Chapitre 7 : Une promenade romantique

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À ce même moment, dans le salon lourdement décoré de la demeure de Vaufoynard, Joseph Ravigant explosa de colère :

— Comment ? Vous n'avez pas encore réussi à mettre la main au collet de cet imbécile et vous me réclamez une avance ? Foutredieu, mais pour qui me prenez-vous ?

L'énorme poing du négociant tomba sur la table dans un bruit sourd, faisant chuter un porte-plume et tressauter un presse-papier en marbre sculpté. 

Les yeux rouges, il fixait le détective maigrelet qu'il avait embauché pour retrouver Tibère. Ses joues tremblaient au rythme de sa respiration saccadée de fureur.

Louis Fourchet ne silla pas et affronta son commanditaire avec calme. Il avait l'habitude des clients exigeants, riches et colériques. Ce Ravignant, poussif et impatient, ne lui faisait pas peur, aussi menaçant soit-il.

— Votre garçon s'est montré plus prévoyant que nous l'avions envisagé au départ, Monsieur. J'ai arpenté toutes les routes jusqu'à la capitale et j'ai même fouillé Paris et les quartiers étudiants où il avait ses habitudes. Je me suis renseigné auprès de tous les indicateurs possibles. Ces derniers ne donnent pas leurs précieuses informations gratuitement.

Une grimace déforma la moitié du visage de Ravignant, qui se mit à vociférer :

— Et où sont ces précieuses informations que vous avez récoltées ? Si je ne m'abuse, vous arrivez ici les mains vides !

Amélie, qui se tenait assise dans un canapé derrière eux une tasse de thé à la main, gloussa :

— Prévoyant, ce petit naïf ? Je l'ai déjà vu trébucher après avoir oublié de nouer les lacets de ses chaussures !

Son père reprit place dans son fauteuil et son poids lourd fit craquer le dossier matelassé.

— Nous devons le retrouver, il est légalement sous ma responsabilité. Il est l'héritier d'une famille ayant une excellente réputation ! Il ne peut s'être évaporé ainsi !

Il darda sur Louis Fourchet un nouveau regard et se retint de lui cracher au visage qu'il avait également embauché des hommes de main, venus de quelques équipages restés à quais, pour retrouver Tibère. Or eux aussi demeuraient bredouilles.

— Justement, Monsieur..., commença Fourchet d'une voix apaisante, c'est ce dernier point qu'il est intéressant de relever. Nous ne le retrouvons pas, alors qu'il est exactement ce que vous avez déclaré : un jeune homme naïf et peu expérimenté. Il n'a, d'après vos dires, jamais quitté Vaufoynard et il ne connait donc pas la région. Or je n'ai trouvé aucun bureau de poste, aucune auberge qui l'aurait vu passer. Le fait que mes indicateurs n'aient rien à me dire est au contraire révélateur d'une chose...

— Laquelle ?

— Soit que ce jeune homme n'a pas quitté la région et qu'il se trouve non loin d'ici... dans un endroit proche, auquel vous ne pensez pas. Soit qu'il est dissimulé quelque part, avec l'aide de complices.

Les ongles de Ravignant grattèrent son menton et ses poils de barbes naissants. Il eut une moue peu convaincue. Ses hommes fouillaient chaque grange, chaque abri de berger depuis des semaines... Ils interrogeaient les villageois et surveillaient les routes. Il savait que Tibère ne connaissait absolument personne, il avait fait en sorte de l'écarter de la société locale depuis des années.

— Peut-être... Peut-être a-t-il fait une mauvaise rencontre ? interrogea Amélie, qui grignotait à présent un biscuit à la cannelle. Il aurait pu croiser des voleurs au bord des routes, des déserteurs de l'armée française ou pire encore, des Anglais en fuite !

Un valet à mes piedsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant