Chapitre 8 : Première hésitations

14 4 0
                                    


Isaure s'invita sans cérémonie dans la chambre mansardée des employés afin de surveiller l'état de Térence.

Face aux figures mal à l'aise des deux autres valets, les Messieurs Darsonval et Tourelet tentèrent de raisonner l'infirmière.

— Allons, Mademoiselle, vous pouvez faire confiance au Docteur Émery et à son traitement. Si l'état de ce... de cette personne venait à empirer, ses compagnons auront tôt fait de l'alerter.

— Oui, il est inutile de passer une nuit blanche à le veiller. Vous avez déjà tant fait pour lui !

Isaure avait secoué la tête à la négative, elle repensait à l'instant où la pauvre tête de Térence avait frappé le sol et une vague de culpabilité l'envahit : comment avait-elle pu laisser Darsonval médire sur son propre valet de pied ? Ni lui souhaiter le moindre bon rétablissement ? C'était son cheval, après tout, qui était à l'origine de sa blessure !

Était-ce par mépris de classe qu'ils n'avaient rien dit ? Il était si insupportablement orgueilleux !

Éclairé par une simple lampe, le visage de Térence était crispé et légèrement couvert de sueur. D'un geste rempli de douceur, Isaure essuya sa peau fine avec un linge humide. Émery avait annoncé que le choc n'était pas si grave et que seul le repos était nécessaire. La maison était plongée dans la torpeur de la nuit. Seuls les murs du petit dortoir étaient secoués par les ronflements du vieux domestique d'Isidore.

— Seigneur ! songea-t-elle en détachant l'un des boutons de son chemisier. Il fait si chaud, sous ces toits... Et ces vrombissements infernaux !

Cette atmosphère lui rappela la Belgique et les campements de soldats, en plein été.

Un soupir désabusé s'échappa des lèvres de l'infirmière. En regardant les paupières closes de Térence, elle se sentit soudain irritée.

Pourquoi cette frustration, toujours bouillonnante dans ses veines ?

Elle parcourut des yeux les joues et le cou de Térence, piqueté de grains de beauté. Ses cheveux, épais et méchés de blond, collaient sur sa nuque et s'étiraient sur l'oreiller de coton blanc.

Elle remarqua un nouveau coup de soleil sur son torse, entre les revers de sa chemise ouverte. Sa peau rougie avait pris une couleur abricot.

Un instant, elle imagina son doigt parcourir le tissu et retint son souffle. La respiration saccadée du jeune homme provoqua chez elle une réaction soudaine. Des frémissements parcoururent son ventre et remontèrent jusqu'à sa gorge.

Elle cligna des paupières et se recula sur sa petite chaise : à quoi pensait-elle ? Elle qui soupirait quelques heures avant au sujet de Félix !

Elle se leva d'un bond. Elle ne pouvait pas rester ici, les autres avaient raison, cela devenait indécent ! Comment pouvait-elle imposer sa présence à Térence ? Elle s'était montrée si injuste envers lui, tellement impulsive et exigeante ! Quelle allait-être sa réaction, en la voyant si proche de lui à son réveil ?

Un valet à mes piedsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant