Chapitre 14

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Une forte odeur d'arnica me chatouille les narines. Pendant un instant je crains d'être revenue au laboratoire mais je me souviens ensuite que ça sentait la javel et que la température de l'air était à peine tiède. Ici, où que ce fut, il fait chaud et plusieurs arômes se mêlent à l'arnica. Je ne parviens pas à distinguer les odeurs mais je les associe sans mal à la médecine. Un crépitement agréable résonne dans la pièce et je devine, derrière mes paupières closes, la lumière d'un feu. Je tente de bouger mais je n'arrive à remuer que les doigts. Ces derniers sont en contact avec une matière douce et moelleuse, plutôt agréable. Je me sens bien, tout du moins autant que je peux l'être avec un bras en compote et un trou dans le crâne. Un tintement de verre me crispe : je ne suis pas seule dans cette pièce. Les souvenirs me reviennent en masse tandis que l'inconnu se déplace discrètement. Je me souviens de l'homme, de l'orage, de la lumière en cercle que nous avons traversé et de cet endroit bizarre dans lequel je me suis retrouvée... Mon cœur s'affole et je serre les dents. Où suis-je ? Que me veut-on ? Pourquoi j'ai aussi mal au crâne ?

— N'aie pas peur, murmure une voix féminine, je ne te ferais aucun mal.

Et comment cette femme a-t-elle su que j'étais consciente ? En y réfléchissant plus attentivement, mes mâchoires contractées et mes poings serrés doivent y être pour quelque chose... les traîtres. Je me force à ouvrir les yeux et résiste à l'envie de les refermer tant cette action, pourtant simple, me demande des efforts. Une femme brune à la peau mate est accroupie près de moi et me sourit gentiment. Elle porte des vêtements étranges, une sorte de robe faite de plusieurs morceaux de tissus qu'elle maintient ensemble par une ceinture de cuir. Un vieux châle repose sur ses épaules et ses cheveux sont relevés en un chignon duquel s'échappent plusieurs mèches rebelles. Elle est plutôt jolie. La pièce dans laquelle je me trouve est une sorte d'infirmerie, si j'en crois les lits disposés dans le fond de la pièce et les centaines de bouteilles et de pots étiquetés rangés sur les nombreuses étagères accrochées aux murs.

— Je m'appelle Sheril, reprend la femme, et toi ?

J'ouvre la bouche mais aucun son ne sort. J'ai sommeil. Le sourire de Sheril s'élargit, puis elle se lève et revient avec une couverture.

— Repose-toi, dit-elle en me recouvrant avec le tissu doux, tu en as vu de toutes les couleurs, pas vrai ?

Si elle savait...

Mes paupières se ferment et je plonge dans les bras de Morphée.

— Comment va-t-elle ?

J'entends des voix murmurer des choses à mon sujet. Suis-je réveillée ou en train de rêver ?

— Je ne l'ai pas examinée pour l'instant. Elle s'est réveillée une fois et s'est rendormie tout de suite après. Cette petite est épuisée.

— Elle était dans un sale état quand je l'ai trouvée. C'est à peine si elle arrivait à parler.

Le brouillard autour de mon esprit se dissipe et je parviens à ouvrir les yeux. Sheril discute avec un homme d'une quarantaine d'années dont je reconnais la silhouette : il s'agit de l'inconnu de la ruelle, celui qui m'a amenée ici. Sheril et lui ont l'air de bien se connaitre. L'homme remarque mes yeux ouverts et me désigne du menton avec un sourire. Sheril se retourne et me lance un regard plein de bienveillance, comme celui avec lequel ma mère me regardait sur la photo du jour de mon adoption. Sheril et l'homme s'approchent de moi d'un pas volontairement lent.

— Comment te sens-tu ?

— J... ai... mal.

Ma voix est enrouée, sifflante et ma gorge me fait souffrir à chaque mot prononcé mais au moins, j'arrive à parler. Sheril tends la mains vers moi et mes yeux s'écarquillent de peur. C'est exactement comme ça que Stéphane et « Brutus » s'approchaient de moi quand ils voulaient m'attacher pour les expériences. Sheril retire sa main rapidement et s'assoit sur le lit.

Ushuara - La chasse a commencé (Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant