Chapitre 13 - Des mauvaises nouvelles

6 4 0
                                    

Isaure sentit une main se poser sur son épaule et ouvrit les yeux. Louise, assise dans le fauteuil qu'elle avait tiré près du lit, la regardait en souriant :

— Réveillez-vous, ma chère. J'ai attendu quelques minutes en plus, car vous aviez l'air de dormir comme un ange, mais je ne pense pas pouvoir faire patienter Honorine plus longtemps.

La jeune femme se redressa en bâillant, l'esprit embrumé de sommeil.

— Ai-je dormi longtemps ?

— Une petite heure. J'ai fait infuser un thé noir, afin de vous réveiller. Je pense que vous n'en aurez pas besoin, car Honorine va se faire une joie de vous remettre l'esprit en place.

— Est-elle en colère ? s'inquiéta Isaure.

— Furieuse, répondit Louise en gloussant. Je ne l'ai jamais vu dans un tel état ! Cependant, je vous rassure : ce n'est pas vers vous que son courroux se dirige. Je pense que ce Ravignant a des soucis à se faire. Elle vocifère partout au rez-de-chaussée. Attendez-vous à voir une sacrée scène ! Ces messieurs Darsonval et Émery en sont stupéfiés.

Isaure saisit la tasse en porcelaine que lui tendait Louise, elle était remplie à ras bord d'un liquide aussi noir que du café.

— Je vais peigner vos cheveux en attendant que vous terminiez de boire, suggéra la jolie blonde.

Louise se leva pour attraper la brosse, posée sur la coiffeuse et vint s'installer sur le lit. Elle se glissa derrière Isaure et attrapa dans ses mains une longue mèche de cheveux sombres. Elle les démêla doucement, habituée aux boucles naturelles de son amie. Isaure n'avait jamais eu besoin de fer ou de papillotes pour les arranger, elles formaient des anglaises magnifiques et brillantes, d'une forme si parfaite et rebondie qu'on aurait juré qu'elles avaient été faites par un bigoudi préchauffé. Louise savait que les chevelures des femmes venant des îles étaient fragiles et nécessitait des soins particuliers. La grand-mère d'Isaure, une esclave affranchie, avait pris soin d'écrire dans une lettre la manière dont il fallait s'en occuper. Elle l'avait pliée dans les bagages de sa petite fille avant son départ. Honorine avait fait de son mieux pour respecter les conseils prodigués et ainsi, toutes les femmes de la maison savaient peigner, tresser et faire briller les cheveux métissés d'Isaure.

Pour l'heure, sa tignasse était sale et emmêlée et Louise fit de son mieux pour les arranger. Elle fit un simple chignon et en laissa dépasser quelques mèches.

— Il faudra vous trouver une bonne suffisamment capable pour s'occuper de vous. Quand vous repartirez à l'Islette, une fois mariée, que direz-vous de prendre Marie-Rose ? Cette petite rêve de quitter ce comté.

— Non, répondit abruptement Isaure.

Louise fut étonnée de sa réaction.

— Pourquoi ? C'est une fille très capable.

La jeune comtesse se mordit l'intérieur de la joue. La fatigue l'avait fait répondre trop rapidement.

— Je me dois de prendre mon propre personnel... Et puis, j'ai un projet particulier, confia-t-elle.

— Dites-moi tout ! demanda Louise en s'asseyant pour lui faire face.

— Si mes finances s'améliorent et que je trouve un mari digne de ce nom, je pense ouvrir un atelier de bonnes œuvres et employer chez moi des filles désireuses.... de quitter leur mauvaise vie.

Pour la première fois depuis le début de la journée, un véritable sourire illumina le visage de Louise :

— C'est une idée qui vous ressemble tout à fait et je suis certaine que vous ferez quelque chose de formidable.

Un valet à mes piedsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant