Les chaînes qui me retiennent cliquètent doucement, comme s'il y avait du vent. Pourtant, je ne sens pas d'air sur mon visage. Mon corps est complètement gelé, prisonnier de minuscules cristaux de glace qui le recouvrent. Seuls ma tête et mon cou ont été épargnés par le gel. Mes doigts sont figés dans la même position depuis une éternité et je suis certaine que si on m'enlevait mes chaînes, mon corps ne bougerait pas d'un pouce. Un bruit inhabituel me fait relever la tête. Cela ressemble à de l'eau qui tombe, comme quand on a mal refermé un robinet. Chaque « goutte d'eau » qui tombe provoque un son clair qui résonne partout autour de moi, comme si je me trouvais dans une immense grotte. Soudain, un énorme craquement retentit, semblable a un coup de tonnerre. Je tourne la tête à ma gauche et roule des yeux. Une fissure de la taille de mon bras s'étend de part et d'autre de la colonne de pierre qui retient mes chaînes. Un deuxième grondement se fait entendre et c'est autour de l'autre colonne de se fissurer. Quelques morceaux de pierre tombent dans le vide. Mes chaînes commencent à frémir. Ma respiration s'accélère. Que se passe-t-il ? Vais-je mourir ? Mes liens se brisent net au moment même où les colonnes de pierre s'écroulent. Les trois immenses piliers qui m'avaient soutenue sont réduits en miettes par une force inexplicable. Alors que je crois tomber dans le vide, mes mains et mes genoux heurtent un sol invisible tandis que les colonnes de pierre continuent leur route. Des bruits de pas résonnent, se rapprochent de moi. Je lève les yeux et reconnais cette silhouette de lumière blanche qui me torture depuis mon arrivée ici. Je tente de me redresser, mais je reste bloquée, incapable de bouger. Je ne peux que lever la tête pour l'observer. L'homme de lumière tends ses bras et je me sens aspirée en arrière, loin de lui. J'ouvre la bouche mais je ne peux toujours pas crier. Mon dos heurte une masse et tout mon air s'échappe. La masse devient malléable et finit par m'engloutir toute entière. A choisir entre cette bizarrerie rose/orange et l'obscurité glaciale, je crois que je préfère encore être suspendue par des chaînes et me transformer en glaçon. Les voix se remettent à hurler dans ma tête et tout d'un coup, je suis plongée dans un couloir infernal. Je tombe sans fin à travers un tourbillon de souvenirs, de voix et de lumières colorés. J'essaie de fermer les yeux pour y échapper, mais ce couloir existe même dans ma tête ! Impossible d'y échapper. J'entends les hurlements terrifiés des lycéens, le jour où j'ai détruit l'internat, je revois les cris des deux policiers se transformant en poussière brune et aussi ceux des quatre infirmiers qui ont été pulvérisés par ma lumière. La nausée me monte à la gorge. Ils ont raison : je suis un monstre. Une abomination, une mutante. Je n'ai ma place nulle part. Ni sur Terre, ni au royaume Ushuara. Je dois rester ici. Payer pour mes crimes et protéger ceux à qui je tiens. Il faut que je reste. Je n'ai pas le choix. Si je pars, je ferais beaucoup de mal c'est sûr. Je tombe sur un sol invisible et reste ainsi. Couchée sur le dos, les bras de chaque côté de ma tête. Je regarde les horreurs que j'ai faites défiler devant moi comme des reproches incessants. Ça me fait tellement mal et en même temps, ça me soulage. Je sais que je vais rester ici et protéger tous les autres. Mes parents, Sheril et Orân, Cassie, Mentor Kirao... Un aboiement me tire de mes réflexions. Je tourne la tête et aperçoit la silhouette lumineuse d'un gros chien qui court vers moi. Queen ? Que fait elle ici ? La chienne se met à japper et à tourner autour de mes jambes, comme lorsqu'elle souhaite que je la suive quelque part. Je tends la main vers l'animal fait de lumière blanche et l'effleure sans ressentir quoi que ce soit. On dirait qu'ici, je n'ai pas le droit au sens du toucher. Mon ouïe et ma vue fonctionnent parfaitement, en revanche, le goût, l'odorat et le toucher ont complètement disparus. De nombreuses choses me sont interdites ici. Je ne peux pas parler, crier ou émettre le moindre son, excepté celui provoqué par ma respiration, je ne peux pas toucher, sentir ou goûter... Je ne peux que ressentir ce froid constant, cette douleur instable qui me scie le cœur en deux et la souffrance qui se répand dans mon corps lorsque je heurte quelque chose. Je soupire, me lève et suis « ma » chienne. Elle trottine comme si de rien n'étais et chacun de ses pas laisse une encyclie lumineuse qui disparait au bout de quelques secondes. Soudain, le sol change. Il devient visible. Je marche dans une prairie d'herbe verte et une légère brise vient faire voler mes cheveux. « Lumière-Queen » continue sa route à travers champs, sans paraître se soucier du changement de décor. Un arbre apparaît sur ma droite. Ses branches tortueuses accueillent de petits moineaux de lumière qui piaillent gentiment, comme s'ils nous souhaitaient la bienvenue. Queen me conduit jusqu'à un bosquet et soudain, elle disparait. Ma chienne s'est littéralement évaporée sous mes yeux ! Je regarde autour de moi, à la recherche d'une indication sur la direction à prendre mais il n'y a rien d'autre que cette prairie et ces petits moineaux de lumière qui chantent. J'ai sommeil tout à coup. Mes paupières se ferment lentement et la fatigue me tombe dessus comme un poids énorme. Je m'assieds au pied d'un arbre dont le feuillage forme un parasol. Seulement cinq minutes, histoire de reprendre des forces. Je finis par m'allonger dans l'herbe en fermant les yeux.
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Ushuara - La chasse a commencé (Tome 1)
FantasyUne jeune fille de dix-huit ans est qualifiée de TNT sur pattes, lorsqu'elle détruit accidentellement deux des bâtiments de son lycée. Fuyant les forces de l'ordre et les équipes du GIGN, elle va se retrouver plongée dans un univers totalement incon...