– Je croyais t'avoir demandé d'être prudente.
James, les bras croisés, adossé à la porte, fusillait Kate du regard, assise dans la salle d'interrogatoire.
Si, la première fois, il s'était montré compatissant parce qu'elle avait à peine onze ans, aujourd'hui, il était très en colère – bien qu'inquiet – que cette femme, censée être responsable, se soit montré aussi irréfléchie en revenant sur les lieux d'un crime et où avaient eu lieu des événements traumatisants.
– Je suis désolée de vous avoir inquiété, lui répondit-elle, ne sachant que répondre de plus.
– Ce n'est pas que de m'avoir inquiété, tu as failli être enfermée à nouveau là-dedans ! Tu...
Lâchant un soupir d'exaspération, il ne termina pas sa phrase, se remémorant les paroles des victimes de la maison que lui et ses collègues avaient interrogées, quelques heures plus tôt.
En effet, les enfants ainsi qu'Andrew avaient été interrogés dans cette même salle. Les enfants avaient raconté un récit incroyable, mais un peu plus crédible cependant que celle d'il y a dix-sept ans, avec le groupe de Kate.
A priori, le groupe d'écoliers avait suivi le plus petit d'entre eux, voulant jouer un mauvais tour à Andrew, comme il était d'usage de le faire avec tous les nouveaux maîtres d'école... Une sorte de bizutage en somme. Durant la sortie scolaire, où il avait été chargé de garder le petit groupe, les garnements l'avaient semé et avaient voulu se cacher dans cette grande maison qui se dressait devant eux, au détour d'un chemin.
Alors qu'Andrew les avait vus entrer, il leur avait donné la chasse à l'intérieur, leur ordonnant de redescendre et de sortir, mais il s'était rendu compte qu'en chemin, il s'était emmêlé les pieds dans des lianes et que les enfants s'étaient perdus en voulant s'enfermer pour se cacher de leur professeur.
Ici, il n'était pas question de fantômes ou d'esprits. Les enfants n'avaient pas vu quoi que ce soit qui ressemblait à des créatures fantastiques, et Andrew se garda bien de dire qu'un revenant était venu sur les lieux et avait mis le grappin sur un être vivant, qui était la jeune femme, venue le sauver, lui et les enfants.
James se passa la main dans les cheveux et soupira d'un air las.
– J'ai l'impression qu'Andrew et toi ne m'avez pas tout dit.
Kate se figea, puis détourna les yeux. Honteuse, se tortillant les mains à son tour, comme une enfant prise en faute.
À son expression, James devina tout de suite de qui il s'agissait.
– C'est lui ?
Kate baissa les yeux, embarrassée au possible. Qui pourrait bien la croire ? Encore une fois, comme avant, tous les agents l'avaient prise pour une fêlée. Alors, elle se jura de ne plus rien dire concernant cet amour de jeunesse.
James ferma les yeux à son tour. Il ne voulait pas se résoudre à y croire et ces histoires de fantômes le dépassaient un peu. Mais, aussi imaginatifs que soient les enfants, personne ne pouvait inventer d'histoire aussi morbide. Encore moins maintenant, pour Kate du moins, à un âge aussi mature que le sien. Pourtant, il résolut encore de la croire, elle. Elle qui avait vécu des événements au-delà de ce qu'on pouvait imaginer.
Cependant, la conservation tourna court, car on frappa à la porte de la salle et une policière fit son apparition.
– Sergent, les parents viennent de récupérer leurs enfants et tout le monde est rentré. C'est bon de ce côté-là.
– Parfait, répondit James.
Andrew fit son apparition à son tour.
– On peut partir nous aussi ? demanda-t-il en désignant Kate du menton. Je suis lessivé.
Kate se leva à son tour et évita de croiser le regard de l'officier. Elle passa à côté de lui, mais ce dernier posa une main ferme sur son épaule. Elle s'arrêta, figée, tétanisée.
– Tu es une jeune femme courageuse, Kate, ne te laisse pas absorber par ce qui pourrait te faire du mal...
Kate lui jeta un dernier coup d'œil, se retenant de laisser échapper une larme. Elle hocha la tête en signe d'assentiment et rejoignit son nouvel ami à la porte de sortie.
Les deux jeunes gens sortirent du commissariat et virent que la nuit était tombée. Andrew leva les bras, accueillant ce doux parfum nocturne, respirant l'air frais qui courait sur sa peau.
– Aaahhh, dit-il en prenant une grande inspiration. Enfin de l'air frais !
Kate avait le regard toujours dans le vide. Le jeune homme se tourna vers elle et lui dit :
– Bon, écoute, le prends pas mal et ne me prends pas non plus pour un pervers, mais il est tard et si tu veux, je te propose de dormir chez moi. J'habite à une heure de là, mais toi, j'imagine que tu n'es pas du coin ?
Kate ne répondit pas, secouant simplement la tête par la négative pour répondre à la question.
– Alors, c'est décidé : j'appelle un taxi et on va chez moi. On fera récupérer ta voiture plus tard.
Kate se laissa entraîner, ne sachant que faire, seulement éreintée après ce qui s'était passé et bouleversée d'avoir revu et vécu à nouveau quelque chose d'invraisemblable.
Une heure plus tard, le taxi déposa Andrew devant chez lui et le jeune homme invita sa nouvelle amie à entrer.
Celle-ci se laissa guider docilement.
Une fois à l'intérieur, elle n'ouvrit pas la bouche, le laissant faire.
Toujours en silence, il lui prit la main et se dirigea vers une chambre, ouvrit la porte et la fit entrer. Devant elle, il lui prépara son lit, sans mot dire, lui fit couler un bain et se prépara un couchage de fortune sur son canapé.
Elle le suivait sans mot dire, automatiquement. Elle ne réagit que lorsqu'Andrew lui prit le haut de sa veste pour la faire glisser sur ses épaules et l'enlever.
– Non, merci, ça va aller, je vais le faire seule.
Il sourit, fit un signe de tête et la laissa. Elle se déshabilla et entra dans la baignoire machinalement, prit quand même le temps de se délasser dans des arômes frais et doux puis, rhabillée, elle attendit Andrew qui vint la chercher une demi-heure après en frappant légèrement à la porte pour ne pas la surprendre dans une tenue inconvenante.
Ensuite, il l'emmena dans la cuisine où il avait préparé deux assiettes. Kate ne toucha aucunement à la sienne pendant que le jeune homme dévora son dîner de bon appétit. Puis il la guida dans la chambre où il avait préparé son couchage et se laissa allonger dans le lit.
Andrew, quant à lui, s'était affalé sur le canapé, les bras croisés derrière la tête, pensif et fixant le plafond.
Ce qu'il venait de vivre était plus qu'abracadabrant. Il n'avait jamais cru aux histoires de fantômes, mais il devait bien avouer que là, ce qu'il avait vécu quelques heures plus tôt était bien réel. La présence de la jeune femme chez lui et son état ne pouvaient indiquer le contraire.
C'est alors qu'il entendit des cris stridents venir de sa chambre.
– Kate ?!
Sautant sur ses pieds, il ouvrit la porte d'un coup sec et vit Kate qui hurlait et qui se débattait comme une furie dans son sommeil. Il se rua vers elle et lui murmura :
– Chuutt... Calme-toi, c'est fini, c'est fini...
Il attrapa ses poignets et lui chuchota de se calmer, se répétant, encore et encore. Des larmes inondaient les joues de la jeune femme et sa voix était saccadée, comme si elle suffoquait.
Il caressa ses cheveux pour continuer de l'apaiser et enfin, sans jamais s'être réveillée, elle se détendit à ses caresses et ses murmures, avant de replonger dans son sommeil.
Andrew la contempla, continuant de la rassurer pour qu'elle dorme le reste de la nuit sereinement et sans cauchemar.
Il avait été témoin d'une chose à laquelle peu de personnes pouvaient croire, alors il ne pouvait que la comprendre et la croire. Il se jura intérieurement de ne plus jamais la laisser seule, plus jamais.
VOUS LISEZ
ENTRE TOI, MOI ET EUX...
HorrorKatelyn Stewart, âgée de 28 ans, se souvient de sa sortie avec son groupe d'amis, lorsqu'elle avait onze ans. Une rencontre étrange, avec deux frères du même âge, dont le plus âgé avait été son premier amour. Cependant, un événement dramatique ava...