Chapitre 12

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Quelques jours passèrent, mais Kate avait toujours le regard vide et agissait comme une automate. Cependant, elle avait quand même prononcé quelques mots. Chaque jour, elle picorait davantage dans son assiette ; c'était un gros progrès.

Le principal problème survenait pendant les nuits. En effet, elle ne dormait pas ; du moins, pas beaucoup et pas longtemps. Elle était continuellement perturbée, agitée, ses cauchemars venaient la hanter et elle criait souvent le nom de Dereck. Andrew ne dormait que d'un œil pour pouvoir se rendre auprès d'elle à chaque crise et restait systématiquement auprès d'elle jusqu'à ce qu'elle se calme pour l'apaiser, la rassurer, la consoler.

D'ailleurs, un soir, un appel avait fait vibrer le téléphone de la jeune femme. C'était Andrew qui avait répondu, car depuis qu'elle était chez lui, elle n'avait pas décroché, ni aux appels, ni aux messages. Son regard était toujours aussi vide et rien ne semblait la faire réagir. Il pensa qu'elle aurait certainement besoin de temps pour se rétablir complètement.

Au bout du fil, il avait donc pris l'appel d'un certain William.

– Allô ?

William s'étrangla presque en entendant une voix masculine dans le haut-parleur.

– Mais t'es qui toi ?! Et où est Kate ?!

– Ouhlà, mec, alors d'abord, tu me cries pas dessus et ensuite, elle est avec moi et tout va bien.

William s'étrangla encore plus. Comment ça, avec lui ?! Il lança un juron et traita son interlocuteur de tous les noms. Andrew avait alors judicieusement éloigné son portable de son oreille en souriant à demi et avait attendu que le dénommé William s'arrête de lui-même.

Visiblement, c'était un ami de longue date et, visiblement aussi, il avait pensé – à l'attente de la voix masculine – qu'elle s'était absentée durant plusieurs jours pour rejoindre un date sans lui en parler.

Andrew soupira, reprit le téléphone et attendit qu'il se soit calmé.

– C'est bon ? Je peux t'expliquer maintenant ?

– Ouais, ça va, c'est bon, maugréa-t-il, mais t'as intérêt à avoir du biscuit, mec.

– Pas de souci...

Puis il lui expliqua la situation avec le plus de détails possible. William était choqué en entendant le récit... Quoi ? Son amie était revenue sur les lieux et avait failli de nouveau se retrouver enfermée dans cette maison de malheur ?

A priori, à lui, Andrew pouvait lui confier toute l'histoire. En retour, William le mit au courant de l'événement dramatique qui s'était déroulé durant leur jeunesse. Puis d'un coup, Andrew demanda :

– Dis donc, ce mec, là, le blondinet, on est bien d'accord qu'il est mort et qu'il la tourmente ?

– C'est fort possible, répondit William. Ce qui est sûr, c'est qu'il est mort dans cette maison un an avant qu'on y mette les pieds, mais elle s'est éprise de lui quand... on l'a rencontré. Depuis cette histoire, qui s'est passée il y a dix-sept ans, elle est très souvent lunatique et surtout fatiguée. Je pense qu'il y est pour quelque chose.

Les deux jeunes hommes échangèrent encore quelques paroles, et Andrew promit à William de la ramener chez elle au plus tôt.

Puis, juste après, il vit un appel manqué d'une amie à Kate, Ariana.

Il la rappela et là, une chose étrange se produisit. Alors qu'il lui déroulait le même récit, il se rendit compte que son interlocutrice ne semblait pas surprise de ce qu'elle entendait. Il lui posa alors la même question qu'il avait posée plus tôt à William, s'il était possible que ce fameux Dereck puisse encore la tourmenter, après toutes ces années.

– ... Reste auprès d'elle, lui conseilla-t-elle. Il se peut qu'il la hante encore, effectivement.

Andrew fut très étonné de la franchise d'Ariana, car il était rare que les gens admettent sans question ces histoires de revenants qui viendraient hanter les vivants, mais elle le rassura en lui disant qu'elle avait des prédispositions à voir l'aura des gens, un don, en quelque sorte, et que pour elle, ces histoires n'étaient ni bizarres, ni choquantes, mais habituelles. Par la même occasion et puisqu'il avait assisté au phénomène, elle lui expliqua qu'elle avait tenté de prévenir son amie à plusieurs reprises, mais que chaque fois, elle y avait renoncé, ne sachant pas trop comment elle allait réagir. C'était un don, oui, mais aussi une arme terrible, une arme à double tranchant.

Ariana se rappela alors qu'au lycée, Kate lui avait dit ou laissé deviner qu'elle avait eu un premier amour de jeunesse, quand elle avait onze ans, mais qu'ils s'étaient perdus de vue. Kate ne lui avait pas raconté cette histoire, pas plus que William. Elle se promit d'interroger celui-ci à la seconde où elle aurait raccroché avec ce Andrew, qui prenait soin d'elle, pour tirer cette histoire au clair. La situation était beaucoup trop grave pour fermer les yeux là-dessus plus longtemps.

Puis la conversation se termina sur un dernier conseil de ne pas la laisser seule, et Andrew raccrocha. Examinant l'appareil, il fit une moue appréciatrice en constatant que malgré – ou à cause – de cela, Kate avait de vrais amis qui l'entouraient.

Il se remémora l'appel de William et l'histoire délirante qu'il lui avait racontée. C'était dur à croire, encore une fois, mais bien réel, s'il se référait à ce qu'il avait vu, lui.

À ce moment-là, un cri strident vint déchirer le silence nocturne de l'appartement.

Andrew se précipita au chevet de Kate et tenta de la calmer. Lentement, bercée par les paroles d'apaisement, elle se remit à respirer normalement et se calma doucement. Andrew la rallongea, puis remonta la couette sur ses épaules et, pour la première fois, il s'allongea à ses côtés, par-dessus la couette, l'entourant d'un bras protecteur. La chaleur de son corps vint réchauffer celui de la jeune femme à travers le tissu, dont les tremblements s'estompèrent peu à peu.

Elle repartit alors dans un sommeil profond, puis Andrew vint déposer quelques baisers sur sa longue chevelure en chuchotant :

– Je suis là. Je te ferai oublier ce mec, Kate.

Puis, joignant le geste à la parole, Andrew leva rageusement un doigt d'honneur bien haut à travers la pièce, espérant que ce signe soit visible et compréhensible pour le principal concerné, même si la pièce semblait vide, à part les deux jeunes gens qui étaient allongés sur le lit.

Il pensa bien être un tant soit peu ridicule en faisant ça, mais il s'en foutait. Il était déterminé à rester auprès de Kate, toute sa vie.


ENTRE TOI, MOI ET EUX...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant