Chapitre 2 - Les infirmières impériales

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— Pourriez-vous remettre une buche dans la cheminée ? suggéra Isaure d'un ton qui avait tout d'un ordre.

— Non.

La jeune femme se leva, Tibère la vit saisir un gros morceau de bois et le jeter dans le foyer qui crépitait déjà. Elle se rassit près de la couche de Louise, visiblement agacée.

— Que craignez-vous ?

Son intonation sèche et son regard perçant le mirent mal à l'aise. Il réalisa qu'il devait faire attention à son attitude. Agir de manière trop réservée et méfiante le ferait passer pour ce qu'il était vraiment : un individu en fuite et recherché. De plus, la femme qu'il avait en face de lui était d'une stature impressionnante qui avoir l'air de savoir manier le pistolet. Plus grande que lui et large d'épaules, elle pouvait faire rougir n'importe quel charpentier.

— Il... Il y a des hommes qui fouillent les granges et les ateliers, la nuit. Depuis quelques semaines... Tout le monde en cause dans les villages.

Isaure le fixa quelques instants et sembla penser à quelque chose, elle répondit :

— Oui, j'en ai entendu parler durant notre passage à Tours. Un petit groupe de malandrins s'infiltre dans les fermes et les hameaux reculés, certains disent les avoir aperçus sur les routes, à l'aube. Mais n'ayez crainte, nous avons avec nous plusieurs pistolets et deux fusils, et je sais parfaitement bien m'en servir.

Le jeune homme fut soulagé de voir qu'elle avait gobé son explication. Ce n'était pas un mensonge, après tout... Les gaillards de Ravignant écumaient la campagne depuis sa fuite.

Isaure lissa une de ses mèches de cheveux entre ses deux doigts et ajouta fièrement :

— Ce serait plutôt nos assaillants qui devraient nous craindre, si l'idée leur venait de nous détrousser !

— Et bien, répliqua sans le vouloir Tibère d'un ton acide, grâce à vous, je suis certain que les Anglais n'auraient pas non plus l'envie de nous encercler !

— Vous êtes bien caustique, pour une personne qui sans doute, n'a jamais vu la guerre.

Il haussa les épaules pour toute réponse. Les guerres de Napoléon étaient sans fin.

Pour échapper à Ravignant, il avait songé à s'enrôler... mais s'il l'avait fait, ça en aurait été fini de sa maison à Vaufoynard et de son héritage. Son oncle aurait eu encore plus de facilité à se débarrasser de lui sur le front.

L'infirmière le regardait à présent d'un air sévère. Il ne pouvait pas lui en vouloir. Pourtant, il ne put s'empêcher de se questionner. Comment aurait-il réagi, si quelqu'un l'avait toisé de cette manière, quelques mois plus tôt ? Sans doute fort mal.

Il n'avait jamais été fier même s'il avait conscience du poids de l'héritage des Petremand de Frosnier sur ses épaules. Cependant, il se sentit frustré. Il la fixa un instant droit dans les yeux et il ne put s'empêcher d'avoir un pincement au cœur. La moue qui se présentait sur son visage mettait en valeur ses lèvres pleines et parfaitement dessinées. Dans la lueur plus vivace de la cheminée, il voyait le contour de ses traits : un teint doré par le soleil, des yeux de velours noirs, grands et en amandes, une chevelure sombre et ondulée. Elle possédait des pommettes rondes et une mâchoire de caractère ; sans aucun doute, elle avait dû assister à plus de champs de bataille que lui n'en verrait dans toute sa vie. S'il l'avait rencontré à Vaufoynard, peut-être il aurait été fasciné par sa force et son charme, à la fois si brut et féminin. Une beauté rare et intéressante, inconnue des salons à la mode. Là-bas, les silhouettes délicates et les visages poupins étaient les plus prisés.

Un valet à mes piedsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant