenant et à partir de ce point, elle avait deux options : suivre la rive par la droite ou par la gauche, tout en sachant qu'elle finirait par tomber dessus, qu'importe son choix, si ce n'est qu'elle risquait de se rallonger puisqu'il s'agissait d'une boucle.
Elle examina la route malgré tout, voulant s'éviter à tout prix une randonnée plus longue que nécessaire. Seulement, les deux voies comportaient des traces de voiture sensiblement identiques. Et si, malgré tout, une différence existait, Hermione n'avait foutrement aucune idée à quoi pouvaient ressembler les traces d'une Chevrolet Impala pour en déduire la bonne. Cependant, en scrutant davantage ces fameuses traces, elle remarqua que l'une d'elles comportait des rainures bien plus profondes enfoncées dans la terre et donc plus fraîches. Elle n'était pas détective, mais son année de cavale avec les garçons à la recherche des horcruxes l'avait dotée d'un nez fin concernant ce genre de choses. Si bien qu'elle se décida à emprunter ce chemin précis.
Honnêtement, elle était incapable de savoir depuis combien de temps maintenant elle longeait la rive et s'agaça lorsqu'elle ne récolta que quelques gouttes d'eau de sa gourde désormais vide. Épuisée, elle ne parvenait même plus à se souvenir de sa dernière nuit de sommeil. Le pire était qu'elle commençait à douter de le trouver ici. Après tout, rien ne le présageait. Peut-être qu'après toute cette histoire, Severus avait finalement préféré mettre les voiles ailleurs, sachant pertinemment que quelqu'un trouverait ses lettres et donc son emplacement.
Bien que la véracité de ses songes la frappât de lucidité, elle préféra nier l'évidence et se concentra de nouveau sur sa marche qu'elle reprit de plus belle. C'est au détour d'un troisième virage en dévers qu'elle se prit les pieds dans une racine qui la fit chuter de tout son poids sur les fesses. Ce ne fut que peu douloureux, voire même trois fois rien, seulement, elle hurla tout de même.
Un de ces cris forts et brefs que l'on laisse échapper juste de rage quand rien ne va. Et comme cela ne suffisait pas, elle envoya valser trois ou quatre sortilèges bien sentis autour d'elle. Des branches d'arbres cédèrent et chutèrent, manquant de peu de lui tomber sur le coin du nez. Par-dessus le marché, des nuées d'oiseaux qu'elle n'identifia même pas, s'envolèrent. Elle s'en fichait, ils étaient définitivement le cadet de ses soucis tandis que son attention s'était fixé sur un point précis et bien étrange. Là, sur sa droite, une branche en tombant venait de faire miroiter quelque chose. D'ailleurs, quelques feuilles encore volantes semblaient se faire repousser par ce voile qui ondulait encore.
Intriguée, Hermione se releva tout à fait et inspecta l'effet de plus près, jusqu'à percevoir une nouvelle fois l'ondulation lorsqu'elle toucha le voile du bout de sa baguette. Comme cela ne suffisait pas, sous ses pieds, les traces de voiture s'effaçaient à cette frontière invisible et n'allaient vraisemblablement pas plus loin. Sans plus aucun doute sur l'origine du sortilège, Hermione le traversa et passa au travers sans encombre.
Elle ne voyait désormais plus qu'elle... la maisonnette. Nichée au bord du Lily Lake et cachée par ce sortilège de repousse moldu, elle était plantée là, petite et pittoresque, avec un charmant perron qui s'étendait jusqu'au bord de l'eau. Son bardage en bois, peint en blanc, craquelait par endroits, tandis qu'une vigne défraîchie par la saison grignotait ses murs jusqu'au toit. En tuile rouge, ce dernier semblait en avoir vu passer des hivers rigoureux, et pourtant, Hermione ne put s'empêcher de trouver l'ensemble charmant.
Mû par la frénésie de l'avoir enfin trouvé, elle se précipita sur le perron, n'essayant même pas pour un sou d'être discrète. Chaque latte craqua sous ses pas précipités, jusqu'à ce qu'elle atteigne finalement la porte d'entrée qui, sous ses coups sans retenue aucune, manqua de peu de s'écrouler.

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