Rame de minuit

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Vingt-trois heures vingt-trois...

Je rentrais dans la rame de tramway

Bien heureux d'y être je m'avouais


Vingt-trois heures trente-trois...

En soliloque, je me parle seul

Pour que d'autres passagers ne m'en veulent


Monologue habituel

C'est une manie qui vient aux reclus

Esprit clos, mais un monde que j'ai lu


À ce moment usuel

On ne trouve dans les transports austères

Plus que les cœurs de gens bien solitaires


Quand règne ce grand silence

Les yeux des gens comme ça vagabondent

À droite à gauche et scrutent votre monde


Si pour vous c'est pénitence

Pour nous autres c'est le moment d'éveil

Avant même que vienne le soleil


Avant même le sommeil

Car c'est dans cette faiblesse du nombre

Dans le mutisme comme la pénombre


Que se dévoile l'abeille

Reine des enfants de nos rêveries

Pour enfin vaquer à nos beuveries


Disparaissant sur son siège

Un jeune habillé d'un cache-visage

Et d'un survêtement brouillant son âge


Sa peau blanche comme neige

Dissimulée à l'ombre d'un bob noir

S'empourpre des lumières de ce soir


De son étrange breuvage

Un cocktail qu'il conserve dans sa gourde

Il encaisse une journée assez lourde


S'il échoue au sevrage

Il conquiert auprès de certaines gens

Puisqu'il ne semble pas manquer d'argent


Des bagues étincelantes

Accompagnées d'une montre au poignet

Qui indique à sa main la poignée


Ornée de pierres clinquantes

Négociée avec celle du malin

L'a sûrement plongé dans le vilain


Pourtant il n'est pas méchant

Seulement abêti par le vacarme

Attiré par les couleurs de son charme


Parses mélodies ses chants

Alors pour fuir tout le bruit de son drame

Il cherche silence dans cette rame


Vingt-trois heure quarante-trois...

Le tramway file, super...

Le royaume des solitaires.

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