Mon Eurydice

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Sur les sables bordant les rives du Styx
Je déplore mon Eurydice
Partie trop tôt, quel préjudice

Dès lors, de mon supplice je suis Orphée
Orfèvre de ma harpe écrite
Qui fait orfroi, marbre et mérite

L'effroi car les harpies font malédiction
Ma reddition, mes jérémiades
Et je pleure ses sérénades

Ma sérénité s'envole et je me noie
Je déplore mon Eurydice
Partie trop tôt, mon maléfice

Dès lors, ma punition me fait Orphée
De l'or à ma main, sans valeur
Des morts au marin, leur pâleur

Me dévorent tandis que je saute à l'eau
Je m'en vais vers mon Eurydice
Et m'approche du précipice

Voilà Hadès qui m'extirpe des marées
« Tu n'es point un de ces cadavres
Qu'es-tu à moins d'un homme à harpe ?

- Orphée parlant » lançai-je d'une note périlleuse
Souffrir ma foi pour une hybris
Et s'offrir pour mon Eurydice

« S'offrir au foie de Gaïa, serais-tu fou ?
- Orphée t'implore et te quémande !
- Or c'est impossible demande

Raconte-moi plutôt tes péripéties
Toi le conteur et l'écrivain
Déguisé en chanteur devin

- Ô, divin ! Que ta grâce guide à l'aimante
Mon amante, mon Eurydice
Qui de ma vie fit le délice

- Parler ne te fait pas moins présomptueux
De tes somptueuses clameurs
Je perçois néanmoins douleur

Peu sont les amoureux descendus si bas
Mais courageux n'est pas victoire
Eurydice tu ne peux revoir ! »

Désastre et infamie, je me décompose
« Composer sans elle édifice
Est difficile sacrifice !

Elle est Bérénice et je ne suis Titus
Et je titube car ton vice
Me refuse à mon Eurydice ! »

« Toi, jeune poète, retourne-t-en charmer
Des armées d'âmes attentives
Hâtives d'écouter exploit !

- La passion que tu dessines se morfond
Car au fond, elle crie famine
D'un amour qui point ne s'abîme

- Écoute la voix qui m'empêche torture
Car ton heure n'est point venue
Malgré ton péché retenu

- Punis-moi donc ! Car je ne compte partir !
J'appréhende moins ton couteau
Que la vie infâme bourreau !

Fais de ma vie ce qu'il convient, ce n'est pire
Que le soupir qui s'y immisce
Une fois privé d'Eurydice ! »

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